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dälek + Moodie Black 21/04/15 @ Marché Gare, Lyon

Portrait de Sandra
dälek + Moodie Black 21/04/15 @ Marché Gare, Lyon

Il y a ces périodes de pénuries de concert, où vos oreilles crient famine et vos langues pendent devant la programmation d’autres villes. Et puis il y a ces soirs où vous êtes face à un putain de dilemme qui vous fait regretter qu’en 2015 on n’ait toujours pas le don d’ubiquité. Le 21 avril est un de ceux-là, où il a fallu choisir entre l’épicerie et le marché. D’un côté, les chevelus de Red Fang et leur heavy/stoner burné à l’Epicerie Moderne, de l’autre, dälek, légende d’un hip-hop sombre et expérimental au Marché Gare. Je me suis laissée convaincre par dälek, trop rare sur scène pour passer à côté.

D’ailleurs les metalheads ne s’y sont pas trompés, puisqu’ils constituent la majorité du public. Et ce ne sont pas que des déçus du show de Red Fang qui affiche complet, bien au contraire, c’est loin d’être un hasard puisqu’on attend ce soir la crème d’un hip-hop noise massif et brutal.

Ca suinte le pessimisme et le rêve américain en putréfaction…

En ouverture, Moodie Black annonce parfaitement la couleur. Le trio originaire de Minneapolis donne dans le rap féroce et anxiogène. A sa tête, Chris Martinez, MC au flow viscéral et incisif, parfois immobile, regard au ciel, parfois exalté par l’urgence et la rage des paroles qu’il laisse exploser. Instru clairement indus, rythmique lourde et sombre au possible sont de la partie. Le tout accompagné de projections d’images parasitées au montage déconstruit. Ça suinte le pessimisme et le rêve américain en putréfaction… Question dark hip-hop aux relents noise, on tape dans le mille pour commencer la soirée.

Qu’on ne s’y trompe pas, dälek c’est bien du hip-hop, mais ce qu’ils en font ouvre un champ des possibles tellement large que leur public l’est tout autant. Beaucoup de métalleux présents au Marché Gare ce soir donc, pas mal de curieux, et puis des impatients heureux de retrouver la formation menée par le MC éponyme après un hiatus de 4 ans qui prend fin à l’occasion de la réédition de l’album "From Filthy Tongue Of Gods And Griots". Parce que dälek c’est le genre de groupe presque culte qui depuis 1998 trace son propre sillon dans la scène hip-hop, celui d’un style expérimental et sans frontière. Le genre à être signé sur le label de Mike Patton (Ipecac), ayant collaboré avec Faust, Zu ou encore Techno Animal et tourné avec un tas de groupes, d’Isis aux Melvins en passant par De La Soul.

[...] bourdonnement continu entre scratchs bruitistes et textures sonores abrasives.

« Le bruit me manquait, mec. (…) Je me suis rendu compte que j'avais besoin de tout ce bruit, de ce son, de cette lourdeur », voila ce qu’indiquait MC dälek dans une récente entrevue parue chez nos confrères de Noisey. Eh bien du bruit, il y en a eu. Du massif, du glacial, servi par DJ rEk (de retour à l'occasion de la reformation du groupe) et Mike Swarmbots au sampler/bidouillages et effets sonores. Du bruit en bloc, écrasant dès le début des morceaux, bourdonnement continu entre scratchs bruitistes et textures sonores abrasives. Et puis le flow parfait de dälek, aussi imposant visuellement qu’auditivement, dont les mots coulent sur ce mur de son indestructible. Une brutalité sonore qui prend littéralement au corps et oppresse, à grands renforts de basses écrasantes (où je découvre que mes narines peuvent vibrer, oui oui). Retour sur près de quinze ans de création d’un hip-hop extrême : niveau setlist ça pioche dans toute la discographie avec en prime un inédit, et deux morceaux en rappel. Que demander de plus ? Peut-être que le retour de dälek se confirme et nous fasse l’honneur d’un nouvel album, parce que bordel, cette performance m’a mis l’eau à la bouche.

 

Crédits photos : Rémy Ogez

Je voulais travailler dans la culture mais ça marchait pas, alors pour tromper l'ennui j'allais voir des concerts puis j’écrivais des trucs. J'ai fini par trouver du boulot, mais j'ai continué à écrire.

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