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Hellfest 2013 - Jour 02 : « De scènes en scènes »
Si on n’a jamais expérimenté un festival musical open air tel que le Hellfest, il est difficile de comprendre le début de journée typique dans le camping du site. Le réveil dans la moiteur du sac de couchage, sous une tente bon marché. Le manque désespéré de caféine, l’agression de la lueur du jour. Puis cette première cigarette, dégainée comme un réflexe de défense primale face à l’odeur de bière forte qu’ingurgitent certains dès qu’ils sont sur pied… Mais plus encore la sensation étrange d’avoir passé tellement d’instants musicaux formidables la veille.
Et plus encore : l’agréable idée que c’est loin d’être terminé.
La preuve. Après The Great Old Ones la veille, c’est une autre race de dévots au metal noir qui surgit sur scène dès 10h30 du matin. Regarde Les Hommes Tomber, la formation nantaise défend bec et ongles son premier disque éponyme sur la scène Valley – que l’on connaît désormais plutôt bien. Et ils ont tout pour séduire : un son rampant confinant le black metal dans ses recoins les plus sludge, quelques breaks doom massifs, un chanteur à la voix sortie de nulle part… On avait beau en avoir l’intuition, le concert n’en est que plus jouissif. On sent que pour les musiciens, l’accueil chaleureux du public signifie quelque chose. Le metal français a définitivement sa place parmi les pontes internationaux qui garnissent la progra du Hellfest. Surtout dans ce cas précis.
Non, vraiment. Quel plaisir de regarder les hommes tomber.
Après une visite très agréable aux punks de Justine, déchaînés sur la Warzone, le retour sous le chapiteau de la Valley nous confronte à Procession. Attention les yeux : le groupe de heavy doom n’est pas là pour plaisanter. “Ramener le vrai doom metal et pisser sur les hippies”, telle est la mission que s’est confié le groupe. C’est sûr : il y a plusieurs écoles dans ce genre musical. Le travail des Chiliens est d’ailleurs plutôt bon. Les patchés s’exécutent à enchaîner riffs épiques et tapis de double pédale, le tout sur un rythme lent et mortifère. Bon. Sans doute pas le meilleur concert de la Valley mais une chouette preuve que le metal, le vrai, celui qui ne badine pas avec “les hippies”, a réussi à s’inviter décemment sur la Vallée.
À vrai dire, il faut croire que nous sommes des hippies, chez Pelecanus. Le concert suivant, donné par les zazous d’Uncle Acid and the Deadbeats, nous l’attendions de pied ferme. Les riffs made in England de la mystérieuse formation ont déferlé sur un public hautement plus enthousiaste dès 14h20. “I’ll Cut You Down”, “Mind Control”… Le quartet a le sens de la mélodie grincheuse. Et leur blues mortuaire fait alors bouger l’audience toute entière d’un simple boogie cru et sale mais élevé par les superbes harmonies vocales des deux chanteurs guitaristes du Tonton Acide. Alors que certains regretteront une setlist assez portée sur le dernier disque, nous restons persuadés que la majorité du public quitte la Valley avec la frustration de ne pas avoir en avoir eu assez, de cette électricité pure.
Difficile de succéder à Uncle Acid and the Deadbeats. Qu’elle est lourde, la tâche que Witchcraft doit accomplir.
Les Scandinaves, armés de leur drap rouge en fond de scène et de la folie apparente de leur chanteur s’en sortent pourtant très bien. Guitares fuzz et voix incantatoire convient littéralement les auditeurs au voyage. Le frontman Magnus Pelander, terriblement théâtral, y est pour beaucoup. Frappante, sa voix perce l’air du chapiteau pour décrocher des notes difficiles. Malgré les prises de risque, il est d’une justesse irréprochable. Ce type est de loin l’atout majeur de Witchcraft en live, galvanisant tout à la fois la scène et son groupe. Félicitations les gars. Sorcellerie porte bien son nom.
Autre impatience de la journée : la valeur sûre Karma To Burn. Quelle n’est pas notre déception lorsqu’on s’aperçoit que le power trio est ce soir réduit… à un power duo. Sans bassiste, le batteur et le guitariste réussissent tout de même à assurer un show incroyable. Maîtrise parfaite de leurs instruments, nuances, riffs plombés et cavalcades catchy… tout y passe et on parvient presque à oublier le groove légendaire de Rich Mullins. Pourtant, le guitariste William Mecum montre une humeur excellente. Quelque part, il savait que Karma était attendu. C’est pourquoi il va autant chercher son public. Si on aimait déjà Karma To Burn pour leur musique, ils ont désormais gagné notre profond respect pour leur attitude face à leurs fans.
