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Ensorcelor + Dark Castle + YOB 14/07/2011 @ Katacombes, Montréal
En tant que fervent disciple de l'église du son, il était un devoir pour moi de répondre à l'appel de notre seigneur. En effet, notre Tout-Puissant avait prévu pour ses partisans montréalais l'une des messes sonores les plus mémorables et libératrices de toute l'année. Honte à tous les hérétiques qui ont osé s'absenter lors du passage remarqué de l'apôtre Mike Scheidt, le commandant en chef du trio ultra-puissant YOB. Pour cette occasion mystique, pour ne pas dire légendaire, ce surhomme avait même été jusqu'à la profanation de cadavre, en volant sans remords les lunettes du défunt John Lennon directement de sa tombe… (Oui! Oui! Je sais qu'il a été incinéré et que ma théorie est non fondée… mais il est possible qu'il ait fait bien pire en torturant Yoko Ono pour accéder à l'emplacement secret des restes de cette légende du rock).
Le sanctuaire parfait pour cette orgie de décibels n’était nulle autre que les fameuses Katakombes de Montréal. Là où bières et amplificateurs vont de pair à chaque rassemblement. Ce nectar divin nous était servi sur la toute nouvelle terrasse de la salle de spectacle, c'était l'endroit par excellence pour renouer les liens avec d'anciens disciples que l'on ne croise que très rarement dans les concerts. Un voile nocturne commençait à recouvrir le ciel en cette magnifique soirée estivale, et ce fut à ce moment précis que les premières lamentations de guitares résonnèrent dans nos tympans encore vierges à ce stade de la soirée. Vous êtes probablement en train de vous poser "LA" question ultime. Bon Dieu, mais quel groupe local a eu l'honneur d'ouvrir pour des membres aussi importants dans la hiérarchie du Doom? Sans grande surprise, il fallait vous attendre à nul autre qu'Ensorcelor, ce groupe de doom obscur teinté de segment black métal démoniaque.
Cette conclusion était facile à tirer puisque le groupe anglophone a tissé des liens bien serrés avec certains musiciens, dont le batteur de Dark Castle lors de son passage au sein de Monarch! en mai dernier. La logique fut respectée et ainsi la mission d'Ensorcelor fut de réchauffer cette foule d'élitistes du doom qui transpirait l'expérience musicale à grandes gouttes. Le quintet aux allures étranges semblait bien vouloir profiter de cette chance de se faire remarquer aux côtés de ces géants de la musique sale. Malgré la présence d'un nouveau batteur (probablement de façon temporaire, mais je n'en suis pas certain) le concert fut tout aussi intense que mes précédentes expériences en leur compagnie. Pour les curieux qui se demandent qui pouvait être ce nouveau percussionniste au martèlement impressionnant, et bien c'est celui qui sert la noble cause des destructeurs de tympans au sein de la formation de power violence, Vile Intent (Oui, ce fameux groupe au chanteur arborant des t-shirts de Godflesh et qui semble possédé par une force satanique!).
Tous les autres éléments de la prestation ressemblaient à du Ensorcelor typique, effectué dans les règles de l'art. Peu de mouvements à l'exception du chanteur, il y avait néanmoins une bonne communion entre les musiciens qui ont leur musique bien à cœur. Le manque d'énergie de ce groupe ne m'a jamais dérangé puisque je ferme les yeux à chaque fois que je les vois. N'allez pas croire que c'est parce que j'ai peur de la barbe du chanteur ou de son microphone conçu à partir d'un tronc réel d'arbre. C'est plutôt que leur musique se vit et se ressent beaucoup mieux lorsque nous abandonnons notre cerveau à une totale écoute. La prestation se matérialisa en images dans ma tête telle une longue épopée dirigée par une lenteur et une lourdeur omniprésente. Ce qui se passait à l'intérieur de mon crâne ressemblait à une scène de torture où j'étais le spectateur d'une pratique horrible sur un malfrat qui devait cracher la vérité comme un serpent crache son venin. Les cris stridents et puissants du chanteur Jonah donnaient vie aux lamentations du prisonnier et les immenses coups de tambours résonnaient comme des coups de fouet sur l'individu en question. Le mur de sons créé par les guitares permettait de créer une trame de fond à cette atroce scène et la bassiste (étonnamment blonde!) semblait timide sur scène, mais c’était tout le contraire dans ma tête, puisqu'elle incarnait la reine disjonctée qui ordonnait chaque coup de fouet avec son simple regard glacial… 0k, 0k, cette mise en contexte tout droit sortie de mon esprit tordu ne vous intéresse pas. Du moins, j'espère que cela vous donne envie d'écouter Ensorcelor et d'essayer de créer votre propre expérience lors de leur prochain concert. À mon avis, c'était le groupe de prédilection pour commencer cette soirée, mais je vous comprendrai de ne pas les apprécier autant que je le fais. Après tout, ce n'est pas le groupe le plus original ou lourd qui ait marché sur cette terre, mais bon dieu que la scène montréalaise a besoin de formation comme celle-ci pour éclore et se trouver une identité.
