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Rock Altitude Festival 2014 15/08/2014 @ Le Locle, Suisse

Portrait de Estelle
Rock Altitude Festival 2014 15/08/2014 @ Le Locle, Suisse

Quand on assiste régulièrement à des concerts en Suisse, il arrive forcément un moment où on entend parler du Rock Altitude Festival. Certains vous racontent des histoires de bunker et d’étoiles filantes, d’autres vous mettent l’eau à la bouche en détaillant tous les grands noms qui s’y sont arrêtés : Meshuggah, Neurosis, Electric Wizard, Gojira… Et je ne parle même pas de la liste de groupes locaux qui fait pétiller les yeux de tout fan de Hard qui se respecte : Knut, Rorcal, Unfold et j’en passe.

Le Locle, Vendredi 15 Août 2014, 17h00 : temps couvert, risques d’averses.
Température extérieure : 12°c – Température ressentie : 10°c.


Cette année, l’été nous boude sérieusement mais au lieu de maudire le dérèglement climatique, voyons plutôt le bon côté des choses. Avec un temps pareil, la tentation de sacrifier un concert au profit d’une pause champêtre autour du festival est inexistante. Second point positif, et pas des moindres, il sera possible de savourer une raclette ou une fondue estivale sans essuyer de regards réprobateurs. Comme si le fromage fondu était réservé aux grands froids !

 

Kruger

Si vous demandez aux gens quels groupes leur ont fait découvrir la scène suisse post-hardcore/sludge/ce que vous voulez, il y a de grandes chances qu’ils vous répondent Knut et/ou Nostromo. Je ne fais pas exception à la règle, à un détail près : j’y ajoute Kruger.

Depuis ce lointain Fury Fest 2005, j’ai eu l’occasion de le voir sur scène un nombre de fois incalculable (jolie tournure stylistique pour ne pas révéler le nombre exact, tabou en dehors d’un cercle d’initiés) mais rien n’y fait, je ne m’en lasse pas.

Ce n’est pas aujourd’hui que la donne va changer. Après le rodage des premières minutes, Kruger atteint tranquillement sa vitesse de croisière. Tandis que ses collègues sont concentrés sur leurs instruments respectifs, Renaud assure le spectacle. Armé de son fidèle micro vintage, il multiplie les excursions au milieu du public, saluant les uns et se servant allègrement dans la bière d’un autre.
Côté musique, c’est la période "For Death, Glory…" qui est privilégiée mais la nouveauté n’est pas oubliée pour autant. Le groupe dévoile en effet deux extraits de son futur album, "Adam & Steve", dont la sortie est programmée cet automne. Laissez-moi vous dire que la première impression est bonne !

"Turpitude" sonne la fin du concert, baignée dans un immense élan d’amour grâce à Renaud et sa traditionnelle distribution de câlins parmi les festivaliers ravis.

 

Impure Wilhelmina

Des mois que j’attends ce moment. Des mois que j’imagine ces retrouvailles. Mais tandis qu’Impure Wilhelmina termine ses balances, l’impatience et l’excitation font place au doute et à l’appréhension. Vais-je être déçue ?
Ne nous voilons pas la face, il fut un temps où le chant clair de Michael Schindl flirtait dangereusement avec la fausseté. Je m’en étais accommodée, trouvant même que cet équilibre instable collait plutôt bien avec la fragilité qui se dégageait de sa musique. Tout a changé avec la sortie de "Black Honey" en début d’année. Anecdotique jusqu’à présent, il est devenu le pilier sur lequel repose l’identité de l’album. Une défaillance en live et c’est la catastrophe pure et simple.

Le désastre n’aura pas lieu. Contre toute attente, le chant clair est parfaitement maîtrisé, et son pendant brut ne l’est pas moins. Mes craintes envolées, je peux désormais me plonger à corps perdu dans la musique. "The Enemy", "Submersible Words", "Knife", "Continental Breed", "Travel With the Night"… Les émotions naissent et disparaissent au rythme des titres qui se succèdent. Résultat, j'oscille constamment entre accès de mélancolie et envol de papillons dans l’estomac. C’est une sensation étrange, à la fois éprouvante et salvatrice...

