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Aqua Nebula Oscillator + White Hills + Endless Boogie 15/10/2013 @ Divan du Monde, Paris
19h30 rue des Martyrs. Pigalle est bien sage. Pas de folie ce mardi soir. A fréquenter le coin uniquement le week-end, on en oublierait que le quartier est également très résidentiel. Moyennant quoi, j’ai quand même réussi à croiser dans le métro un type, visiblement dans un état second, sinon tierce, occupé à se faire sauter les empreintes digitales avec une lame de cutter. Bref, impossible d’entonner « j’en ai tellement vu dans ma chienne de vie que plus rien ne peut me surprendre » à Pigalle. Plic ploc faisait le sang tombant par terre. Je vais manger mes steaks bien cuits pendant un sacré bon bout de temps…
Aqua Nebula Oscillator
La bonne nouvelle de ce mardi ennuagé, c’est l’affiche. Après un raté dont les musiciens n’étaient pas responsables à la très belle soirée Kill the Hype 2, ANO se produit ce soir. Les plumes de paon décorant le micro de David Spher'Os s’harmonisent admirablement avec les balustrades art nouveau du balcon du Divan du Monde. Sans nul doute, la salle sera un très bel écrin pour le concert du groupe. Sans nul doute. Après une introduction instrumentale élégiaque, ANO se fait entendre : le son est propre, rond et puissant. Le chant en distorsion vient se confondre aux riffs et aux lignes de basse. Parfois, se perd-il un peu derrière la musique. Mais l’essentiel est là, devant nous. A l’instar d’une vague, la musique fait mine de casser, reflue et revient violemment. Les morceaux s’enchaînent. Nous passons de la lourdeur à la légèreté avec maestria, attendant la prochaine escalade pour nous faire bousculer. Tiens, le chanteur vient d’évoquer Joe Dassin, mais il s’agit d’une boutade préparant Kill Yourself. Je n’ai jamais tellement aimé Joe Dassin de toute façon, alors que Kill Yourself, oui, je l’attendais. Au final, nous ressortons charmés de ce groupe qui se plaît à jouer selon le modèle oscillatoire des vagues. Alors certes, certains morceaux peuvent paraître un peu longs — un problème récurrent pour les musiciens qui se prêtent à l’exercice du jam. Trop long, trop court. Qu’importe. Seule la syntaxe change, la grammaire reste la même.
White Hills
Un court entracte, et c’est au tour de White Hills. Peu de décorum sur scène, si ce n’est une console habillée d’un drapé à paillettes façon mylar. White Hills décrit sa musique comme du « Fuzzed Out Motorik Spacerock ». Cela reste cohérent avec le thème. La dénomination n’est pourtant pas très claire. A quoi ressemblent Les Blanches Collines ? Il suffit d’un morceau et d’un seul pour comprendre. Pour filer la métaphore, cela donne l’impression d’avoir été retourné cul par-dessus tête par une vague scélérate. Le corps humain est composé à 65 pourcent d’eau. Nous passons 9 mois de notre vie à nous baigner. Nous adorons l’eau. White Hills, encore un tour de manège !
Honnêtement, il est très difficile de décrire le groupe et la musique qu’ils font. Je vous encourage à venir les voir pour le vivre. Les musiciens produisent un son inimitable. La section rythmique est absolument parfaite (encore un très grand batteur, et une excellente bassiste). Le concert peut être perçu comme une expérience globale, plutôt que comme une succession de morceaux. Extrêmement narratif, le groupe procède par syncopes et relances très explosives, faisant la jonction entre les plages musicales par des instrumentaux de bips spatiaux. La saturation est portée très loin, non dans le temps, mais dans l’espace (nous venons de comprendre le pourquoi du mylar). Musique atmosphérique ? C’est peu dire. La stratosphère est déjà loin derrière nous.
Des défauts ? Ceux évoqués pour ANO. Le voyage est parfois un peu long. White Hills n’est jamais aussi bon que dans des morceaux resserrés. La critique est mineure. C’est à se demander si les quelques moments de flottement ne sont pas voulus au regard de l’élan qui suit. A titre personnel, je déplore que la ligne de chant de la bassiste ait été un peu assourdie, pas très audible. Critique mineure encore. White Hills a tout de la scène du genre : celle qu’on imagine, croit trouver, et au final c’est encore mieux que ce qu’on espérait. Les Blanches Collines ? Mon œil. Les Montagnes Hallucinées.
Une pause cigarette dans la rue des Martyrs pour patienter en attendant Endless Boogie qui vient conclure la soirée. De retour dans la salle, surprise. Mais qui est ce monsieur sur scène dont la coupe de cheveux évoque celle de l’ex première dame de France et chanteuse mollassonne souffrant d’insuffisance respiratoire ? Paul Major, chanteur et frontman du groupe attendu. Mais quelle est cette musique ? Du blues, du boogie, du Endless Boogie en somme. Mais quel rapport avec les deux autres groupes ? Il n’y en pas. Voilà le problème. Deux soirées ont fusionné en une seule (ANO et White Hills étaient prévus à la base au Point Ephèmère). Et pour qui a suivi la soirée depuis l’ouverture des portes, le raboutage peut sembler très déroutant, du fait d’une rupture certaine dans la continuité. Et les mouvements de foule tendent à le prouver. ANO et White Hills ont joui d’un public riche, mais il y avait bien davantage de monde lorsque Endless Boogie a commencé à jouer.
Endless Boogie
Et Endless Boogie, alors, c’était comment malgré tout ? Simple, c’était énorme. Vous réalisez beaucoup de rapprochements en écoutant le groupe de Major. Personnellement, j’avais l’impression de descendre Bourbon Street, une Hand Grenade remplie de margharita à la main, cette rue très passante de La Nouvelle Orléans où les bars abondent, et dans lesquels vous trouvez pléthore de groupes jouant live, certains faisant des reprises très serviles, d’autres faisant leurs propres compos, des fois minables, d’autres fois géniales (pour la plupart, ils ne perceront jamais). Endless Boogie peut sonner comme un groupe grandiose de hard rock des eighties, mais il peut aussi produire un son que la longueur des morceaux (vous avez dit « endless » ? C’est effectivement interminable, c’est fou) rend poisseuse. Ce groupe est animé par une intention retorse (ou louable, ça devrait être l’intention première de l’art) : rentrer dans votre tête et y faire son trou. Nous les prendrions à tort pour un groupe du sud. Ces gars-là sont des New-Yorkais. Anachronique ? Non. ENORME. Le raboutage a du bon. Je viens de passer une soirée magnifique, belle comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie.
Crédits photos : Patrick Baleydier / Crédits vidéos : TZ7LIVE / nfbeer
J'aime les chats roux, les pandas roux, Josh Homme et Jessica Chastain. |
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