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Desertfest Londres 2014 : Jour 2 - Le vif du sujet

Portrait de Floriane
Desertfest Londres 2014 : Jour 2 - Le vif du sujet

Le jour se lève sur Londres. Histoire de profiter un peu de la journée avant l'avalanche de gros son qui attend la petite bande de Français que nous sommes, une balade dans Camden Lock s'impose. Parmi la foule qui grouille dans les allées enfumées d'encens ou de graillon, on arrive tout de même à croiser Henry Vasquez et Dave Sherman de Spirit Caravan, une pinte à la main. C'est aussi ça le Desertfest ! Blague à part, le samedi désertique était le jour que j'attendais avec le plus d'impatience (s'il est encore possible de quantifier ses émotions à ce stade). Séduite par Heart Of Oak d'Anciient, j'étais très curieuse de les découvrir sur scène, tout comme ASG, Samsara Blues Experiment, Weedeater, et bien évidemment la tempête norvégienne de Kvelertak. L'Electric Ballroom est donc devenu mon fief pour la majeure partie des concerts...

Des oreilles qui saignent

Comme je l'explique plus haut, c'est l'excellent Heart of Oak qui me pousse à me rapprocher des Canadiens d'Anciient. À mi-chemin entre Opeth et Mastodon, le quatuor alterne riffs hyper travaillés, longs solos mélancoliques et gimmicks supra violents. Une belle entrée en matière pour cette deuxième journée. Camouflé derrière un sacré paquet de poils, il est bien difficile de discerner le visage du frontman. Ce qui n’entache en rien (au contraire!) la qualité du show qu'il livre. Ses compétences vocales sont absolument impressionnantes. Il passe sans hésitation des techniques gutturales du death à la voix rauque et bluesy du stoner. Anciient balance de puissantes compos, mélodiques, mystiques et entraînantes. Les bouchons tremblent dans les oreilles ! On regrettera peut-être le manque d'interaction avec le public, les musiciens sont restés très concentrés. Ceci dit cette forêt de cheveux m'a fait grande impression. Voir Anciient sur scène c'est littéralement voyager à travers les styles metal.

 

The Amplification of Self Gratification

Le public de l'Electric Ballroom est chaud bouillant en cette après-midi londonienne. Constance, maîtrise et jolie casquette définissent la prestation d'ASG qui offre un show sans concessions. Jason Shi et sa bande assènent un déluge de riffs séducteurs, violemment balayés par un fuzz à faire osciller Big Ben. Une grande précision de jeu et un chanteur, décidément très charismatique, soulignent avec énergie les morceaux du nouvel album, Blood Drive. En deux mots : grosse bûche.

 

Courte trêve de décibels

Une ambiance cosmique s'installe dans la salle. Samsara Blues Experiment entre en scène avec son rock psyché planant, à l'instar de ses enregistrements. Fervente amatrice du genre, j'ai trouvé la prestation un peu trop galactique à mon goût, puisque voir le groupe en live ne m'a pas paru totalement transcendant. A vrai dire, je pense que les shows précédents y sont pour beaucoup : difficile d'enchaîner après ASG. Et puis en l'absence du bassiste (en tournée avec Kadavar), c'est le guitariste Hans Eiselt qui a repris la quatre cordes. Même si le monsieur a assuré l'intérim avec brio, il n'y a pas eu de morceaux du dernier album Waiting for the Flood, qui a longtemps tourné en boucle sur ma platine. Autre fait qui constitue pour moi une déception en soi. Et puis le set s'est vu amputé d'un quart d'heure... Bref, je pense compenser ma déception en les revoyant plus tard au grand complet avec un plateau plus posé car ce groupe en vaut vraiment la peine.

