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Deftones - Koi No Yokan (2012)

Portrait de François-Carl
Deftones - Koi No Yokan (2012)

Premièrement, regardez cette photo, je suis le gars à gauche de Chino Moreno : très souriant; heureux. Le genre de sourire qu’un billet VIP à 125$ pour un spectacle de Deftones au Métropolis de Montréal lors de la tournée en support de l’album Diamond Eyes (2010) vous procure. Certains pourront remettre en question l’utilité de payer pour ce genre de service VIP, c’est-à-dire une rencontre de 10 secondes pour une photo et quelques poignées de main avec ces hommes. Ce à quoi je réponds simplement : « dude, c’est the fucking Deftones! ». Car oui, depuis que j’ai découvert la musique à tendance lourde à travers le nu-metal lors de mon adolescence, je suis fan assidu de Deftones. Contrairement à leurs pairs nu-métalleux, ils ont réussi à se démarquer de cette étiquette affreuse et chacun de leurs albums est plus que solide. Diamond Eyes m’avait surpris, par la façon dont le groupe a réussi, en se forgeant un son unique qui leur appartient et qu’il maitrise à merveille, à être légitimement actuel. Par contre, si Deftones m’a déçu par le passé c’était par leur prestation live. Je me souviens les avoir vus dans un gymnase avec un son pourri et j’éprouvais réellement de la difficulté à différencier les titres tellement leur interprétation était bâclée. Mais surprise! Voilà qu’à la suite de Diamond Eyes, malgré le malheureux accident de voiture qui mettra le bassiste Chi Cheng dans un long coma depuis 2009, le groupe est au sommet de sa forme. Les querelles d’égo mises de côté et une perte de poids plus tard, Deftones a su me surprendre, cette fois sur scène. Alors tout cela dit, étant plus fan que jamais, j’écoute le tout nouveau Koi No Yokan. Je le réécoute, et le réécoute, et le réécoute, et le réécoute… Cette consommation un peu abusive est-elle un bon signe ?

Eh bien, initialement, non. Sans blague, j’ai dû l’écouter une trentaine de fois et presque aucun des titres ne semblait se démarquer. Alors parce que je me suis donné le défi d’écrire une critique de cet album et que : « dude, c’est the fucking Deftones! », je me suis forcé à décortiquer les titres un par un. Car dans son ensemble, l’album Koi No Yokan est homogène. J’ai toujours eu comme approche que si j’aimais un titre lors de ma première écoute, cela voulait dire que je m’en lasserai sûrement très vite. Donc, Koi No Yokan serait le genre d’album « grower » que l’on découvre pour très longtemps. Pourtant, Diamond Eyes a eu l’effet d’une bombe chez moi, et ce rapidement. Ce sentiment d’euphorie de fanboy était absent en écoutant Koi No Yokan. Peut-être que j’étais tout simplement satisfait du catalogue de Deftones et qu’un nouvel album n’était pas attendu de ma personne. Il faut dire qu’une période de deux ans entre une sortie d’album, c’est court, même précipité. Ma conclusion serait peut-être simplement que Koi No Yokan est moins accessible que Diamond Eyes.

Curieux, je lis ce que les « vrais » critiques ont à dire de ce nouvel album : c’est l’extase. Mais putain! Qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez moi? On le compare à White Pony. Je m’excuse, mais chacun des titres de White Pony a de la personnalité. Alors, décidé, je réécoute Koi No Yokan, qui en passant, signifie (selon Wikipedia) : "Premonition of Love" or "Anticipation of Love". Ce qui décrit bien ma relation avec l’album, j’anticipe fortement d’avoir de l’amour pour lui. Personnellement, je trouve que le son est une continuation de Diamond Eyes. Quelqu’un m’aurait dit « voici des b-sides datant du dernier album » que je l’aurais cru. La direction prise est celle du titre tel « Sextape » tiré de Diamond Eyes : atmosphérique, doux et heureux.

