Il y a dans l’expérimentation d’un concert en live, un paradoxe appréciable. À bien des égards, la musique est une expérience empirique, faisant directement appel à — au moins – l’un de nos sens : l’ouïe. Pourtant, dès l’instant où nous essayons de mettre des mots sur ce qu'un air nous fait ressentir, les descriptions deviennent approximatives. En témoigne la propension exacerbée des chroniqueurs musicaux à l’utilisation du champ lexical de l’onirisme. De cette contradiction entre réel et irréel, objectif et subjectif, naissent les sonorités martiales de Swans, formation quasi trentenaire de titans du rock expérimental et de la No Wave, à voir sur scène avant de mourir.
Vous êtes ici
Thor Harris
Swans semble redéfinir ce qu'est un retour en bonne et due forme. 4 ans, 4 albums, après My Father Will Guide Me up a Rope to the Sky, The Seer et To be Kind, le groupe rentrera de nouveau en studio en septembre après une énorme tournée qui passera par l'Europe (avec une seule date en France au très sympa festival This is Not a Love Song) mais aussi par le Moyen-Orient. Pour le moment rien à se mettre sous la dent concernant ce nouvel album, cela dit 2 vidéos ont été partagées par le groupe via leur Facebook récemment, 2 captations brutes de « Just a Little Boy » et « A Little God in my Hand ». Maigre encas, mais encas quand même pour patienter et découvrir si le groupe va pouvoir enchaîner 4 bons albums de suite. Patience.
Audacieux plateau concocté par la Villette cette année, puisque comme l’an dernier, le festival se paye une soirée rock agressif, metal, post machin, bref, ce que tu veux, mais qui, de fait, fait du bruit à base de guitares. L’audace se trouve dans l’affiche puisque 2013 voit la scène être partagée par Neurosis d’une part, groupe cultissime et essentiel, référence incontournable pour tous les manchots incapables de dépasser le 100 bpm sans se luxer un doigt, moult fois plagié et rarement égalé ; et Swans de l’autre côté, groupe cultissime et essentiel, référence incontournable pour bien des formations à travers le globe, y compris… Neurosis ! Le truc est d’autant plus curieux que Michael Gira ne cache que difficilement son manque d’amour total pour le metal, et qu’avec Neurosis il a de quoi être servi avec du rab et encore un doggy bag derrière. Enfin, Jarboe, ex-madame Swans a jadis enregistré un album avec Neurosis que Gira s’est toujours fait une joie de ne pas commenter. Tout le monde devait être décontracté en coulisse.
Swans. Les fans en sont finis, les autres n’y comprennent rien. S’il y a un groupe qui exprime avec autant d’aplomb le misérabilisme urbain, ce groupe ayant vu son origine il y a plus de 30 ans en est le porte-parole. Une rectitude sonore architecturale, pesée, calculée, une hargne ostensible livrant des gueulements autoritaires, dominants et directs. L’influence qu’a exercée le groupe au fil des décennies n’est plus à discuter. Swans fait partie de ces légendes qui ont transcendé les genres.
Troisième passage dans la capitale pour les Swans en moins de deux ans, quasi miraculeux quand on considère le statut du groupe, à mi-chemin entre la légende, l’extraordinaire et l’indépassable, en hiatus (Swans are Dead) pendant 13 ans. Pour ce troisième coup, le clan Gira s’arrête dans la très étrange salle du Trabendo - en quelques mots : une pièce étrangement foutue, où il est quasi impossible de se repérer dans l’espace, scindée en deux par un astucieux mais ultra dangereux système de marches et avec une scène qui ressemble plus à une estrade improvisée qu’à un lieu de spectacle et ceci complètement perdu dans les fourrés du parc de la Villette.
Le passage du légendaire groupe Swans ne se fait jamais sous silence à Montréal. Les blessures de guerre causées par leur dernière visite en 2010 se font encore sentir chez certains mélomanes. Deux ans plus tard, la troupe de Michael Gira s'apprêtait à percuter le Cabaret La Tulipe avec la même force de frappe que lors de la tournée reliée à "My Father Will Guide Me Up A Rope To The Sky".
Depuis quelque temps déjà, un collègue (je vous laisse deviner lequel) me pousse à écrire des chroniques, en ponctuant ces incitations d'un nombre plutôt conséquent d’obscénités. Jusqu'à aujourd'hui, je refusais en bloc, en lui répondant des trucs du genre "nan c'est chiant les chroniques, y a pas de photos", mais s'il y a bien un groupe pour lequel je me DEVAIS de faire une exception, c'est bien Swans.
C'est le 27 août prochain que Swans, l'un des groupes les plus indescriptibles et importants qui soient, va sortir son nouvel album. Intitulé The Seer, l'album est décrit de la sorte par Michael Gira :
« Il s'agit d'un aboutissement des albums précédents de Swans, mais également de toute autre musique que j'ai faite ou imaginée ou à laquelle j'ai participé. Cependant c'est inachevé, tout comme le sont les morceaux. Ce n'est qu'une image extraite d'un film. Les images se brouillent, se mélangent et s'estompent. Les morceaux ont commencé par de la guitare acoustique, puis les contributions (à la valeur inestimable) d'amis se sont ajoutées, ensuite on les a torturé en studio, et maintenant ils n'attendent plus que cannibalisme et gavage puisqu'on se prépare à en jouer quelques-uns en live. À ce moment-là ils vont encore muter, à l'infini, ou seront peut-être abandonnés un moment. »
Amis ? Ah oui, il s'agit, entre autres, de Jarboe (membre fondatrice du projet), Ben Frost (^%$%È#!!!) etGrasshoper (Mercury Rev). Voilà voilà. The Seer sera disponible dès le 27 août prochain via Young God Records en édition triple vinyles, digitale et double CD ainsi que dans une édition spéciale avec un DVD dont le trailer est disponible à la suite de l'article.
Mettons les choses au clair tout de suite. Il est impossible d'être préparé à son premier concert de Swans. On aura beau avoir écouté a peu près toute leur discographie, y compris les nombreux lives, et avoir lu des nombreuses reviews sur le sujet, on ne sera jamais prêt, car c'est une expérience tout simplement impossible à décrire. Voilà, c'est dit, je me décharge donc de toute responsabilité quant à l'éventuelle incohérence de mes propos, et tacherai de restituer le plus fidèlement mes souvenirs de cette impressionnante soirée.