 

Les gentlemen du bayou

Après l'interlude spatial, place au gras en tranche. Weedeater c'est avant tout une question de style, et ce n'est pas Dave Collins, alias Dixie, qui dira le contraire. Le personnage entre en scène en remontant son pantalon trop large et plutôt dégueu. Il scrute l'assemblée avec un léger strabisme avant d'engloutir une bonne rasade de whisky, du moins ce qui semblait en être d'où j'étais placée. La batterie est installée de profil et très proche du public. Autant dire qu'on en a pris plein les oreilles au premier rang... Toujours parés de mimiques mi-clown mi-clochard, bassiste et chanteur embraient de façon massive et énergique : ça slamme dès le 1er morceau ! Le désert londonien se réveille brusquement. Le batteur jongle diaboliquement avec ses baguettes et le frontman descend sa bouteille de sky en levant les bras bien haut, qu'on puisse voir le trou de son T-shirt sous son bras... Le show Weedeater est en marche. Premier coup de théâtre avec l'intervention succincte de Jason Shi, le chanteur d'ASG. Mais c'est surtout l'arrivée de Wino de Spirit Caravan, sous une nuée de confettis multicolores, pour interpréter Gimme Back My Bullets de Lynyrd Skynyrd, qui termine de déchaîner le public.

 

Heu...

En quatrième vitesse, photographe et rédactrice courent vers l'Underworld où The Body se prépare. Je ne les avais jamais vus en live, malgré les nombreuses recommandations que j'avais pu recevoir. Il me fallait donc pallier à la curiosité naissante... Au final j'aurais mieux fait de terminer tranquillement le set de Weedeater et de me payer un petit bière-sandwich car ce que j'ai vu ce soir j'aurais bien du mal à le qualifier. Il s'agit en fait d'un duo batterie guitare/chant. Le batteur au look androgyne est plutôt efficace. Il commence à frapper tandis que le guitariste aligne quelques accords en s'amusant avec une armée d'effets. Et puis soudainement, sans crier gare, ou plutôt si, ce dernier se met à « chanter ». Certes, le metal ne se veut pas toujours mélodique, mais une troisième note sur la partition du set entier eut été forte intéressante. Les hurlements de cet enfant maltraité sont tout simplement insupportables. A côté, James LaBrie passe pour un chanteur de gospel, c'est pour dire... C'est vraiment dommage car, mis à part le chant, le groupe propose une bonne puissance sonore et une originalité dans la composition grâce à des effets très travaillés et variés.

 

Bagarre !!!

Nouvelle fouille anti chewing-gum (si si je vous assure) et me revoilà dans le mythique Electric Ballroom. Je me faufile jusqu'au petit escalier face à la scène d'où j'ai une bonne vision des événements tout en évitant de perdre mes dents. Kvelertak s'installe dans le noir complet avec l'intro de Åpenbaring (extrait de Meir, le dernier album) comme fond sonore. Erlend Hjelvik, le frontman, apparaît coiffé d'un hibou aux yeux oranges fluorescents qui brillent dans l'obscurité. L'armée norvégienne s'apprête à attaquer l'Angleterre ! Les trois guitaristes et le bassiste, rangés de façon militaire, mitraillent de riffs une salle qui a depuis quelques heures déjà, perdu tout contrôle. Le chanteur au look de Viking (torse tatoué, barbe de plusieurs lunes, cheveux longs et sales) se laisse envoûter par l'ambiance. Il est régulièrement repris en chœur par deux autres collègues. Autant dire qu'il y va de la puissance et de la présence, tant sur scène que dans les oreilles. Kvelertak prend d'assaut l'Electric Ballroom et ne lui accorde aucun répit. Le set s'enchaîne violemment. Il est ponctué par les « whou » très expressifs et les incartades du frontman pour qui aborder un drakkar et animer un concert sont du pareil au même. Erlend Hjelvik se met enfin à marcher sur le public tel Jésus sur les eaux, assénant des paroles en norvégien dans le texte. La légende est en route ! Adoubés à raison par Lars Ulrich ou Dave Grohl, les Scandinaves ont retourné l'Electric Ballroom de leur heavy sans concession à la Baroness ou Mastodon. Si les enregistrements étaient déjà très très bons, l'expérience live se hisse bien haut sur l'échelle de la qualité et du plaisir.

Voilà, ce sera tout pour aujourd'hui. L'épuisement émotionnel et auditif étant à son paroxysme, il est temps de se poser un peu. Enfin, pas trop loin d'une tireuse non plus...

Crédits photos : Patrick Baleydier

Journaliste - rédactrice, à l’affût des nouveautés rockailleuses venues du désert et d'ailleurs...

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