Vous êtes ici

Red Fang - Whales and Leeches (2013)

Portrait de François-Carl
Red Fang - Whales and Leeches (2013)

Je suis entré en contact avec l’univers de Red Fang pour la première fois, comme ce fut le cas pour plusieurs, avec le visionnement de leur vidéo, plus que désormais classique, Prehistoric Dog. Ce fut instantanément un coup de foudre. Ce clip aux allures de publicité pour la bière Pabst Blue Ribbon avait tous les éléments pour me séduire : shotguns de bière aux gallons, des scènes de LARPing, une énergie de rock distorsionné électrisante et un humour noir avec un soupçon de gore. Je me souviens avoir partagé le vidéo en questionnant mon réseau social «Holy Fuck! Pourquoi n'ai-je pas vu ce clip plus tôt?».

Le titre apparaissait sur leur premier microsillon soit l’éponyme Red Fang paru en 2009 chez Sargent House. Quelques temps après, soit en 2011, l’album Murder the Mountains est sorti chez Relapse. J’étais curieux d’entendre si Red Fang était capable de recapturer la même énergie folle du single Prehistoric Dog. Ils ont relevé ce défi avec le single un peu plus décontracté Wires, à l'aide encore une fois d’un clip hallucinant. Outre les collaborations gagnantes avec le réalisateur des vidéos, Whitey McConnaughy, les deux albums proposés étaient très solides.

Red Fang amène, et j’oserais le dire, un punk stoner rock énergétique, parfois sale, parfois un peu plus propre. En live, ils sont réputés pour donner des représentations où la foule boit d’énormes quantités d’alcool et perd la tête au son entrainant de leur musique acérée. Je n’ai personnellement pas encore eu la chance de vivre leur concert comme tel, car lors de leurs passages à Montréal, on a eu droit à une salle trop grande où leur son perdait son mordant ou encore à une prestation de début d’après-midi au Heavy MTL. J’attends donc avec impatience leur prochaine date au Cabaret du Mile-End, le 13 décembre prochain, où ils défendront leur tout nouvel effort Whales and Leeches. Ce dernier, toujours chez Relapse, dont le nom est d’ailleurs un titre présent sur le premier album, figurait dans mes sorties les plus attendues de 2013. J’ai donc accepté d’écrire ces mots tout simplement afin d’avoir la chance d’écouter l’album un peu plus tôt! La question se pose comme suit: Red Fang a-t-il réussi avec ce dernier album un coup du chapeau, c’est-à-dire de marquer 3 buts d’affilée?

Avant de m’aventurer dans une énumération de chacun des titres, je porterai votre attention sur la couverture de l’album. Pour ce faire, j’ouvrirai une parenthèse. Il y a quelque temps, le terme Metal Hipster est venu à mon oreille, et j’ai réalisé que je répondais peut-être (!) aux critères du genre de par ma barbe et un amour des classifications. Je n’utilise que des films dans mon appareil photographique, j’écoute des vinyles et j’ai un chandail de loup. Toutefois, la musique reste pour moi une question de sensation de je m'en foutiste qui me fait sauter tout seul dans mon salon, que ce soit sur du Black Sabbath, Judas Priest ou encore Slayer. Je prends en compte la donnée intellectuelle de la musique, mais tout ça fiche le camp lorsque je suis dans une bonne session d’air guitar / headbang. Alors quel est le lien que j’avance entre les hipsters et Redfang ? Les deux boivent de la Pabst Blue Ribbon, ont de sales gueules barbues à lunettes et possèdent un certain goût pour le kitsch. De plus, la musique de Red Fang reste accessible et une fois combinée à de superbes vidéos, elle peut facilement voyager en dehors de l’univers du métal. Moi qui viens de vous avouer que je suis tombé en amour dès le premier visionnement du clip Préhistoric Dog... Ce qui voudrait dire que Red Fang peut attirer une foule (et en ce sens, leur argent) qui n’écoute pas que du Mayhem pour déjeuner. Quoique par définition un Metal Hipster n’écoute sûrement que du Mayhem pour déjeuner. Je m’avance peut-être sur un sujet sensible, mais je me dois de poser les questions.