Ce délicieux supplice prendra fin avec les dernières notes de "Black Horse", chef d’œuvre d’une délicate noirceur.

 

Converge

Impure Wilhelmina termine à peine qu’on entend déjà de l’activité du côté de la seconde scène. Quand je la rejoins, les Américains ont lancé les hostilités depuis quelques minutes et comme d’habitude, leur objectif est simple : tout détruire sur leur passage. Les morceaux défilent à vitesse grand V, laissant à peine le temps de reprendre ses esprits entre chaque mandale.

Quand on y pense, comment pourrait-il en être autrement quand le rythme est donné par l’hyperactif Jacob Bannon ? Le regard tantôt sauvage, tantôt halluciné, ce dernier passe son temps à courir, sauter, sans que ses prestations vocales en pâtissent. Il est bien loin le temps où j’avais l’impression de voir un type aboyer des paroles en essayant tant bien que mal de reprendre son souffle.
Si le chanteur attire forcément le regard, il ne faut pas minimiser l’importance de ses collègues, chacun faisant preuve d’un engagement total dans l’exécution de ce chaos sonore qu’on aime tant. Au passage, je me permets de décerner une mention spéciale à Ben Koller qui a tout simplement été époustouflant.

Le son n’est pas toujours bon, les problèmes techniques nous privent régulièrement du chant (la vision de J. Bannon hurlant en y mettant tout son cœur sans produire aucun son a d’ailleurs quelque chose de comique) mais à la limite, peu importe. La claque, elle, est bien là.

 

 

Red Fang

La tente est pleine à craquer, et ce n’est pas uniquement lié à la pluie torrentielle qui s’abat sur Le Locle. L’explication tient en deux mots : Red Fang.
Red Fang, c’est le groupe que tout le monde aime et quand on analyse un peu le phénomène, on comprend mieux pourquoi.

Depuis quelques années, les Américains tournent sans relâche sur le Vieux Continent. Leur notoriété grandissante pourrait leur permettre de se limiter à quelques dates stratégiques, tombant ainsi dans le syndrome à la mode du "concert unique dans la capitale et le reste du pays peut bien pleurer des larmes de sang, on s’en fiche". Mais non, tout y passe : clubs et gros festivals, capitale et petite ville réputée pour son architecture horlogère. Résultat, il y a de fortes chances que vous les ayez déjà vus jouer près de chez vous.

Leur(s) concert(s) vous ayant laissé un bon souvenir, vous avez naturellement envie de remettre ça. Vous voulez vous déchaîner sur les tubes en puissance que sont "Wires" ou "Blood Like Cream", faire du air-bass sur "Number Thirteen" (Rocksmith, tout est de ta faute) avant de perdre vos chaussures/lunettes/clefs en slammant. Et quand la musique s’arrête le temps du traditionnel accordage d’instruments, vous avez envie de rire bêtement des blagues potaches qui fusent sur scène… Ah Red Fang, pas étonnant qu’on vous aime autant !

 

Down

Je n’ai pas eu ma dose annuelle de Phil Anselmo durant le Hellfest ? Qu’à cela ne tienne, je la prendrai au Rock Altitude !

Pour être honnête, je ne me suis pas intéressée aux sorties de Down depuis "Down III : Over The Under". Cette lacune aurait pu être problématique si le groupe avait décidé de se focaliser sur son répertoire récent mais ce soir, j’ai de la chance. Il va chercher dans les tréfonds de sa discographie et en ressort des pépites : "Lifer", "Lysergik Funeral Procession", "Hail the Leaf", "Stone the Crow"... Face à de telles pointures, les fameux morceaux extraits des derniers EP font pâle figure et ne laissent pas un souvenir mémorable.

Toujours aussi impressionnant sur scène, entier, sincère. Si on devait décrire Phil Anselmo en quelques mots, voilà ce qu’on en dirait. Il pourrait utiliser son côté imposant et son statut de "légende" pour se la jouer mutique-distant mais visiblement, ce n’est pas sa conception des choses. Chaque pause est un prétexte pour bavarder, nous donnant ainsi l’occasion de découvrir l’humour du monsieur (Watain a plein d’artifices sur scène ? Down se contente d’un balai, vrai balai à l’appui !) ou le fait qu’il n’a pas la langue dans sa poche (certains membres du public lui demandent de se taire ? Ils se feront gentiment envoyer chier).

