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Vatican Shadow + Somaticae 24/05/2013 @ Villette Sonique 2013, Paris

Portrait de DMDFC
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Paris, que t’arrive-t-il ? On te connaît comme la glorieuse capitale de la mode, et chaque concert est normalement un lieu où ta spécificité est totalement reniée, laissant place aux pires associations de couleurs (kaki, noir, gris, bleu marine…) et de création de formes repoussantes. Où sont passés les damoiselles en treillis et en keffieh ? Où sont passés les crusts odorants ?

Désormais, la place est faite à des demoiselles en slim avec des pulls moches volés à papa et 4 fois trop grands, des coupes garçonnes et vestes composées de vieux tapis. Des types ont des coupes que Benny B. aurait adoré, pendant que certains ont une composition capillaire nettement plus digne de l’Allemagne victorieuse. Ce monde va mal, j’en suis sûr. Les lunes sont alignées, les dieux nous préparent un sale truc, vraiment moche et on paiera tous pour ces écarts. Mais nous allons un peu vite, les traditions n’ont pas totalement disparues. Reste encore Charlotte et Christophe, ce couple qui aime « la bière, le metal, Berlin et Atari Teenage Riot ». Lui a mis une sorte de k-way orange, et ne s’est pas coupé les cheveux depuis 4 mois. Elle a un gilet bien trop grand pour elle et porte un sac en coton bio. Elle a un mal fou à finir sa bière alors la passe très régulièrement à Etienne, le pote chelou de Christophe en dernière année de lettre moderne. Aucun de ces 3 là n’arrive à bouger en rythme pendant qu’en haut, Somaticae recroquevillé sur son set-up hésite entre beat dansant et nappes distordues industrielles. D’ailleurs il n’hésite plus : il a mélangé les deux. Folie dans la salle, la réponse est chaleureuse. Somaticae s’inscrit aujourd’hui (j’ai entendu des trucs plus vieux de ce gentleman plus proche de l’IDM) dans la logique assez imposante de cette techno agressive, portée par des gens comme Regis, Shifted, Sandwell District, Ancient Method… Mélodies rares, dissonantes ; kicks massifs et dégradés. Les sonorités métalliques s’abattent sur le public qui s’y retrouve complètement, dans la toute petite salle du WIP. Dans les premiers rangs Christophe donne tout, toujours pas en rythme, tandis que Charlotte commence sévèrement à fatiguer : la bière tape bien plus que prévu, d’autant qu’elle n’a pas fini sa salade au surimi ce midi.

Après un léger battement, Dominick Fernow prend place derrière une valise ouverte lui servant de matériel. Charlotte est allée se rafraichir  et essaie de convaincre Etienne de venir avec elle au Quick pas très loin. Mais Etienne est moyennement chaud, étant venu spécifiquement pour voir Vatican Shadow. En face donc, Fernow lance son spectacle comme une récréation de Prurient, son projet noise pour lequel il est probablement plus connu. Le terme spectacle prend ici tout son sens : Fernow n’est pas un mec qui balance des beats sans moufter. Non, il entre dans une sorte d’hystérie mongolo tout à fait saisissante, se battant avec lui même, headbangant comme un ivrogne, courant de long en large sur la scène (vide), faisant des petits gestes à toute vitesse, se recoiffant sa mèche grasse régulièrement. Christophe est subjugué et ne cesse de crier « C’est trop fort !! ». Dans les deux sens du terme d’ailleurs : une attaque d’infras plus tard et les enceintes commencent à pousser des cris de douleurs imprévus. Les ingés son rectifient le tir dans la seconde mais il est fort probable que le système audio de la salle soit gravement touché. Fernow ne s’arrête pas. Derrière sont projetées des captures de journaux parlant tous de la guerre et des conflits entre les occidentaux et le monde arabe, créant ainsi une distortion (encore une) entre le propos initial de Fernow, le rapprochant logiquement d’un Muslimgauze et le résultat en fosse : on cause guerre, conflit et ravage, mais en salle c’est une ambiance de fête de fin d‘année. Pourquoi pas. Etienne vient enfin de comprendre que Charlotte aurait bien passé un peu de temps sans Christophe, un peu lourd en ce moment avec les exams. Celle-ci est désormais en train de danser comme un paon pendant que d’autres dans la salle sont en train de pousser des cris de loup. Etienne a définitivement raté sa chance ce soir de trahir son ami. Il regarde Dominick Fernow orchestré son chaos indus-jovial, faisant un jetée de mèche pour se recoiffer. Après tout, c’est déjà pas si mal.

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