Hellfest. Trois jours, six scènes, bien plus de cent groupes, et quelques dizaines de milliers de spectateurs; voici quelques chiffres relatifs à ce festival, l'un des plus grands d'Europe. Il était évident qu'on allait y être. Cependant, le contenu du festival étant on ne peut plus hétérogène (avec toutefois une affinité prononcée avec les genres en -metal et en -core), une scène en particulier attira notre attention au point d'y passer le plus clair de notre temps, j'ai nommé The Valley.
Et c'est précisément devant cette scène que j'assisterai à mon premier concert du festival, qui sera aussi ma première claque du weekend. Arrivé sur place vers 10 heures, je fais la file d'attente pour récupérer mon pass photo, puis fonce à travers le public pour l'instant relativement peu nombreux, pour rejoindre la scène alors que les Lyonnais de Celeste viennent tout juste d'entamer leur set. Si je connaissais le groupe sur album, je n'avais encore jamais eu l'occasion de les voir en live, et au bout de seulement quelques notes je ne regrette déjà aucunement être venu aussi tôt. C'est assez incroyable de voir que seulement quatre personnes (dont un seul guitariste) arrivent à produire une masse sonore aussi importante, facilement comparable aux prestations deAmenRa, en bien plus rapide et rythmé. C'est donc parpaing sur parpaing qu'on se prend sur la gueule, sous des stroboscopes qui portent à croire que le groupe voue une haine particulière envers les épileptiques. Bref il n'y a rien à redire, cette prestation réunissant tout ce qu'on pourrait attendre de ce groupe: guitares déchirantes, chant surpuissant, partie rythmique aussi massive qu'un trente-six tonnes, et une ambiance on ne peut plus oppressante. What not to like ?
Une fois le set fini, je jette un coup d'oeil au programme, pour n'y trouver rien que je connaisse, ne serait-ce que de nom. Je me lance alors dans ce qui deviendra presque une petite tradition au cours de ce festival: je vais shooter du black metal. Pourquoi ? Essentiellement pour le fun, ayant toujours trouvé les déguisements et attitudes scéniques des black-metalleux plutôt amusants. De plus, la scène se concentrant sur ce genre (Temple) se trouve juste à coté Valley, je n'ai donc que quelques mètres à faire pour rejoindre le concert des Français de Merrimack. Autant le dire tout de suite: je ne connais rien au black metal, c'est donc d'un oeil et d'une oreille de néophyte que j'assiste à cette prestation finalement pas si mauvaise. Le son n'est pas dégueulasse, et les morceaux, tout en trémolos de guitare effrénés, passent plutôt bien, sans pour autant être une révélation pour moi, comme ce fût par exemple le cas de Wolves in the Throne Room. Je fais donc un tour vers la scène afin de capturer quelques clichés du chanteur maquillé comme à l'accoutumée, puis m'éloigne au bout de quelques morceaux. La Valley m'appelle.
C'est Doomriders qui se lancent ici, nous délivrant un mélange savoureux de hardcore et de stoner, mené par Nate Newton, bassiste de Converge. Début de journée oblige, leur set sera plutôt court, mais diablement efficace, le groupe n'ayant aucune difficulté à instaurer une bonne ambiance dans le public, de plus en plus actif. Il en sera de même pour Thou qui joueront sur la même scène une quarantaine de minutes plus tard. Là encore, je ne peux que m'étonner de la puissance sonore développée par un nombre de personnes aussi restreint.
Retour vers Temple, mais cette fois point de maquillage blanc et noir; place aux chapeaux, pantalons en cuir et tresses des Islandais de Solstafir. Si jusqu'à maintenant (et ce fût le cas de la grande majorité des groupes que j'aurais vu au cours de ces trois jours) le son ne m'était pas paru plutôt bon, ça ne sera pas le cas pour ce groupe aux tenues plutôt folkloriques. Le chant, qui ne m'a jamais gêné en studio, est beaucoup trop fort et me semble assez faux, la magie n’opérera donc pas pour moi, et je quitterai la scène pas vraiment convaincu. Dommage, ce metal teinté de post-rock avait pourtant des bons arguments sur papier.
Il est 14 heures, le soleil commence à taper, et je ne sais à nouveau pas où aller. Je tente donc un petit tour vers Altar, la scène orientée plutôt death, sur laquelle se produisent Unexpect. Même pas le temps d'arriver jusqu'à la scène, que je comprends déjà que ce n'est pas du tout ma tasse de thé, et me rabats donc sur Brain Police à la Valley. En toute honnêteté, je n'ai gardé que très peu de souvenirs de ce concert, tout comme ce fut le cas de The Atomic Bitchwax (quel nom magnifique !) une heure après. Les deux groupes, officiant dans un registre stoner, restent un minimum divertissants, mais m'ont toutefois paru finalement assez classiques et conventionnels, ne se démarquant pas spécialement des autres groupes du genre. Tant pis.
Encore une heure à tuer, et je m'essaye à nouveau à un groupe de black métal: Darkspace. Mauvaise pioche cette fois. Si les déguisements des musiciens sont plutôt amusants à mon goût (bien que je préfère le look "ensanglanté" à celui du "mi-goth mi-lézard"), la musique passe clairement moins bien que ce fut le cas avec Merrimack. Les morceaux semblent vraiment trop répétitifs à mes oreilles, et sonnent beaucoup trop brouillon pour que j'arrive à y accrocher ne serait-ce qu'un peu. Je préfère donc me retirer vers la zone presse (d'autant plus que je peine à prendre des photos un tant soit peu intéressantes), afin de me reposer avant la suite.
