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Desertfest Londres 2014 : Jour 3 - Vous reprendrez bien un peu de gras ?
Lorsqu'on se réveille au matin du dernier jour d'un festival, on est toujours partagé entre la tristesse de devoir bientôt quitter l'endroit paradisiaque, et l'excitation de voir les derniers groupes programmés. On en voudrait toujours plus ! C'est ainsi que, sur le chemin de l'hôtel à l'Electric Ballroom, je rentre dans le Vans Store où se prépare une session acoustique. Je suis un peu en avance pour Black Rainbows et ne peux résister à l'attraction du live. Grandloom fait sa balance tandis que la boutique se remplit... Dans une ambiance bonne enfant et familiale, le souriant trio allemand présente ses jams de rock-psyché qui sentent bon le fuzz. Bien influencé par les 60's/70's, et Hendrix ou Hawkwind pour ne citer qu'eux, Grandloom propose une belle halte musicale, inattendue.
Le stoner à l'italienne
Deux massages de bouchons d'oreilles plus tard, me revoilà dans le front row. J'avais en mémoire un set de Black Rainbows sur la scène du Glazart à Paris, en 2013 lors des Stoned Gatherings. Le groupe faisait alors la promo de son dernier EP : Holy Moon. Un bon concert de cosmique pêchu. En ce dimanche londonien, le son m'a beaucoup surpris. Ils ont balancé leurs titres avec un de ces entrains ! Nos amis italiens sont visiblement très heureux d'être parmi nous. Les « Romatherfuckers », comme ils aiment à se surnommer, font l'honneur de présenter l'un de leurs tout derniers morceaux au public du Deserfest. Un titre qui ne m'a pas entièrement convaincue, mais c'est bien là mon unique déception en ce qui les concerne. Leur reprise des MC5 a, quant à elle, séduit tout le monde. Le côté rock'n'roll 50's mélangé au psyché planant a très bien fonctionné. Le long morceau très dansant, ponctué de « I Need You hou hou », m'a méchamment donné envie de twister... Les soli de Gabriele Fiori (chant et guitare) sont comme à leur habitude : psychédéliques et parfaitement exécutés. La cerise sur le gâteau en somme ! Pour rester dans la pâtisserie, je dirais que ce set a agi sur moi comme un bon dessert en fin de repas : pas trop lourd, surprenant et savoureux.
Interlude humoristique
Décidément, quand on entre à l'Electric Ballroom, on ne peut plus en sortir. Toujours accoudée au pit des photographes, une petite bière à la main, je m'apprête à découvrir Lonely Kamel sur scène. Ce sont quatre grands chevelus qui s'installent. Chacun porte un T-shirt arborant « I'm with stupid » ainsi qu'une flèche pointant son voisin de gauche. Une fois tous alignés, le pauvre ingé son calé sur la droite de la scène ne peut que se sentir visé... C'est donc le sourire aux lèvres que j'écoute avec malice ces gaillards envoyer leur hard rock norvégien survitaminé. Pas question de s'endormir sur une blague vestimentaire, c'est parti pour la douche heavy ! Ces messieurs ont réveillé tout Londres avec leur infatigable puissance sonore. J'ai adoré le morceau Grim Reefer, avec ses breaks heavy à la ACDC, où l'on peut taper bêtement dans ses mains comme une groupie en furie... Que dire des intros au bottleneck ? Heavy ET bluesy, je jubile ! Et ce malgré la troublante sensation qui m’envahit chaque fois que mon regard se pose sur le bassiste, dont les traits ne sont pas sans rappeler le personnage « du limier» dans Game Of Thrones...
Woodstock revival
Après une petite pause dans un fumoir flippant, aux murs très hauts et aux barbelés apparents, il est temps de retourner fouler le plancher de l'Electric Ballroom pour applaudir Radio Moscow. Dès les premières notes, je me sens transportée dans une autre époque... A chaque riff je meure d'envie de crier « purple haaaaze !!! ». Le look de hippie du chanteur, avec son petit tricot-gilet, son patte d'éph' et ses cheveux qui touchent le sol, me donnerait presque envie d'élever des chèvres dans le Larzac. Sa voix rappelle un peu celle de Stevie Ray Vaughan, très grave et bourrée de flow. Surtout pendant les passages quasi a cappella. L'accompagnement ne propose rien de neuf. Il s'agit d'un bon vieux rock psyché, avec un guitariste qui alterne des soli en appuyant bien fort sur sa wah wah. Pas forcément révolutionnaire, mais suffisamment original pour que les références demeurent au stade d'inspiration. Grosse performance chez les cordes, avec des notes aiguës qui osent côtoyer des lignes de basse plutôt denses... Ça produit son petit effet ! Le set de Radio Moscow aura été un vrai bon moment de festival.
