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Retour sur Neurosis
C’est dans la chaleur de la Californie, étonnamment, que nait Neurosis dans les années 80. Dans un élan créatif de jeunes gens qui, typiquement, s’emmerdent profondément, Scott Kelly, Dave Edwardson etJason Roeder, toujours membres, fondent le groupe pour jouer un punk hardcore teigneux et appliqué. Les mecs écoutent Amebix et Black Flag, prennent de la drogue (on est dans la banlieue de San Francisco), et publient deux albums que l’on qualifiera de dispensables, voir de seconde zone. Mais ce sont les multiples avancées qui feront l’identité et la puissance du groupe en devenir.
Après avoir embrigadé dans leur clan Steve Von Till en 89, le groupe prépare lentement une évolution extrêmement importante dans leur grammaire. Sort en 91 un album que personne ne pouvait prévoir à l’époque. Souls At Zero propose un Neurosis complètement différent. Sans délaisser une hargne toute punk, le groupe développe de longs climats, des ambiances qui trainent, qui installent leur squelette rock de manière inédite. Le groupe s’extirpe du hardcore et cite aussi bien les Swans que King Crimson ou Hendrix comme influence. Un album long, complexe, mais passionnant. La suite sera logique : Enemy Of The Sun précise le tir et aligne les titres imparables. En 96, le groupe introduit Noah Landis qui viendra enrichir la musique du groupe pour un de ses chefs d’œuvre, Though Silver In Blood. Venant y accoler ses samples et claviers, Landis, un des architectes aux machines les plus importants de sa génération - avec Frank Delgado, dans un autre genre - élément déterminant du son Neurosis (qui demeure une partie du pourquoi les suiveurs n’arrivent jamais a frôlé le talent du groupe) permet au groupe d’arriver à une puissance époustouflante, remarquablement mise en son par Billy Anderson.
La seconde évolution, durable également, est l’arrivée de Steve Albini à la production des albums du groupe. Albini va donner de l’ampleur au son Neurosis, lui donnant un dimension supplémentaire, à l’acoustique profonde, aux résonnances naturelles amplifiant la dynamique du clan. Dès Times of Grace (l’autre chef d’œuvre du groupe), Albini décuple la puissance du groupe, et signe une de ses collaboration les plus durables (il produira tous les albums suivant). A côté de ça, Neurosis sait s’ouvrir. Ils flirtent avec le folk (les projets solos des deux chanteurs) ou l’ambient et l’expérimental avec Tribes Of Neurot, dont chaque album est un concept répondant parfois aux albums de l’entité principale (« Grace » disque à écouter en même temps que Times Of Grace). En 2003, ils signent un album splendide bien que sous-estimé en compagnie de Jarboe, où la patte Landis prend son envol.
Dès lors, Neurosis devient un groupe à l’influence considérable, engendrant de nombreux clones, jusqu'à la saturation totale d’un marché de niche, celui du rock lent, long et lourd. Un comble, quand on sait que le groupe, lorsqu’il n’est pas en tournée, est obligé d’assurer des petits boulots pour payer les factures.
Neurosis, c’est aussi des albums de moins en moins percutants depuis le passage au nouveau siècle. Si A Sun That Never Sets était un disque ambitieux et réussi, les deux suivants n’ont pas toujours fait l’unanimité. Le dernier en date n’a pas également convaincu outre mesure. Jusqu’à très récemment, Neurosis, c’était également les visuels parfois de mauvais goût, signés Josh Graham (également guitariste au sein de groupes médiocres, au mieux), avec pleins de loups, de faucheuses, et d’autres trucs cheaps et assez laids.
Longtemps absent des scènes, le groupe se permet à nouveau de faire des tournées : pendant 10 ans le groupe ne donnait que de rares concerts soigneusement choisis, en festival, ou dans des villes (Londres, San Francisco…). Après une précédente prestation parisienne acclamée en 2011 - la première depuis 99 - le groupe revient à Lutèce en compagnie d’une de leurs plus grandes influences, les Swans, qui à en croire Gira, sera bien indifférent à l’impérial bruit des mythiques illuminés Californien. Dans ce cadre, on ne doute pas que Neurosis saura imposer son impressionnante musique avec talent et puissance.
Neurosis sera en concert le 25 mai prochain dans le cadre du Festival Villette Sonique à Paris. À ne rater sous aucun prétexte.
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