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Kvelertak + Black Tusk + The Great Sabatini 21/05/2013 @ Coop Katacombes, Montréal
Il est 20h00 et nous sommes le mardi 21 mai, le ciel est gris et les ruelles sombres. La brume donne une allure sinistre au décor montréalais, les immeubles de la rue Ontario semblent trempés de la cave jusqu'au grenier. En temps normal, je ne serais pas sorti du confort de ma demeure par une soirée semblable. Évidemment, une raison se camoufle derrière mon parcours, une motivation des plus évidentes aux yeux des mélomanes locaux. Une lueur se dégage du coin des rues Ontario et Saint-Laurent, une lueur qui reflète ma détermination. La sinistre salle de spectacles, méticuleusement baptisée Les Katacombes, est l'hôte d'une soirée tout à fait particulière. Pour la modique somme de quinze dollars, nous avons droit à un rassemblement musical formidable. Les abords du bâtiment regorgent de camarades qui sont, tout comme moi, fervents de lourdeur sonore. Ce rendez-vous familial propose un festin de décibels des plus attrayants, le parfum d'une salle comble se propage lentement dans l'air. Avant même le début des hostilités, l'objectif des forcenés norvégiens de Kvelertak est atteint. Inévitablement, l'approbation de cette popularité devra être traduite sur scène plus tard en soirée.
Une fois mon impatience mise à l'écart, je m'introduis dans la salle. Il est maintenant 20h30 et les premiers accords du quatuor montréalais The Great Sabatini émanent déjà des massifs amplificateurs. Les auditeurs avertis reconnaissent les toutes premières notes de l'introduction Bletting The Medlars, les sonorités vaporeuses des guitares transportent les musiciens vers le chaotique titre Null And Void. Les hurlements stridents qui s'échappent de ce morceau glacent le sang à l'intérieur de mes veines frêles. L'extraordinaire qualité sonore rend enfin justice à la pesanteur que propose The Great Sabatini, la précision et l'intensité des musiciens démontrent les bénéfices de la récente tournée européenne. L'un des guitaristes déclenche aussitôt l'engageante (Mind Over) Matterhorn, l'imparable refrain frappe directement au sternum. L'animosité de cette composition capte l'attention du public, l'intérêt que porte la foule à leur égard est inhabituel. Sans avertissement, la centaine de spectateurs subit deux des plus agressifs titres de leur discographie, Napoleon Sodomite et Zakios s'unissent pour un assaut immédiat à nos méninges. C'est avec stupéfaction que je remarque le travail irréprochable du batteur de substitution, puisque la tournée de Greber ne permet pas la présence du très dynamique Steve Sabatini derrière les tambours. L'annulation d'une occasion comme celle-ci est prohibée, le groupe doit livrer une performance malgré l'important défi à relever. L'homme de la situation se nomme Mark et est originaire d'Ottawa, il s'exécute normalement pour la formation Swarm Of Sphere. Son incroyable performance de soutien permet même à The Great Sabatini d'entamer pour la première fois un nouveau morceau intitulé Guest Of Honour. L'étrange style alliant la lenteur du doom et la frénésie du grindcore que prône la formation tire déjà à sa fin, Birth Of The Cruel et Tiny Kingdoms font la paire pour terminer ce saccage auditif. Trente minutes et ce moment fait déjà partie du passé, la populaire expression « toute bonne chose a une fin » s'applique évidemment à ce que nous vivons à ce moment précis.