Mon point est que l’image d’un groupe reste très importante pour vendre la musique et que l’industrie, même DIY, en est tout à fait consciente. Oui, oui, même dans tous les sous-sous-genres de musique, il est question d’argent. Il serait naïf d’en croire le contraire. Sur la présente pochette, il m’est évident que l’on veut courtiser la masse post-hipsterienne, assimilée par le mainstream. C’est comme si Orion Landau de chez Relapse avait pris une étude de marché sur les imageries corde sensible du hipster et avait fait un MEGA collage de tous ces éléments. I mean, come on ! :  un loup, un renard, un hibou, une chicks qui tient un crâne, une plume de... corbeau, un champignon magique, un château, un chat sauvage, des yeux lançant des éclairs, un bouc, une lune, des gouttelettes de sang, une mandibule de vampire, des bois de chevreuil, une barbe, des poils, des feuilles, un fond de forêt maléfique et j’en oublie sûrement! Le tout affublé d’un filtre instagram. Je vais donner le bénéfice du doute à Monsieur Landau et croire qu’il s’agit bel et bien d’une critique, c’est-à-dire une overdose d’imageries facilement vendable. Putain, il y a également un nœud coulant! Du moins, ce n’est pas une illustration par Baizley…   ses illustrations sont SI mainstream.

Bon assez dit de conneries !

DOEN ouvre le bal avec un coup de bâton aux tympans. Je n’ai aucune idée de ce à quoi le titre fait référence, mais la pièce nous tacle instantanément avec un déferlement de batterie et de guitares, quelqu’un lamente : « winter is your doom » et c’est parti! Red Fang nous donne exactement ce qu’on veut entendre : du rock brut, simple et qui ne s’éternise pas. On a droit à un refrain agressif et ponctué avant une petite rupture qui se transforme en solo. DOEN grince les mêmes riffs à plein rendement le temps de 3 minutes et, quelle joie ! ça ne fait que commencer. Côté lyrics, Red Fang utilise généralement des rimes assez simples et ludiques, parfaites pour envoyer son poing dans les airs et crier à pleins poumons lors d’une prestation. J’avoue ne pas distinguer la voix du bassiste Aaron Beam de celle du guitariste Bryan Giles. Souvent, les deux chantent en même temps alors je vous laisse le plaisir de déchiffrer qui chante quoi. Jusque-là, tout baigne. S’enchaîne le premier simple de l’album, Blood Like Cream, qui revient à la charge avec un rythme tout aussi frénétique, voire presque jovial. Je jurerais avoir entendu l’air d’élocution du chant sur ce morceau quelque part, mais où?Ceci dit ce single est très efficace, certes pas tant que Prehistoric Dogs ou encore Wires, mais illustre bien les 4 mecs qui nous transmettent leur plaisir à jouer de leur instrument. Je disais un peu plus tôt que j’osais dire que Red Fang nous donnait du punk rock, Blood Like Cream est l’un des titres où l’on discerne de telles influences avec son refrain qui aboie sans cesse.

Red Fang semble avoir décidé de continuer sa formule gagnante sans prendre trop de risque, car dès que le 3e titre, No Hope, se fait entendre, j’ai encore une impression de déjà entendu. Je crois que cela est dû encore une fois à l’élocution du chant. Personnellement, le titre me fait penser à Reverse Thunder présent sur leur album éponyme. No Hope frappe et aboie tout comme les deux pièces précédentes avec des riffs qui se hissent et des roulements de batterie. Si Red Fang n’a pas changé sa recette, il semble avoir accéléré la cadence et délaissé le chant plus propre, lorsque comparé à Murder the Mountains. Suit Crows in Swine qui, pour ceux qui s’en souviennent, est paru il y a de cela un an! Le groupe avait sorti à ce moment-là une version plus grasse et moins produite que celle offerte sur le présent album. C’est le premier morceau où Red Fang nous joue un rock plus pesant qui évoque la musique d’un autre quatuor très bien connu, celui-ci venant d’Atlanta…  Vous aurez deviné que je fais référence à Mastodon. Actuellement dans la musique lourde, on semblecite comme référence Mastodon à gauche et à droite. Dans le cas présent, je défends ma position, car pour une raison ou une autre ce titre me rappelle des airs de Megalodon… Enfin peut-être à cause du long roulement de tambour suivi de riffs pesants qui nous ordonnent d’headbanger. Mais bon, c’est probablement mon cerveau qui me joue des tours.

Voices of the Dead nous offre un chant plus dynamique entre les couplets et le refrain, les voix alternant entre aigus et graves. La musique est déstabilisante en complément au chant aux personnalités multiples : « Look what we’ve made / a shit parade / burried in it / can’t hardly breathe ». Behind the Light commence en douceur avant de ramener de plus gros riffs en guise de refrain pour finalement complètement délirer avec ses effets de distorsion. Je me suis surpris à faire de l’air guitar durant le refrain : « you walk behind the light! » C’est un bon signe. Jusqu’à présent, l’album ne donne pas de répit à nos oreilles et toutes les compositions vont droit au but avec leurs 3 minutes et moins respectives.

