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Russian Circles - Memorial (2013)
Russian Circles, pour des raisons que j’ignore, est un groupe que l’on découvre assez tôt lorsque l’on explore les courants post contemporains. C’est une bonne chose : le trio de Chicago offre une musique intense d’une fascinante noirceur. À l’instar de Pelican par exemple, Russian Circles navigue dans les eaux troubles, goudronnées par des pionniers depuis près de trois décennies de math-rock apocalyptique, de shoegaze noir et de décibels oppressants.
Alors que le parcours du combo est varié: oscillant entre le post-metal lugubre, (Enter, Empros), et noise ambiant (Stations), Memorial est plus hybride. En cela, il «marque un certain retour» à Geneva sur lequel de solides riffs côtoyaient aussi l’éther et le diffus. Mais la comparaison au titre de 2009 doit s’arrêter ici.
Memorial est de loin plus captivant que Geneva parce qu’il frappe tellement plus fort, est beaucoup plus sombre et ses moments atmosphériques sont plus graves, plus grinçants. Sur ce cinquième effort en seulement sept ans, le trio poursuit sur la lancée de Empros paru il y a deux ans. On sent que la bande a carburé à la même adrénaline pour produire ces deux galettes, avec toutefois un résultat hautement renversant. Alors qu’Empros était un solide album de post-métal instrumental, avec du solide riffage (pour adulte seulement), Memorial déploie un sens mélodique encore inégalé dans leur discographie, tout en consolidant les bases de leur son: leur intensité et leur rigueur à marteler chaque note.
Pour les mordus de ces riffs pesants – qui sonnent comme si l’enfer se déchirait – Burial, Lebaron et Deficit, sont les titres le plus susceptible de rappeler Carpe et 309 dans le répertoire du groupe. Pour les vapeurs, loin d’être utilisé par le groupe pour lier la sauce – ses pièces se tiennent en soi, pour soi – les Ethel, Cheyenne et 1777 réjouiront un public qui préfère Mogwai aux épigones du post-metal. Ces titres ambiants, par leur force, évoquent même le travail d’un autre groupe de Chicago, Locrian.
Note au mélomane, Burial ressemble au riff de Black Tongue de Mastodon. La chanson est excellente, mais se remémorer le premier titre du dernier opus du combo d’Atlanta, n’est pas tant une bonne chose…
Finalement, Memorial est magnifiquement introduit et conclut par Memoriam et Memorial (la pièce titre), avec Chelsea Wolfe, complétant l’expérience totale que représente ce nouveau gravé.
Toutefois, malgré son intensité – c’est à croire qu’ils ont la trentaine difficile les gars – rares sont les morceaux de Russian Circles qui captivent au point d’avoir envie d’en écouter un en boucle. La guitare est tranchante, la batterie, omniprésente, et la basse grasse à souhait, mais au final, Russian Circles, ce n’est jamais aussi réjouissant (le mot est choisi exprès) que du Pelican ou du Monkey 3.
Memorial est un album à écouter, mais mieux vaut se faire une solide liste de lecture incluant leurs moments les plus concentrés pour en apprécier toute la force et l’inéluctable fatalisme qui émanent de cette musique aussi brutale que vaseuse, aussi puissante qu’intellectuelle.
Journaliste et brigadier des Internets (oui oui), je vous ponds des critiques de disque analytiques sur des groupe qui font dans le «garoché». ISIS est ma muse, pis moi sur twitter c'est @jsimonfabien. |
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