La mauvaise nouvelle pour Ensorcelor, c'était que Dark Castle avait la mission de jouer directement à la suite. Si vous n'avez pas eu la chance d'entendre ces démons du sludge/doom, vous devriez déclarer forfait immédiatement, puisque vous serez au tapis sans même avoir eu le temps de déballer le premier vinyle que vous achèterez de ce groupe. Croyez-moi, vous respirerez l'odeur de la mort à l'approche de leur page myspace. Les frissons s'emparent de vous lorsque vous êtes encore sur la page Google et que vous voyez l'hyperlien vers leur site web. Est-ce que j'extrapole? Probablement pas, puisque sur scène c'est encore pire que dans vos enceintes, aussi puissantes soient-elles. Mine de rien, ils ne sont que deux? Oui, oui, ce résultat monstrueux ne provient de nul autre que la magnifique et dangereuse Stevie Floyd (à la guitare) et du monstre marin réincarné en batteur, Rob Shaffer. Comment font-ils pour être aussi méchants? C'est simple, ils se camouflent dans leur loge avant le concert et font appel au Malin, qui s'empare ensuite de leurs corps durant les quarante-cinq prochaines minutes. Ce pacte avec le diable aurait été conclu, selon mes sources, lors de leur tournée européenne avec Kylesa. Ils auraient étonnamment trouvé un grimoire occulte dans une vieille bibliothèque poussiéreuse de la Roumanie et la déchéance s'en ait rapidement suivie. Ce n'est pas tout! Parait-il que dans ce sombre grimoire, la lugubre guitariste-chanteuse Stevie Floyd aurait trouvé une formule magique qui réussit à drainer le pouvoir créatif et le talent de tous les groupes avec lesquels ils ont tourné. Des preuves? Absolument, avez-vous réellement apprécié le tout dernier Kylesa? À mon avis c'était une véritable déception! Rappelez-vous de leur tournée avec Nachtmystium l'an dernier, avez-vous apprécié leur dernier album Addicts: Black Meddle, Part II? Soyons francs, c'était de la putain de merde sur toute la ligne. Passons maintenant aux choses sérieuses, qu'arrivera-t-il avec Yob après cette tournée??? Si leur prochain opus est mauvais, alors je vous aurai prévenu et nous partirons immédiatement à la chasse aux sorcières de Dark Castle. Préparez vos torches et vos faux!
Tout cela n'est qu'une spéculation, alors revenons-en à ce qui se passait lors de leur présence sur scène aux Katakombes. Le duo n'avait pas encore leurs instruments en mains que j'avais déjà une excitation que je n'avais pas ressentie depuis trop longtemps. Lorsque la première corde de la guitare de madame Floyd se fit heurter, mon cerveau décida de cesser de fonctionner. Je repris conscience quelques minutes plus tard en comprenant à peine ce qui venait de se passer. Il y avait désormais de la fumée partout et cette musicienne disjonctée criait la rage humaine à travers son joli micro. Ma théorie était que la guitare était reliée simultanément à un amplificateur de guitare et de basse. La sonorité de son instrument ne faisait aucun sens, tous les gratteux moindrement curieux de la salle ont laissé tomber leurs mâchoires jusqu'au plancher. Ils ne l'ont ramassé que pour aller voir avec quels types de pédales diaboliques elle parvenait à déchirer les atomes du son de façon aussi ridicule. Les succès des deux derniers albums Spirited Migration et Surrender To All Life Beyond Form se succédèrent de manière malsaine, ce fut une massive dose de récits maléfiques qui nous transportèrent hypnotiquement durant quarante minutes. Sans être nécessairement impressionnant par sa violence ou sa rapidité, Dark Castle compense largement en nous offrant une oppression sonore sans pareil. Ils arrivent à outrepasser les terrains connus en matière de doom ou de sludge, leur musique pue l'originalité et le résultat ne peut être que contemplé. La forme de la guitare à elle seule nous clouait le bec et nous obligeait à apprécier les riffs terriblement intelligents que nous proposait Dark Castle. De toute manière, le batteur était déjà prêt à lancer une baguette en pleine gueule du premier qui osait montrer son mécontentement. Croyez-moi, ça fait terriblement mal, j'ai déjà servi de cobaye à Dan Scanlan de Zoroaster. Oublions ces sombres souvenirs lointains et concluons ce chapitre de la grande histoire du doom montréalais en levant notre chapeau à Dark Castle qui deviendra très certainement l'un des favoris de la foule d'ici quelques années.
