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Oxbow Orchestra + Ufomammut + ICO 23/10/12 @ Paris, Glazart

Portrait de Théo
Oxbow Orchestra + Ufomammut + ICO 23/10/12 @ Paris, Glazart

Repêchage. C'était pas gagné d'avance. Avec la fermeture administrative du Point Ephémère par la préfecture de police du 10è, le concert d'Oxbow Orchestra semblait a priori annulé. Eh oui, dur dur de gérer un lieu alternatif à la programmation ambitieuse et d'être bien vu par les pouvoirs publics et les gentils voisins.

Retour sur la panique qui a précédé l'événement. Deux jours avant le concert, les détenteurs de tickets pour le concert d'Eugene Robinson & co. pensaient donc tout simplement se l'insérer dans une partie honteuse de leur anatomie. Mais, surprise ! La vindicte populaire, de toute sa force, a réussi ce coup de maître inespéré : incruster la formation noise rock orchestrale sur le plateau d'Ufomammut qui devait déchaîner les enfers quelques kilomètres plus loin sur les planches du Glazart. Un véritable mouvement populaire : la fronde a battu son plein sur les réseaux sociaux où les fans se sont acharnés tels un seul homme sur le mur Facebook des doomsters Italiens, les invectivant à héberger Oxbow le temps d'un set au nom de la sacro-sainte amitié entre les peuples (métalleux/noiseux) Ah, c'était si beau...

Mais bon.

En réalité, il faut surtout remercier Mariexxme, l'orga (Garmonbozia), la salle (le Glazart), l'équipe du Point FMR (qui s'est bougé le cul comme jamais afin de sauver la date des Américains) et Ufomammut (qui a daigné accorder une petite place au chaud à notre boxeur préféré et à son band). Même si le simple fan-boy comme vous et moi a joué son rôle dans la balance, n'imaginez jamais que tout est aussi simple.

Mais l'issue est heureuse, et c'était le but fixé. La date commune entre ces deux grands noms de la musique alternative confirmée, on s'attendait donc à une soirée haute en couleurs. Et ce le fut.

Glazart, mardi soir. Urlo, Poia et Vita nous accueillent, comme convenu, avec un mur de son impressionnant. Pour qui connaît la formule jouée par les impressionnants Ufomammut, point de place à la moindre surprise. Allez, je vous raconte quand même.

Le mot power-trio, employé à tort, à travers, à retors et à travers de porc prend ici tout son sens : chacun des instruments est l'un des piliers de la clé de voûte magistrale d'une cathédrale sonique d'une richesse à couper le souffle. Si vous en doutez encore, croyez-moi : Ufomammut, c'est l'assurance d'un son lourd, massif et oppressant tout le long du set. Doom, les copains. The way it has to be played.

Après avoir joué leur dernière offrande au Maître de ce Monde - Oro : Opus Alter - dans son intégralité, les Italiens ne se sont pas contemplé leur satanique nombril en attendant patiemment les applaudissements du public. Sans pause aucune, la formation embraye sur d'autres morceaux de son répertoire, dont certains des excellents Idolum et Eve. C'est au total une bonne heure et quart de frappes lentes et majestueuses sur les cymbales, les cordes et les toms que la formation assène à un public stone de plaisir.

Applaudissements nourris, salutations sincères de la part du groupe : l'énergie a véritablement circulé. Mais le plaisir était tel qu'il est finalement difficile de couper le cordon. Après un tel mur de son, après tant de lenteur, après tant de sensations, difficile de se relever serein. Alors oui : vivement la prochaine fois que le trio le plus evil du Piémont croisera notre route.

Pause classique (pipi/bière/clope) et voilà Oxbow Orchestra déjà installé. Si on ne sait pas vraiment à quoi s'attendre (puisque le groupe indie/rock/noise/free/jazz Oxbow s'entiche ici de plusieurs instrumentistes dits classiques), le moins que l'on puisse dire est que sur scène, ça en jette. Voyez plutôt : trois violonistes et deux guitaristes (dont Niko Wenner) côté cordes. Un tromboniste, un tubiste et un trompettiste côté cuivres. Ajoutez à cela une choriste blonde/délicate/sensuelle côte à côte avec Eugene Robinson, bestial/impérial/magistral/capable de briser votre épine dorsale et vous obtenez... un furieux air de la Belle et la Bête. Le contraste est réussi. Et dès les premières notes, on prend acte de la réussite de la collaboration elle-même.

Mais soyons honnête : Oxbow Orchestra n'est pas la révélation ultime de cette année 2012. Ni même une idée géniâââle puisque de nombreux rockeurs se sont, de tout temps, entiché de musiciens classiques. Les chansons, dont beaucoup sont issues de l'excellent Narcotic Story, sont simplement arrangées différemment. Mais attention : nul faux pas n'est à déclarer. Oxbow a su conserver ses traits mystérieux et introspectifs. A fleur de peau.

Crédits vidéos : Mariexxme / Flowerskull.com

 

C'est à dire qu'à côté d'un Symphony & Metallica ou des compositions de Brian Epstein pour les Beatles, le style Oxbow Orchestra est beaucoup plus intimiste. On leur sait gré de ne pas basculer dans un côté pompeux qui aurait vite pu survenir (cf. Metallica, d'ailleurs) et d'apporter plutôt un côté musique de chambre tout British à leur performance.

Enfin bon. Rendons à Nico Wenner ce qui lui appartient : le guitariste, qui s'est frappé les arrangements et la direction de l'orchestre, a bien bossé. Les compositions, expurgées de tout élément rythmique, déploient leurs voiles vaporeux sur l'audience. L'atmosphère encore chargée de l'électricité pure du set d'Ufomammut se dilate, les têtes dodelinent à nouveau et The Geometry Of Business ou encore la bouleversante She's A Find laisseront un incroyable souvenir au public pendant encore quelques temps. Moi-même, je n'écoute plus ces deux chansons de la même manière.

Puis, il s'est produit quelque chose d'étrange en moi. Au bout d'un moment, au paroxysme du plaisir procuré par le phrasé si caractéristique d'Eugene (ou est-ce cette délicieuse façon qu'il a d'ôter sa chemise...), j'ai recollé les morceaux. Retourné cette soirée dans ma tête. La fermeture du Point Ephémère. La rencontre exclusive du tapis sonore âpre et radical d'Ufomammut aux étranges arrangements noisy de cette formation expérimentale... J'y pense, je pèse le pour, puis le contre... Puis... Mince. Je m'en veux de le penser mais force est de le constater...

...Quelle chance que le Point Ephémère fut fermé ce soir-là.

Affreux vilain metalhead incurable et rédac'chef

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