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Rock Altitude Festival 2013, Le Locle, Suisse

Portrait de Fred Nvrd
Rock Altitude Festival 2013, Le Locle, Suisse

Pour celui qui n'est pas spécialiste de la géographie helvète, savoir où se trouve Le Locle en Suisse peut sembler un peu ardu. Petite ville nichée à la frontière franco-suisse, Le Locle de par sa taille plutôt restreinte peut surprendre par le fait d'abriter ce festival. En effet, qui peut se targuer d'avoir fait jouer Meshuggah, Neurosis, Mogwai ou encore Gojira dans une ville de moins de 50 000 habitants ?

Cette année, le Rock Altitude Fest nous propose dans le cadre de sa journée « Metal » : Orange Goblin, Cult Of Luna, Deftones et EyeHateGod. Le tout agrémenté par la participation de quelques formations locales comme Elizabeth par exemple qui compte en son sein l'ancien chanteur de Nostromo. A notre arrivée sur le site, c'est un jeune groupe suisse qui joue du nom de Neosis, une sorte de mix entre Meshuggah, Textures et Dillinger. Je ne suis pas plus emballé que ça notamment à cause du son qui ne leur rend pas justice et une scène bien trop grande pour un groupe qui n'a sûrement pas une grande expérience du live. Le tout sonne trop léger pour envoyer ce qui semble être pourtant un metal technique et moderne. A voir peut être dans un lieu plus propice et adapté à leur statut de jeune groupe.

Le temps d'aller se désaltérer un coup avec une absinthe bien fraîche et c'est Cult Of Luna qui investit la grande scène. Leur backdrop aux couleurs de la pochette de Vertikal en place c'est, comme à leur habitude, avec The Weapon qu'ils commencent leur set. Pour les avoir vus quelques mois plus tôt, je les trouve moins convaincants. Pourtant, le son est plutôt bon, les lumières efficaces et les Suédois apparaissent plutôt investis dans leur set. Je ne saurais dire exactement ce qui m'a fait cet effet mais leur prestation à L'Impetus Festival m'a semblé plus sauvage, plus sincère. Ma grande déception : l'absence du morceau « Vicarious Redemption », pierre angulaire du dernier album. La faute certainement à un temps de scène trop court puisque ce titre avoisine tout de même les 18 minutes. Un bon set mais qui est loin d'égaler leur précédente performance. Malgré tout, qu'il reste plaisant de voir l'un des tenors du post-metal/post-hardcore sur scène après plus de 5 ans d'absence.

 

N'étant pas avare sur l'importance de bien s'hydrater, je refais une pause fraîcheur avant d'aller dans la tent stage où nous attend Orange Goblin. Le moins qu'on puisse dire c'est qu'ils sont attendus. Le public hurle déjà, 10 minutes avant que le show ne commence. Vous allez me trouver pointilleux voire difficile mais je n'ai guère été séduit par ce concert. Certes, le chanteur est très communicatif et les mecs semblent hyper contents d'être là mais je n'arrive vraiment pas à plonger dans leur musique. Au bout de 3 ou 4 morceaux, j'ai l'impression d'entendre plus ou moins toujours la même chose. Je garderais donc en tête un concert au son correct avec un groupe heureux de jouer sa musique et désireux de partager avec le public. Musicalement, leur stoner rock metal ne me parle pas vraiment, la faute peut-être à un fond rythmique trop souvent linéaire. Le chanteur par contre est un vrai frontman, maîtrisant autant le chant que le rôle de porte-parole du groupe. Le public est de toute évidence séduit et c'est bien là l'essentiel.