Heureusement, les rednecks de Red Fang se trouvaient, eux, au complet. Dans une forme éblouissante, ils enflamment très vite le chapiteau de la Valley – décidément difficile à quitter. Les musiciens sautent, sourient, grimacent, semblent lutter contre leurs propres instruments… Bref, le jeu de scène est au moins aussi jouissif que l’excellente setlist proposée, larguant tube sur tube comme un tapis de bombes sous le chapiteau.
On aura même droit à l’excellente “Hank Is Dead”, une des véritables petites perles du combo de Portland. Là aussi, la voix d’Aaron Beam fait la différence. Sa puissance, sa justesse et ses lignes compliquées font la joie d’un parterre, encore une fois sous ce même chapiteau, complètement conquis. On peut juger que Red Fang est hype, que leur musique n’a rien d’original et qu’ils surfent habilement sur le retour en grâce du heavy rock. Mais après un concert pareil, il faudrait tout de même être de mauvaise foi pour soutenir que ce n’est pas un très bon groupe pour autant.
Même après les flamboyants Red Fang, c’est certain, on n’allait rater Jacob Bannon et son crew pour rien au monde. Direction la Warzone pour une heure de set de Converge. Et là, aucune surprise : une claque, à nouveau. Le concert de Converge étant une quasi-institution au Hellfest, c’est la fosse tout entière qui vibre au gré des cris malades beuglés par cet incroyable frontman. Mais aussi par ceux de Kurt Ballou et Nate Newton, deux autres bêtes de scène.
Il faut avouer que la voix de Bannon n’est pas en grande forme ce soir-là : obligé d’englober systématiquent le micro pour crier, laissant plusieurs de ses parties vocales à ses compères (dont ils s’accomodent extrêmement bien), le hurleur en chef de Converge semble ne plus pouvoir décrocher ces cris stridents et douloureux qui ont fait sa marque de fabrique (Ah, “Jane Doe”…). La déception est relative : Jacob Bannon s’avère toujours un gigantesque monsieur, véritable animal scénique. Et son groupe renvoie avec une violence et une précision millimétrées toute une génération de crabcoreux en shorts réviser ses gammes et bosser au métronome.
Alors que cette journée était placée sous le signe d’une météo relativement exécrable, c’est d’ailleurs lors du set de Converge que le soleil s’est dévoilé. Permettant aux furieux de la Warzone d’en découdre avec encore plus d’enthousiasme. S’ils font même revenir le soleil à Clisson, alors il n’y a plus à douter. Converge se sont définitivement installés comme les dieux d’un certain hardcore.En parlant de hardcore, c’est l’entité Cult Of Luna qui est chargée de conclure sous la Vallée. Et quel meilleur groupe aurait pu le faire ce soir-là ? Quelle meilleure performance auraient pu donner les Suédois ? Quelle meilleure mise en scène aurait pu coller à une musique aussi talentueuse ? Impossible à dire. Inimaginable.
De l’avis général, récolté autour de nous, Cult Of Luna a livré ce samedi 22 juin 2013 l’un de ses meilleurs concerts depuis longtemps. Peut-être grâce à ces contre-lumières aveuglantes et dynamiques, chorégraphiant avec des rayons le monolithe sonique nous écrasant un peu plus à chaque coup de médiator. Peut-être aussi grâce à une setlist sans faute où quelques excellents morceaux de Vertikal viennent se frotter à ”Ghost Trail” et “Dark City, Dead Man”. Cette dernière, d’ailleurs, qui nous offre le spectacle d’un final exceptionnel. Les trois guitares jointes, pointées une à une vers le ciel dans un accord majeur strident, un unique projecteur les éclairant depuis le haut de la scène. Magique.
Rien à dire, Cult Of Luna et son heure et demie de concert nous ont offert le meilleur concert de ce Hellfest 2013. Period.
On finit la soirée galvanisés par ce set hautement électrique, enthousiasmés au point de tenter le grand écart et de retrouver nos 16 ans devant la fin du set de Korn. Un “Got The Life” bien senti, les sourires et la bonne forme affichés par les membres du groupe, le retour de Head et les kilos en moins de Jonathan Davis… Voilà de quoi contribuer à faire passer une énergie par deux fois refusée au peuple du Hellfest. Ça fonctionne. Tout simplement. Nous avions donc tort dans nos prévisions : Korn s’avère bien moins décevant que prévu et fait bouger sans souci le parterre de fans réunis devant la Mainstage 2 ce samedi soir.
Doux et étrange instant où le chemin musical arpenté depuis Korn nous saute au visage. Le dernier concert de ce samedi s’achève sur ce bilan - maintes fois constaté mais jamais vraiment appris – que les premières amours musicales peuvent ressurgir soudain de la tombe où l’on croyait les avoir enfermés. Ne me reste plus qu’à aller méditer cela dans la moiteur de mon sac de couchage. Oui, celui qui est sous ma tente bon marché.
Crédits photos : Andrey Kalinovsky / CSAOH.com
Affreux vilain metalhead incurable et rédac'chef |
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