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Year of No Light - Tocsin (2013)

Portrait de baktelraalis
Year of No Light - Tocsin (2013)

Que de chemin parcouru pour les Français de Year of No Light. Sept ans après l'excellent et désormais classique Nord - qui rappelons-le comportait à l'époque Julien Perez au chant - puis trois ans après Ausserwelt, émanation sonore de la nouvelle métamorphose purement instrumentale du groupe avec l'ajout de Shiran (MONARCH!, Gasmask Terror) et Mathieu (Aeroflôt), le tout parsemé entre temps d'une multitudes de splits et EPs avec des groupes tels que Thisquietarmy, Mars Red Sky ou Altar of Plagues, entre autres; le groupe revient en nous emportant avec Tocsin dans une nouvelle traversée aussi profonde que singulière.

Une année sans surprises

Rentrons dans le vif du sujet. Le style de musique auquel s'apparente Year of No Light, le post-metal instrumental aux accents doom, se retrouve touché des mêmes maux que d'autres styles (vous avez dit Post-rock?).

Abondance de groupes (merci Bandcamp...), puis forcément saturation, projets tièdes et albums aussitôt écoutés aussitôt oubliés se succèdent ces derniers temps me concernant, et en particulier dans cette mouvance.

Face à un auditeur dans ma position, le défi pour Year of No Light était là. Réussir à développer sa propre aura au sein de cet énorme puits de sons qu'est devenu Internet, et qui dans la "scène" et cette année en particulier proposait aussi foule de nouveaux albums, je pense par exemple à des projets comme Rosetta, Cult of Luna, Russian Circles ou The Ocean. Mais aussi et surtout poser sereinement la prochaine pierre sur le chemin d'une discographie qui lui est propre, après le très monolithique Ausserwelt.

Évidemment, vous me direz qu'effectuer ces comparaisons précédentes, ces raccourcis d’indexage est un peu simpliste et je vous répondrai que ce n'est pas totalement faux. Pourquoi ? Parce que Year of No Light s'affirme depuis quelques années comme tout, sauf un groupe aussi facile à cataloguer, et ce n'est pas Tocsin qui me fera me contredire.

 

Et l'album alors ?

Dès le premier et éponyme morceau le groupe prend le temps, soit presque un quart d'heure, afin de poser le décor.

Jusque là, rien d'inhabituel : intro à base de clavier envoûtant, guitares résonnantes et mélancoliques sur fond de percussions soudainement brisées par cette désormais familière lourdeur transcendantale Doomesque.

Cyclique la musique du groupe ne m'a, dès lors, jamais parue aussi bien aménagée, évitant les pièges d'une musique prolongée ça et là pour rien, car ici, tout semble intelligemment dosé et capital au périple.

Toujours pris dans le tintinnabulement du lourd Tocsin, je me retrouve à mi-chemin, transpercé par une mélodie à la guitare. Aigüe, captivante, entêtante même, qui a toujours été un des points forts du groupe, qui donne une hauteur si capitale à des compositions qui pourraient devenir très vite assommantes. Il n'en est rien pour le moment.

La suite ne donne pas l'occasion de s'assoupir, la gueule encore enfarinée par ce premier morceau, Géhenne lâche les reines de la composition la plus soutenue rythmiquement de l'album. Agrémentée là encore d'une mélodie qui aurait autant envie de faire bouger la tête que le corps entier, les batteurs se déchaînant désormais sur ce qui sonne comme des blasts. Et puis toujours et encore cette guitare, ce fil d'Ariane, tantôt urgente, tantôt dansante, toujours grandiose disparaissant doucement dans une brume synthétique.

Que vient-il de se passer ?  Aucune réponse à ma question, ou seulement les cuivres du morceau Désolation, soutenu par un riff crystalin, qui en fera sans aucun doute la meilleure introduction de l'album... à vous en faire vibrer l'échine.

Langoureuse est la désolation que nous peint ici le groupe. Valse fantômatique entre graves et aigües sur fin en decrescendo, comme jamais, le sextet, il n'y a ici pas d'autres mots, continue de livrer une musique dépassant de loin tous les carcans de ce que l'on pourrait appeler post-metal... ou tout ce que vous voulez d’ailleurs.

L’album, de manière inexorable avance, et le cosmique Stella Rectrix s'offre à nous avec ses 12 minutes de mix à base de synthétiseurs analogiques et de guitares doom me rappelant les frasques de projets comme Löbo (projet electro/doom portugais) puis de cuivres appuyant cet aspect cinématographico-contemplatif qui pourraient désormais presque me rappeler une autre fierté nationale : Ez3kiel. Oui.

Apothéose hypnotique et détonnante d’un quart d’heure, Alamüt vient clore, certes avec un peu moins de panache musical que les précédents morceaux, le chapitre de cette oeuvre qui transcende les sons, les images et l'art en général débouchant sur une création inspirée, à la narration travaillée, concoctée à partir d'influences foisonnantes.

 

Un album clair-obscur

Year of No Light semble avec Tocsin maîtriser désormais tout le potentiel musical de son lineup. Inspiré comme jamais, exigeant avec leur musique, ils livrent un opus qui bat en tout point son prédécesseur Ausserwelt tant les raffinements, les contrastes et la narration instrumentale vont à l'essentiel, sans longueurs inutiles et toujours avec des points d'accroches mélodiques efficaces, si importants, permettant de ne jamais tomber dans une overdose de lourdeur qui deviendrait alors léthargique. Un équilibre que bien des projets ont du mal à trouver aujourd'hui.

Tocsin est certainement l'un des albums de l'année 2013 pour tous ceux qui apprécient ce que l'on ne nomme pas assez souvent le "thinking man's metal", ou plus simplement : la "thinking man's music".

Year of No Light - Tocsin (2013)
Year of No Light
Tocsin
Tocsin
Géhenne
Désolation
Stella Rectrix
Alamüt
Baktelraalis
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