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Ghost + Purson 30/09/2015 @ Métropolis, Montréal
C'est un phénomène connu. Lorsqu'on voit un groupe sur scène à plusieurs reprises dans un laps de temps plus ou moins court, il se produit souvent ceci: on s'y habitue, ça devient prévisible, on s'en détourne et on passe à un autre chose. Ghost ne fait pas exception à la règle. Un premier album coup de poing, une surprise rafraîchissante dans l'univers trop souvent stéréotypé du métal, un peu d'air frais, quoi, saveur rétro sauce XXIe, théâtralité, mystère et magie satanique en sus. Nous étions présents la première fois au Corona en janvier 2012, curieux de la musique, du groupe et du hype qui les entourait, pour cette brève (ils n'avaient qu'Opus Eponymous à nous offrir), mais combien percutante prestation qui nous laissa, outre les effluves d'encens, un souvenir indélébile du genre «mais on vient d'assister à quoi, là, nous?»
C'est avec la même curiosité que je les ai vus en première partie de Mastodon et de Opeth, en avril de la même année. Ils étaient toujours efficaces, même dans ce contexte, cinq petites pièces et puis s'en vont. Ils sont revenus l'année suivante, toujours au Corona, en tête d'affiche pour l'album Infestissumam. Le charme était encore au rendez-vous, nous avons même dansé un peu (Abba n'est jamais très loin avec eux...). Puis, voilà, me suis-je dit. Meliora. Est-ce la fin? L'album m'a laissé sur mon appétit. Les bonnes pièces sont dévastatrices. Spirit est excellente. Cirice est un single à la puissance dix. Mummy Dust et Absolution m'ont fait headbanger et From the Pinacle to the Pit me fait danser. C'est tout dire. Mais pour le reste... J'ai perçu des relents de caricature, des clins d'œil à Styx (à Yes aussi, mais ça, ça passe, assurément) et c'est avec un peu le vague à l'âme et la gorge enrouée que je me suis présenté au Metropolis («mais c'est trop grand comme salle pour eux, non?», «regarde, ce n'est pas sold out deux semaines avant le show!», «ils vont se la casser solide») sous une bruine qu'auparavant j'aurais associée aux bons augures de Satan, mais qui en cette soirée ne fait que traverser la trop petite veste que je porte et qui rend le chemin de la rue St-Denis à la salle un brin trop frisquet.
Vingt minutes avant qu'ils montent sur scène, l'ambiance est préparée. On fait alterner quelques pièces et des silences. La foule est compacte, elle répond bien. Le Miserere mei, Deus de Gregorio Allegri se fait entendre. Les lumières se ferment. La scène est baignée de rouge tandis que joue le Masked Ball de Jocelyn Pook. Nous sommes prêts. Ils entament avec Spirit. Le son, où nous sommes, est un peu trop compressé. La batterie, la basse et la voix enterrent les guitares. Ça va se replacer, quelques chansons encore puis, voilà, ça y est, pas besoin de bouchons, pas trop fort, bien balancé, sono impeccable. Rock on !
Ils enchaînent les meilleures pièces de leurs trois albums. Ce sont des pros maintenant. C'est rodé au quart de tour, une machine efficace, bien huilée. Papa Emeritus s'est dégêné. Il est un peu plus volubile, un peu trop parfois à mon goût, mais nous allons lui pardonner (c'est dans le ton de la soirée, non?), car pas de doute, le charme opère toujours. Les fidèles connaissent bien les chants et les hits se succèdent. Les musiciens amorcent l'intro de Cirice. J'ai un frisson. Est-ce un rhume qui commence? Non. C'est de la sorcellerie, je vous dis. Un court silence. Les lumières s'abaissent, passent du vert au blanc au mauve et nous aveuglent. Ils enchaînent avec le riff. Je suis soufflé. Mais ce n'est pas tout. Papa Emeritus nous apparaît tout en haut des marches sans mitre, vêtu d'un pantalon et d'une élégante redingote noire ouverte sur une chemise blanche. Il porte toujours son masque, mais on voit désormais ses cheveux. Le voilà. Il se révèle. Nous passons du Pape des Enfers au preacher satanique dandy. Le reste est un magnifique tourbillon de son et de lumière. Les pièces s'enchaînent. Year Zero, Absolution, Guleh/Zombie Queen, une splendide reprise acoustique de Jigolo Har Megiddo et j'en passe. Même Majesty et He Is qui m'avaient laissé indifférent étaient magistrales. Le seul faux pas aura été cette reprise de Rory Erickson (If You Have Ghosts) qu'ils nous offrent avant le rappel. Peu importe. Nous leur pardonnons. Ils terminent avec Monstrance Clock avant de quitter la scène et nous laisser sur The Host of Seraphim de Dead Can Dance. Un peu plus de quatre-vingt-dix minutes. Mes craintes se sont évanouies. Les pièces qui sont le mieux passé ont été celles du dernier album, même celle qui me faisaient penser à Styx. Décidément, ces gars-là savent s'y prendre. Ils nous ont envoûtés. Encore une fois.
Crédits photos : Baktelraalis
Écrivain/ébéniste. |
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