 

Nous y voilà, Deftones. Ne nous méprenons pas, je ne suis pas un fan ultime de Deftones. Certes, ce groupe fait partie de ma construction en tant que jeune ado portant des pantalons taille 56 alors que je fais du 40... mais j'ai vite lâché ce groupe pour me diriger vers des trucs un peu plus... comment dirais-je ? Extrêmes ou alternatifs ou expérimentaux ou que sais-je encore. J'ai dû voir Deftones à la fin des années 90 et en jeune homme rebelle qui aime quand même les muffins et le confort j'avais pris une bonne claque. Ayant vu sur le net trainer pas mal de vidéos, j'avais réalisé à quel point Chino Moreno était un chanteur exécrable en live. Qu'en est-il aujourd'hui ? Surtout après la sortie de ce « Koi no Yokan » qui pour moi replace la formation de Sacramento dans le top des groupes metal dit « commerciaux ». C'est donc avec une immense curiosité que je me place assez proche de la scène afin de pouvoir goûter au maximum à ce concert. Premier constat, Deftones a pris de la bouteille et pas qu'à boire. On sent que désormais la scène est pour eux un terrain de jeu ultra connu. Le son est plutôt massif et le chant (nous y voilà) vraiment correct. Enfin, Chino sait chanter, sans se cacher uniquement dans des effets de compresseur sur-atomique. Le charisme du leader de Deftones y est pour beaucoup car, quoi qu'on en dise, je trouve que ce mec dégage quelque chose d'assez fort. Le groupe est généreux et essaie de contenter un maximum de monde puisqu'il traversera toute sa carrière en jouant quasiment autant de vieux titres que de chansons du dernier album. Je reste plutôt fan de morceaux comme « Swerve City » ou « Tempest » et réentendre des chansons de « Adrenaline » ou « Around the Fur » m'ont fait quelque chose mais jouer Head Up originellement enregistré avec Max Cavalera ne me semblait vraiment pas indispensable... Deftones est capable de composer de vrais titres, dynamiques, sensibles et possédant leur propre touche et en même temps d'une cohérence plutôt époustouflante. Le gros point négatif, des light cheap, mal calées, avec des couleurs plutôt reggae que rock vraiment dégueulasses (pardon pour ma légèreté et ma vulgarité). J'ai failli proposer une pétition à la sortie du concert pour faire virer leur ingénieur light. Pour conclure, Deftones m'a séduit, je n'irais pas jusqu'à dire que ce fut le concert de l'année mais ils auront eu au moins le mérite de me réconcilier avec leur univers, en tout cas en ce qui me concerne.

 

Je passe rapidement sur la prestation d'Elizabeth, tout simplement parce que je ne l'ai pas vu. Il faut bien manger quand même à un moment ou à un autre, ayant appris de plus, que ce n'est pas la formation originale qui joue. Le chanteur se fait remplacer, ne pouvant assurer ce concert.

 

E Y E H A T E G O D

Au moment où j'écris ces ligne, le destin d'EyeHateGod a basculé. Moins d'une semaine après avoir assisté à leur performance, le batteur Joey LaCaze est mort. C'est étrange d'assister à un moment de vie d'une personne qui donne tout en face de vous, dans un moment intense de sa vie et qui disparaît peu de temps après. Coïncidence ou pas, ce concert est mon coup de cœur du Rock Altitude Festival. EyeHateGod, c'est une expérience plutôt unique. Coup du sort, nous avons droit à une formation plutôt en bonne forme sachant qu'il n'est pas rare que leur concert soit un poil moisi du fait de leur état souvent sous emprise de l'alcool et de produits qu'on ne peut se faire prescrire sur ordonnance du médecin. Du coup, ça envoie du lourd, un son de guitare dantesque, un batteur qui pousse mémé dans les orties et un chanteur présent, en face de vous, qui vous balance à la face son expérience de vieux baroudeur trash/metal/stoner. Il m'a fait l'effet d'un vieux gourou ce mec. J'ai pris ma claque, j'ai dit merci et au revoir. Et comme je suis un vieux sentimental, j'ajouterai :

Adieu Monsieur LaCaze et bon vent. Passe le bonjour à ce bon vieux Lucifer et dit lui qu'on se verra bientôt.

Crédits photos : Sébastien Descamps

Chroniqueur, amateur des musiques "extrêmes", des arts alternatifs et de la contre-culture.

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