Si le milieu de l'après midi ne m'a pas apporté son lot de concerts mémorables, les choses sont sur le point de changer, et au vu du monde qui se trouve sous le chapiteau de la Valley en attendant le début deOrange Goblin, je ne suis pas le seul à le penser. À juste titre, puisque le groupe anglais exécutera un show s'approchant de la perfection. Le son est bon, les musiciens enjoués et énergiques, et le collectif prend visiblement son pied à nous jouer des titres de son dernier album, A Eulogy for the Damned. C'est gras à souhait, sans pour autant être aussi lourd et pesant que d'autres groupes stoner, et l'ambiance, légèrement à la baisse depuis quelques heures, réchauffe de nouveau, le public suivant volontiers l'entrain du frontman plutôt charismatique. Le groupe n'hésitera pas non plus à piocher dans des albums plus anciens, finissant par Blue Snow et Scorpionica. Définitivement, un très bon moment.
Après l'échec Darkspace, je n'ose pas retenter l’expérience black metal, et, au lieu d'aller shooter Taake, reprends une autre pause, afin d'attaquer le show de Colour Haze bien reposé. Ne connaissant ce groupe que de nom, ce sont surtout les incitations de mes collègues qui m'ont poussé vers cette scène, et... mais comment ai-je fait pour ne jamais avoir écouté cette merveille auparavant ?? Coup de coeur immédiat pour ce trio allemand, souvent qualifié par l'entourage de "ce qui se fait de mieux actuellement dans le stoner/psychédelique". Je ne peux qu'être d'accord, m'abandonnant dès les premières notes dans les interminables solos de guitare, s’enchaînant d'une manière plutôt étonnante: si je ne sens aucune coupure dans les riffs, je suis absolument incapable de me souvenir de la mélodie jouée quelques instants auparavant, un peu comme si les notes entraient dans mes oreilles, et ressortaient juste après, aussi discrètement qu'elles étaient venues. Et, visiblement, je ne suis pas le seul dans le cas, une grande partie du public profitant de ces douces mélodies les yeux fermés, dans l'atmosphère enfumée, intense, voire même magique régnant sous le chapiteau. Je repars donc avec la ferme intention de revoir ce groupe en salle.
Direction l'autre bout du festival pour mon seul concert de la journée à la Main Stage. Car si d'habitude je ne suis pas fan des groupes-fossiles, maintes fois enterrés et ressuscités, j'ai quand même envie de donner une chance à Lynyrd Skynyrd. Et, ma foi, après un début un poil mou, je dois avouer qu'ils s'en sortent pas si mal que ça, surtout lorsque l'on considère l'âge des musiciens: le chant est très correct, et les guitaristes arrivent même à avoir une bonne présence scénique, tout en jouant leurs parties avec suffisamment de maîtrise pour ne pas ressembler à une pâle copie de soi-même. Je reste donc dans le coin pendant tout le set, malgré les quelques petites averses, pendant que le groupe enchaîne des tubes tels que That Smell ou encore Simple Man. Bien évidemment, le morceau final sera Sweet Home Alabama, repris par tout le public, alors que les décors sur scène changent pour s'adapter aux couleurs sudistes du groupe. Attendez... morceau final ? Non, ils peuvent pas nous faire ça quand même... et non, heureusement. Alors que le public commence déjà à partir et que des techniciens montent sur scène, le groupe revient en trombe, nous annonçant qu'ils ont encore un morceau à jouer. "What song do you want to hear ?" Et là vient le moment que j'attendais tant, celui pour lequel je suis resté sous la pluie pendant une heure et demi, celui que je peux dorénavant classer dans ma petite liste de moments historiques: tout le public hurle "FREE BIRD !". Et Free Bird ça sera. Le fond de la scène se voit affublé d'une énorme image d'aigle américain, le public chante, les solos s'enchaînent... Comme dans le bon vieux temps, me confie un homme âgé à côté de moi, suivant apparemment le groupe depuis ses débuts.
Il est 22 heures, je suis donc sur place depuis une douzaine d'heures maintenant; autant dire que la fatigue commence à se faire sentir. J'ose cependant un dernier aller vers la Valley, où se produit Hank Williams, alias Hank III, pour découvrir un chapiteau bondé, et un groupe quelque peu hors de commun. En plus d'un batteur, c'est une guitare, un banjo, un violon et une contrebasse que l'on voit sur scène, et même si je suis interpellé par le look plutôt punk du guitariste (Hank Williams himself), je dois avouer qu'au premier abord je ne comprends pas trop ce que ce collectif fait là, tellement leur musique me parait proche d'une country américaine assez classique. Mes interrogations sont cependant dissipées quelques minutes plus tard, lorsque le batteur entame un rythme clairement orienté rock voire metal, rapidement suivi par le contrebassiste qui ajoutera des backing vocals hurlés à un chant principal toujours assez country. Ah ouais, vu comme ça... Je reste donc là, fasciné par ce mélange de genres curieux, et, à défaut d'un adjectif plus adapté, très couillu.
Je partirai de ce concert un peu avant la fin, décidément vaincu par la fatigue, et, n'ayant trouvé rien d’intéressant dans l'affiche pour le reste de la soirée, je préfèrerai rentrer me reposer. Une grosse journée s'annonce demain. Be ready.
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