Dernière date de la tournée oblige, le morceau final est l’occasion d’accueillir quelques invités. La scène se retrouve ainsi envahie par l’équipe technique de Down, Kurt Ballou et Nate Newton. Tout ce petit monde se lance alors dans un bœuf géant sur "Bury Me in Smoke" avant de regagner les coulisses sous les acclamations d’un public aux anges.

(Pour la petite histoire, j’ai été choisie par M. Anselmo en personne pour monter sur scène et photographier le groupe. Quand je vous disais que j’avais de la chance ! Les mains tremblantes d’appréhension, j’ai rempli la mission qui m’était confiée mais malheureusement, le résultat n’est pas celui escompté. Que voulez-vous, l’émotion… Et un objectif inadapté. Je fais donc appel à votre indulgence quant à la qualité de la photo en question.)

 

(Red) Kunz

S’il y a bien une chose qui m’a toujours épatée en Suisse, c’est la propension des musiciens à multiplier les groupes. La plupart d’entre eux restent raisonnables, se limitant à un projet parallèle. D’autres sont nettement plus frénétiques. Luc Hess et Louis Jucker appartiennent à cette seconde catégorie. On les retrouve dans Coilguns, The Fawn, le projet solo de Louis….et Kunz.

Le duo pioche dans la noise, le rock ou encore le stoner, mélange tout ça et en sort des morceaux ultra énergiques et un peu barrés. Le format duo basse-batterie aurait pu limiter leur champ d’action mais leur complémentarité musicale et leur complicité sont telles que cet obstacle n’en est plus un.

Si vous suivez un peu ce qui se passe sur Pelecanus ces derniers temps, vous savez que Luc et Louis se sont alliés à Aaron Beam et John Sherman (Red Fang) pour créer Red Kunz. Cette collaboration a donné naissance à "Teeth, Hair & Skin" dont la sortie officielle tombe… le 15 Août 2014. Vous aussi vous la sentez venir la surprise ?
Aaron est le premier à rejoindre les Suisses pour interpréter quelques titres de Kunz, suivi de peu par John. C’est donc le groupe au grand complet qui nous offre deux titres pour terminer en beauté, "Transatlantic" et "Four Good Reasons".

 

Abraham

La nuit est déjà bien avancée quand Abraham monte sur scène. L’heure tardive et le froid auraient pu en décourager plus d’un mais le public reste étonnamment fourni.

Si je pouvais, je décrirais ce concert en deux mots : barbe et Hard. Le problème, c’est que ma conscience professionnelle me torturerait durant des mois. Essayons donc de développer un petit peu.

Tout comme Janus, Abraham cache deux visages derrière sa barbe joliment taillée. Celui qui saute aux yeux, c’est le visage guerrier. Celui qui veut en découdre, qui fait étalage de sa puissance en nous balançant "The Great Dismemberment" et sa dose de triple-blast au moment où on s’y attend le moins... Son jumeau est quant à lui beaucoup plus doux, plus subtil. Il s’exprime dans ces longs passages instrumentaux propices à la contemplation. Et comment ne pas sentir également son influence dans tous les gestes d’amour viril et autres regards langoureux échangés entre les membres d’Abraham ?
La rencontre des deux est étonnante, détonante, et ce ne sont certainement pas les courageux encore présents qui diront le contraire.

Le Locle, Samedi 16 Août 2014, 03h00 : temps couvert et humide.
Température extérieure : 7°c – Température ressentie : 5°c.

Et voilà une nouvelle édition du Rock Altitude qui se termine. En quittant Le Locle pour rejoindre mon hébergement de luxe et sa Nintendo 64 (Jona, je ne te remercierai jamais assez !), je souris en me disant que la prochaine fois que quelqu’un parlera du festival durant un concert en Suisse, j’aurai moi aussi plein d’histoires à raconter.

Quand je ne regarde pas une compétition de saut à ski, j'écoute de la musique à un volume sonore déraisonnable.

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