Arrive Dawn Rising qui est le titre le plus long de l’album du haut de ses 7 minutes. C’est le premier titre qui m’a accroché lors de ma première écoute en raison de l'apparition de Mike Scheidt de YOB. Celui-ci fait entendre sa voix aiguë très distinctement lorsqu’il s’époumone sur les mots « Dawn Rising ». La composition est spacieuse et se démarque par son rythme plus lent. Red Fang  a un morceau du genre par album, je pense à « Humans Remain Human Remains » et « The Undertow ». Dawn Rising est le parcours le plus stoner, voire sludge, que nous offre Whales and Leeches et a la particularité de réveiller nos sens qui se sont un peu engourdis après le martèlement constant de la première partie de l’album. Failure émerge de la brume sonore dans laquelle Dawn Rising s’est éteint. Il s’agit d’un autre titre à humeur changeante, passant de planant à lent à agressif, le tout sur un fond de guitares écrasantes. Le titre prend son temps et se développe à sa guise avant de s’achever brusquement sur : « you don’t know me but you will.» Avec le prochain titre, 1516, le groupe reprend ses influences Mastodonienne pour une composition axée sur le jeu des guitares stridentes et saccadées, couronnées de cris étouffés.

Le 10e titre, This Animal, entre en jeu avec son rythme dansant de batterie, les cris que nous lancent les musiciens décapent et je crois entendre un clavier? Ce titre partage une structure assez simple, comme quelques autres compositions que l’album nous propose en guise d’ouverture. Même si ce genre de composition n’a rien d’innovant, il faut quand même dire que Red Fang est constant dans son débit de décibels, un peu comme s’il était sur le cruise control du rock (ah yeah).

Afin de mecontredire, l’album amorce son dernier morceau et change justement de vitesse. Whales and Leeches se termine avec Every Little Twist, un titre plus détendu avec des harmonies de voix qui vagabondent à la Queens of the Stone Age ou encore Zoroaster. Ce titre dégage une aisance et comporte une bonne dose de psychédélique avec ses différentes couches de guitares flottantes et effets; à une minute, on reçoit même la visite d’un vaisseau extraterrestre. Ce dernier morceau réussit à conclure le tout avec classe.

Whales and Leeches prendra un peu plus que 40 minutes de votre temps, ce qui est la moyenne de ce que Red Fang nous a offert à ce jour.  Alors qu’en est-il du coup du chapeau? Red Fang ajoute-t-il un autre album gagnant à sa discographie? Je vous réponds oui sans hésitation. La question que j’aurais pu me poser aurait dû être : est-ce que l’album nous propose une évolution captivante de leur son? Je précise que je suis a priori un admirateur de Red Fang, alors je m’y suis retrouvé assez facilement dans ces nouvelles compositions.

La particularité mise en avant par cet album est la diversité de ses titres. Même si à la première écoute, Red Fang semble être pris dans un engrenage, de par son débit de rock constant, chacun des titres comporte une personnalité et ses touches d’influence. Les classifications passent de rock à punk rock à stoner rock à stoner sludge à stoner psychédélique… Red Fang serait ainsi un groupe de stoner punk  sludge psychédélic rock? Disons tout simplement que Red Fang reste Red Fang, ce qui devrait faire la joie des admirateurs. Personnellement, j’aime que l’album ne se soit pas aventuré vers un son plus pop, à la Hank is Dead (sur Murder the Mountains), qui est tout de même un excellent morceau.

Sur Whales and Leeches, Red Fang nous démontre qu’ils contrôlent leurs compositions et qu’ils sont tout à fait conscients de leurs influences. Cela dit, je ne pense pas qu’il y ait un titre sur tout l’album qui réussisse à obtenir un statut de classique tel Prehistoric Dog. En conclusion, si vous ne connaissez pas encore Red Fang, débutez par leur album éponyme, si vous êtes déjà un admirateur, vous aurez sûrement déjà assimilé l’album le temps que cette chronique soit publiée.

À quand la prochaine collaboration de vidéoclip WhiteyMcConnaughy / Red Fang?

Red Fang - Whales and Leeches (2013)
Red Fang
Whales and Leeches
DOEN
Blood Like Cream
No Hope
Crows In Swine
Voices Of The Dead
Behind The Light
Dawn Rising
Failure
1516
This Animal
Murder The Mountains
Black Water
Photographe argentique + (Auto)-éditeur + amateur de bon café

Ajouter un commentaire