La mauvaise nouvelle pour Dark Castle, c'était que YOB avait la mission de jouer directement à la suite (désolé, c'est du déjà vu!). Aussitôt que Mike prit sa guitare en main, je fis le signe de croix nécessaire à ma survie et j'appuyais bien fort sur ce qui restait de mes bouchons. Le premier riff de Quantum Mystic se fit entendre et je compris aussitôt l'inutilité du silence dans notre vie. Comment vais-je pouvoir me passer de ce son de guitare durant tous les autres jours de ma vie? Comment? Une fois ce questionnement existentiel terminé, un second détail me sauta au visage : « Mais attendez! Il y a un clone sur la scène où c'est encore Rob Shaffer derrière la batterie? ». Une réponse soudaine me parvint de la droite « Ouais c'est lui, il remplace le vrai batteur de Yob pour la tournée. Parait-il qu'il a appris les morceaux en quatre jams! ». Voilà qui confirme l'utilisation d'un grimoire magique, il n'y a plus de doute possible. Pour être aussi performant que ce batteur, il faut sans aucun doute prier Satan tous les soirs. Il y a aussi une autre option plausible, celle qui me remet en question puisque j'avais les yeux aveuglés par le mur de son et que j'ai transformé la réponse de mon interlocuteur comme je le désirais bien. Cette théorie est beaucoup plus pertinente puisqu'il est strictement impossible d'entendre quoi que ce soit lorsque l'énormissime morceaux Burning The Altar résonne directement dans vos oreilles. Sérieusement, c'était le lourd du lourd, le démon incarné en décibels, cette guitare est le fruit des entrailles de l'enfer. Cette pièce de l'album The Great Cessation est mon morceau favori de Yob, mais je sais pertinemment que la version studio ne me plaira plus jamais. Je me suis alors déclaré K.-O. et j'ai compris que Yob est une expérience qui se savoure comme une excellente bière dans un pays étranger. Vous l'appréciez de tout votre cœur et vos sens frémissent lors de l'ingurgitation… mais vous savez que vous ne pourrez pas revivre cette sensation de si tôt. Qui sait, peut-être même jamais?
Je m'infligeais une claque au visage et je saisis le moment présent parce que l'histoire s'écrivait à petit feu devant nous. C'était le premier passage de ce trio magistral au Canada, y avait-il un meilleur endroit où passer sa soirée? Laissez-moi en douter! Vous serez sans doute d'accord avec moi, il y a certains groupes qui dégagent une aura, qui deviennent une seule et unique puissance envoûtante. Ce genre de prestation n'arrive que très rarement et elles passent toujours trop rapidement. Le vortex que Yob a réussi à créer s'est ouvert devant nos yeux et c'est malheureusement refermé après deux rappels. Dont l'un incluant la sublime Ball Of The Molten Lead, ce fut du pur délice auditif, une jouissance pour l'ouïe, un morceau que vous voudriez apporter dans votre tombe si les pasteurs permettaient la diffusion de musique lourde durant les cérémonies posthumes. Je me plains sans doute pour rien puisque ces deux rappels n'étaient même pas planifiés sur la setlist, nous en avons eu pour notre argent… Ou plutôt, le booker en a eu plein les poches! Une soirée à vingt dollars par entrée, disons que ce n'est généralement pas dans les règles de l'art pour un concert de style doom. Quoi qu'il en soit, nous avons passé un moment mémorable, gravé au fin fond de nos souvenirs de disciples de l'Église du Son. Cependant, j'ai l'impression qu'il me reste encore plusieurs chapitres à écrire dans cette bible durant les prochains mois, il y a tellement de bons concerts en approche. Que se soit les rois du désert nommé Kyuss, où les prêtres maléfiques suédois de Ghost, en passant par les terribles rednecks de Weedeater, Pelecanus vous livrera son appréciation de ces moments marquants de la scène montréalaise avec grand plaisir. Pour les gens n'ayant rien compris à cette chronique, attendez la sortie du prochain album de Yob intitulé Atma, à paraitre le mois prochain sur le label ontarien Profound Lore, et inclinez-vous devant vos futures idoles. Amen!
Chroniqueur montréalais pour Pelecanus depuis juin 2010 ayant participé à l'organisation de concerts ainsi qu'au défunt projet de webradio. |
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