La tempête Elder
Les tympans se mettent rapidement à vibrer en réaction aux grosses saturations, à la limite du larsen, qu'Elder balance à travers l'Electric Ballroom. Quelle surprise de découvrir ce tout jeune trio ! C'est l'une des nombreuses claques du week-end. Leur son est aussi pesant et puissant que celui d'une grosse bécane qui démarre. La lourdeur se traduit dans chaque accord. On remarque que le bassiste vit un intense moment d'exaltation. Il a des mimiques très expressives, il suffit de le regarder pour plonger dans son univers. La prestation d'Elder est aussi violente qu'hypnotique, et ce pour notre plus grand plaisir !
Un pied dans le Delta
Une fois n'est pas coutume, direction le Black Heart pour apercevoir les Texans de The Midnight Ghost Train avant la fin de soirée japonisante qui m'attend. Convaincue par leurs albums, notamment le petit dernier, Buffalo, je m'imaginais une bonne bûche, avec toujours cette angoisse d'être déçue par mon trop grand enthousiasme. Que nenni, le chanteur Steve Moss apparaît plus en forme que jamais. Il assène son heavy blues bourrin en oscillant brutalement avec sa guitare, face à un bassiste qui répond par le même geste. La délicatesse ne s'invite sur scène que lorsque le front man lâche son instrument pour mimer de longs déroulés avec son poignet. On frôle l'état de grâce pour n'être que plus bousculé par les riffs qui s'en suivent. Le très charismatique Steve Moss ne manque pas une occasion de communiquer avec son public, entassé dans la petite salle du repère londonien. Nouvelle « dose de gras » : merci à The Midnight Ghost Train !
Destination Japon
Nous voilà au fameux moment où le Japon s'invite au Desertfest par le biais de deux puissantes références : Church Of Misery, puis Boris. Church Of Misery m'avait fait forte impression lors de son passage à la Flèche d'Or à Paris, en février dernier. Il précédait Monster Magnet sur quelques dates. J'avais pu constater la capacité d'interprétation du chanteur, ou encore la technique toute particulière du bassiste qui n'utilise que le manche de son instrument. Parfaitement rodé pour la scène, le quatuor tokyoïte sait créer une ambiance doom complètement barrée. Le guitariste Tom Sutton tire régulièrement la langue de façon très étrange. On se demande bien ce qui lui passe par la tête à ce moment là... Cette mimique, associée aux mouvements de chaman possédé du front man, entraîne le public dans une sorte d'univers macabre totalement malsain et perché. A l'extrême opposé de leur confrères de Boris, qui s'inspirent plutôt du côté spirituel de l'ambiance stoner. Sur scène siège un énorme Gong Zildjian. Après un brouillard interminable, parfois rose, parfois bleu (je le décris parce qu'il a duré trois plombes et qu'on y voyait absolument rien), l'armée de photographe présente dans le pit termine de s'arracher les cheveux... Une fois le très pop premier morceau achevé, j'aperçois enfin le double manche de la Gibson du guitariste/bassiste, car l'instrument remplit les deux fonctions. Je tiens à préciser que c'est la première fois du fest que je vois une fille sur scène. Laquelle s'en sort plutôt très bien. Le doom drone lui va à ravir, tout comme la pop, le stoner, le heavy et autres bizarreries qu'ils ont réussi à me faire écouter. Conclusion, Boris c'est une vraie expérience musicale. On aime ou on n'aime pas. Personnellement, j'ai eu beaucoup de mal à rentrer dans cet univers si particulier, malgré une technique irréprochable et une indéniable force créatrice qui permet à Boris de passer d'un genre à un autre sans accroc.
Ainsi s'achève le dernier jour de cette tuerie de festoch qu'est le Desertfest. Un grand merci aux organisateurs qui ont su mettre en place un événement aussi agréable que pratique. L'essentiel de la scène stoner du moment m'est passée sous les yeux en trois jours : des légendes, des petits jeunes, des inconnus... Du plaisir en barre ! Bravo. Que dire de plus ? Rendez-vous l'année prochaine !
Crédits photos : Patrick Baleydier
Journaliste - rédactrice, à l’affût des nouveautés rockailleuses venues du désert et d'ailleurs... |
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