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Nine Inch Nails live 24/08/2013 @ Rock En Seine, Paris
20 h, parc de Saint-Cloud. Il est toujours de grandes contrariétés à Rock en Seine. Bouffer de la poussière reste la moindre, au regard d'une nouvelle pratique consistant à vous faire croire qu'une pinte de bière coupée à l'eau fait 40 cl. Et encore la bière est un palliatif acceptable au vu d'une grosse majorité du public qui s'est déplacé (le festival affiche complet) sans trop savoir pourquoi il est là. Un festival est un événement comme un autre. Les artistes ? Rien à foutre. Seul importe une mise en scène individuelle, histoire de dire qu'on existe. Ainsi une fraction non négligeable des festivaliers, pendus à leur smartphone, auront obéi à un nouveau mantra : "Better tweet than fade away."
Exaspérant ? Certes. Mais rien ne gâchera mon plaisir ce soir. Et d'ailleurs les groupes fadasses jouant trop fort pour dissimuler leur nullité ne m'écorchent pas plus que ça les oreilles. Les gens que j'aime sont là ce soir et NIN va jouer après 4 ans d'absence.
4 ans de retraite pour Monsieur Reznor, depuis le Wave Good Bye tour signant la fin de NIN, qu'il aura mis à profit pour signer deux nouvelles très bonnes BO (The Social Network, puis The Girl with the Dragon Tattoo du réalisateur David Fincher) avec son nouveau collègue de travail Atticus Ross, fonder un nouveau groupe plus que discutable, How to Destroy Angels, avec son épouse Mariqueen Maandig et toujours Atticus Ross, collaborer au nouveau Queens of the Stone Age, Like Clockwork, et élever ses deux fils nés en 2010 et 2011. 4 ans d'absence au terme desquels, début 2013, Reznor ressuscite son groupe et annonce un nouvel album et une nouvelle tournée, teasant ses fans dans la foulée avec l'excellent single, Came Back Haunted.
Rien n'a changé : Trent Reznor ne connaît pas l'oisiveté, et les adieux faits à son public en 2009 semblaient un peu prématurés. Rien n'a changé ? Vraiment ? Si, bien sûr. Depuis l'album With Teeth, le fan lambda de NIN sait que Reznor n'est plus le Mr Self-Destruct de son début de carrière. Il s'est mis au vert, selon l'expression consacrée, et beaucoup en ont conclu que NIN, c'était mieux avant. Certes. De toute façon, toute chose considérée de manière rétrospective paraît supérieure. Notre cerveau est ainsi fait. Mais ce serait faire abstraction d'une vérité irréfutable : NIN est Trent Reznor, et rien n'a changé depuis 25 ans, si ce n'est un line-up ajusté selon les caprices de Reznor. (Adrian Belew (King Crimson) et Eric Avery (Jane's Addiction) quitteront d'ailleurs la formation au bout de quelques mois, en raison de "divergences" ; le premier sera remplacé par un ancien collaborateur de longue date, Robin Finck.) Fondamentalement, même si mes attentes sont considérables, une seule donnée me chagrine : NIN ne jouera pas plus d'une heure quinze, afin de laisser le champ libre à la "véritable attraction" de la journée, les Versaillais de Phoenix. C'est profondément regrettable, les lives disponibles de cet été 2013 montrant un groupe ne jouant pas moins d'une heure et demi partout ailleurs dans le monde.
20 h 30, affluence massive vers la grande scène. Il est temps d'y aller… Nous nous dégotons une bonne place dans une public plus clairsemé qu'il n'y paraît. Quelques minutes d'attente plus tard, Reznor apparaît sur scène suivi de ses musiciens. Et tout est dit sur ce qui sera la prestation de ce soir avec les premières notes de Somewhat Damaged : une claque énorme administrée par un groupe impérial au mieux de sa forme. S'ensuivent les magistraux The Beginning of the End et Terrible Lie, déjà repris en choeur par bon nombre de fans conquis. La nuit tombant sur le parc de Saint Cloud, la scénographie de la tournée est engagée au moyen de panneaux lumineux, qui vous donne à comprendre ce à quoi peut ressembler un spectacle TOTAL. Le segment classique March of the Pigs/Piggy secoue vraiment les premiers rangs, même si tout cela reste un peu trop sage. Reznor, lors d'une de ses rares interventions, donnera l'impression de le déplorer. Que dire ? Le public de Rock en Seine n'est pas celui du Glazart par exemple, et la ferveur s'en retrouve fortement diluée. Cela ne décourage en rien le groupe qui entame Closer. Reznor disparait physiquement de la scène, son visage réapparaissant anamorphosé sur l'un des écrans pour faire écho au clip de Came Back Haunted, dispositif repris un peu plus tard en fin de concert pour Only. Help Me I'm in Hell, seul instrumental du concert, réalise la transition. Gave up et Wish viennent sonner comme une charge bruitiste. Le concert s'achève sur Head like a Hole repris en choeur par tout le monde, enfin presque. Seul rappel, Hurt demeure somptueux. Parlant de Hurt, big up au gamin derrière moi qui braille à son pote : "Ouah, t'as vu, c'est comme Johnny Cash, ils l'ont fait à leur sauce ! " (sic). Je regrette de ne pas avoir eu une balle sur moi pour vérifier si en la lui lançant, il courrait derrière en aboyant.
Au final, le concert est une sélection brillante de la totalité des albums. Un gros regret toutefois : une seule chanson du prochain album, Find my Way, qui s'avère un peu mièvre dans le contexte, même mise en relation avec le vers final de Hurt. 15 minutes de plus n'auraient pas seulement changé la setlist, mais l'ensemble de l'arc narratif. En revanche inutile de bouder son plaisir, NIN reste un groupe majeur en live. Ce n'était pas mieux avant, mais cela pouvait être beaucoup plus glauque. Il suffit de regarder le vrai faux snuff movie Broken movie ayant "illustré" le second album pour s'en convaincre. Certains ont bien voulu voir, en comparant NIN et Phoenix, une démonstration de puissance rock par opposition à une pop plus subtile. Pas d'accord. Pas que ce soit entièrement faux, mais c'est très réducteur. Reznor est capable de passer des ténèbres à la lumière, et le son absolument parfait s'accorde mal avec le terme "puissance". Densité, ok. D'autre part, il me paraît tout de même étrange de ne pas voir que par nombre d'aspects, NIN peut être très pop et très dansant. Mais Rock en Seine s'affirmant maintenant comme le ComicCon de la pétasserie et de la fashion week festival, il n'est pas lieu de s'en étonner, même si ça donne envie de crever les yeux à quelqu'un.
Julien Girault
J'aime les chats roux, les pandas roux, Josh Homme et Jessica Chastain. |
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