Le ton de la soirée se transforme, la saveur locale est maintenant derrière nous. Le trio géorgien Black Tusk grimpe sur scène avec une attitude à toute épreuve. Le t-shirt de Pentagram qu'arbore le guitariste ne laisse aucun doute sur les influences de ce mastodonte musical. En début de prestation, les terrifiantes pièces Embrace The Madness et Bring Me Darkness emportent la foule vers un stade supérieur. Les casquettes tombent sous la vitesse des hochements de têtes, la bière devient soudainement plus goûteuse. Les astres du malin s'alignent et la cérémonie est bien enclenchée. L'énergie débordante des trois musiciens électrise la foule, le dynamisme du chant se traduit par l'apport de chacun des membres du trio. Les voix différentes se fusionnent pour mettre une bonne droite à la mâchoire de tous les auditeurs inattentifs. La mixture que fabrique Black Tusk évoque ses origines à des kilomètres à la ronde, l'évidence de leurs racines est palpable. Il suffit de nommer quelques confrères comme Baroness, Kylesa et Mastodon pour deviner dans quelle marmite ils sont tombés lorsqu'ils étaient gamins. Les rythmiques s’approchant du thrash metal aident toutefois à distinguer Black Tusk de cette panoplie de compétiteurs très reconnus. L'action sur le parterre confirme cette affirmation, les bousculades fraternelles s'accumulent dans la fosse. Les éléments se mettent tranquillement en place pour laisser la tête d'affiche s'exprimer. Le choix judicieux que représente Black Tusk sur une tournée comme celle-ci rend hommage au style que préconise Kvelertak. Leur astucieuse association a de quoi satisfaire les mélomanes les plus exigeants et vue la réaction du public, ce genre de soirée manque énormément à la scène montréalaise.
Il est temps de passer de la parole aux actes pour le sextuor scandinave. La petite scène des Katacombes se prépare à souffrir sous la prestance des trois guitaristes et du nombre ridicule d'amplificateurs Orange qui y sont dispersés. L'apparition du chanteur se fait attendre, les cinq musiciens s'en donnent à coeur joie pour paver la route de celui-ci. Au moment de poser ses premières paroles sur cette musique déchaînée, l'évidence nous saute aux yeux. La sonorité est affreuse, les guitares résonnent à peine et le chant est pratiquement inaudible. Comment se fait-il que les deux groupes d'ouverture bénéficiaient d'une qualité sonore irréprochable et que Kvelertak a si peu à offrir ? Le mystère planera durant quelques morceaux et certains ajustements rétabliront l'équilibre. Le public ne se laisse visiblement pas affecter par ce léger détail, l'action est palpable sur la totalité du parterre. La scène est une plateforme de lancement pour les nombreux body-surfers, même le chanteur Erlend se permet quelques visites sur les mains douloureuses des spectateurs. De pures bombes comme Mjød, Bruane Brenn, Fossegrim et Blodtørst permettent à Kvelertak de démontrer tout son savoir-faire. La dualité entre les mélodies rock 'n' roll et l'agressivité typiquement black metal offre un divertissement original aux admirateurs. Pour une deuxième fois ce soir, le batteur original de la formation ne pouvait être présent. Une blessure au bras eut raison de Kjetil, le batteur original de Kvelertak. Une tournée de cette envergure ne pouvant pas être mise au placard, un remplaçant assure le martèlement lors de la seconde moitié de la tournée. Son étonnante efficacité est admirable, il semble être né pour incarner ce rôle dans Kvelertak. L'aisance foudroyante des musiciens, le bonheur de se retrouver dans l’action et la démence avec laquelle ils habitent la scène sont les principales qualités du groupe norvégien. La longue et généreuse performance se termine dans le chaos le plus absolu, l'éponyme pièce Kvelertak se métamorphose en improvisation lorsque l'un des guitaristes attrape un tambour et commence à taper de toutes ses forces en communion avec le réel batteur. L'un des guitaristes se rend au deuxième étage de la salle pour faire des solos effrénés et le bassiste grimpe sur son immense ampli pour la totalité du morceau. Décidément, Kvelertak possède le sens du spectacle et la folie nécessaire pour justifier sa réputation grandissante. Je souhaite une longue vie à ces fous furieux scandinaves, je suis heureux que la ville de Montréal leur ait offert une telle réception pour un premier séjour au Québec.
Crédits photos : Renaud Sakelaris
Chroniqueur montréalais pour Pelecanus depuis juin 2010 ayant participé à l'organisation de concerts ainsi qu'au défunt projet de webradio. |
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