Je touche un point qui me semble être la raison pour laquelle notre premier rendez-vous amoureux est tombé à plat : tout va bien pour Deftones, peut-être même trop bien. Ce qui fait la magie de Deftones selon moi est que leurs compositions sont « belles », mais en étant à la fois très lourd avec un bon dosage « stoner ». Normalement les titres de Deftones me font hocher la tête tranquillement, mais fortement; un hochement convaincu, senti et puissant. Stephen Carpenter, mais où sont tes riffs bordel !? Koi No Yokan propose des compositions planantes, les adjectifs « aérien » et « léger » sont de circonstance. Le premier titre de l’album, le très efficace « Swerve City », incarne bien la direction prise par le groupe. On y entend Chino chanter tel un amoureux : « She tames me with her voices / As she plays around with her forces / That travel through the air » avec des « Oouuhhaaahhha, Oouuhhaaahhha » en prime. C’est clair, Deftones plane dans les airs, on le ressent même dans la couverture d’album, ils sont aux étoiles. Le second titre, « Romantic Dreams » continue dans ce sens : « I’m hypnotized by your name / I wish this night would never end » ou encore : « I promise / to watch and raise your babies » avec des « Oouuhhaaahhha, Oouuhhaaahhha » en prime.
Or j’aime mon Deftones lourd, ou encore avec des adjectifs relatifs au ciel : assombri, bouché, chargé de nuages, couvert, ennuagé, gris, nébuleux, nuageux, obscurci, voilé… vous comprenez l’image. La « légèreté » des compositions est accentuée par le rendu heureux de la voix de Chino. Il manque selon moi carrément de mélancolie, ce qui a pour effet de castrer les compositions plus lourdes de Koi No Yokan. « Leathers », le premier simple, est captivant et agressant à souhait. Mission accomplie, suivant.

Le titre qui s’est démarqué lors de ma première écoute fut le 4e soit « Poltergeist » dû à son intro de percussion et la basse de Sergio Vega très présente. Il s’agit peut-être de la première claque de l’album. Suivi de « Entombed », qui cette fois réussit le mélange doux/lourd qui fait la spécialité de Deftones. Je ferais remarquer que Deftones a encore un DJ, soit Frank Delgado qui délaisse la table tournante pour se faire ressentir sur ce titre par ses ponctuations de synthétiseur. « Graphic Nature » m’agace à vrai dire, c’est le genre de titre qui construit une attente sans jamais la combler. La prochaine réussite « doux/lourd » est le deuxième simple, Tempest. L’un des titres les plus longs de l’album à 6:05, il nous prend par la main et nous ébranle, enfin! « Gauze » veut nous en mettre en plein la vue, mais tombe un peu (un peu) à court sur sa cohésion de par la façon dont il s’éteint doucement en panne d’inspiration.

Deftones étanche après tout ma soif de lourdeur avec « Rosemary », la composition la plus longue de l’album et la plus accomplie. Finalement un titre qui me fait hocher la tête tranquillement, mais fortement; un hochement convainquant, senti et puissant, merci Monsieur Carpenter! Le titre se tient debout en assumant un riff qu’il dénude vers la fin pour ensuite se transformer en « Goon Squad » qui nous propose aussi du bon gras. Koi No Yokan se termine sur « What happened to you ? » avec une autre intro de percussion à la « Digital Bath » qui fait le charme des prouesses du batteur Abe Cunningham, avant de se confondre dans les textures planantes de voix et guitares qui définissent ce dernier effort du groupe de Sacremento, qui a le vent dans les voiles : « In the winds of your cape / I’ve sailed with you / from the shore to the gates / we sway / We’re alive somewhere else / Far ahead of our time ».

Le résultat de Koi No Yokan est un album heureux, moins lourd, mais pas pour autant accessible, ce que je trouve étrange, car normalement j’ai tendance à associer l’adjectif « léger » à « pop ». Le processus fut long, mais avec de la détermination, le nouveau Deftones a su me séduire petit à petit. Je suis convaincu que les fans trouveront leur compte. Les moments forts de l’album sont définitivement « Rosemary », « Tempest » et « Entombed ». Deftones n’a pas de date prévue à Montréal pour le moment, mais j’aimerais entendre ces titres en live, afin de voir s’ils ont plus de mordant dans ce contexte. À noter que je me payerais le billet d’entrée au prix régulier. Finalement, un album de Deftones se doit de dégager une énergie séduisante et charnelle. J’ai alors demandé à ma copine d’en faire l’écoute avec moi, si Koi No Yokan a su faire rédemption de ses péchés, c’est bien à travers les plaisirs de la chair!

Et vous, est-ce que Koi No Yokan vous a demandé 30 écoutes avant de vous séduire ?

Deftones - Koi No Yokan (2012)
Deftones
Koi No Yokan
Poltergeist (Roller Derby)
Romantic Dreams
Leathers
Swerve City
Entomb (Dazzle)
Graphic Nature
Tempest
Gauze
Rosemary
Goon Squad
What Happened To You? (Flashback)
Photographe argentique + (Auto)-éditeur + amateur de bon café

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