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Vision of Disorder - The cursed remain cursed (2012)

Portrait de DMDFC
Vision of Disorder - The cursed remain cursed (2012)

Issu de la prolifique scène hardcore américaine des années 90, Vision Of Disorder s’était éteint à l’aube des années 2000 comme beaucoup d’autres. Après 6 ans d’hésitations, le quintet de Long Island revient avec du concret : son premier album en 11 ans.

Vision Of Disorder incarne un certain âge d’or du hardcore, alors divisé en deux écoles. D’un côté, des groupes allant de plus en plus loin en termes d’influences, d’idées, externalisant les sonorités et les plans en allant piocher aussi bien du côté du grind que du trash, du death que du prog ou du math rock. Les noms ? Botch, Kiss It Goodbye, Dragbody, Cave In, Coalesce, Converge, Breach, quasi tous vivants entre 95 et 2003 (à la louche). De l’autre, des groupes peut-être plus classiques dans leur approche mais qui, en maintenant un certain héritage, ont également su aller piocher dans d’autres registres, sans oublier de faire valoir un certain groove, en évitant le chaos total et une certaine démesure. Les noms ? Snapcase, Turmoil, Bloodlet, Indecision, Kickback, Strife… et Vision Of Disorder, quasi tous vivants entre 95 et 2003 (à la louche). Le début des années 2000 a engendré un grand ménage là-dedans, certains raccrochant définitivement, d’autres se concentrant alors sur des formes dont la popularité grandissait à vue d’œil, comme le sludge, dans d’autres formations - Mention spéciale à Dragbody qui avait freiné son activité grâce à l’emploi du temps chargé de son guitariste, puisque tenancier de la 6 cordes pour Britney en live. 

C’est en plein milieu des années 90 que le groupe de Long Island commence à faire parler de lui avec un premier album qui se distingue sur plusieurs points. Derrière une pochette des plus étranges et une typo qui ferait plus penser à un album de techno d’époque (enfin je crois) le groupe exécute sans aucune difficulté un hardcore à relent métallique audacieux, porté par des techniciens appliqués et, surtout, la voix impeccable de Tim Williams, qui sait alterner voix claire et chant hurlé avec une maîtrise et une classe remarquable. C’est en 98 que le groupe pliera en quelques jours chez Dave Sardy (Barkmarket) son album le plus réussi, Imprint, qui pousse encore plus loin les élans metal, en renforçant la violence du propos, sans jamais tomber dans le chaotique total et en assurant toujours une dose de chant clair impeccablement maîtrisé, signant par la même occasion ses plus beaux morceaux (Jada Bloom). Après avoir ré-enregistré leurs premiers morceaux pour une compilation, VOD signe son dernier album, From Bliss to Devastation, incompréhensible pour les fanatiques hardcore, plus ou moins accepté chez les admirateurs du groupe, et plutôt mal soutenu à l’époque (presse sceptique, tournée européenne annulée suite au 11 septembre…). Un an plus tard, en 2002, Williams et Kennedy (guitare) s’en vont former Bloodsimple et annoncent VOD en « pause ».

En 2006, les mecs font quelques concerts : d’abord quelques morceaux alors que Bloodsimple et Karnov (avec Cohen, le batteur) partagent la scène, puis décident de donner de véritables shows - dont celui qui finira par être édité sur le DVD longtemps attendu, Dead In NYC. En 2008 le groupe s’annonce de retour, tourne un an plus tard en Europe (en fait, en Angleterre et au Hellfest) et se dit en train de composer. Il aura donc fallu attendre 6 ans entre les balbutiements de ce retour et la publication de ce 4ème album, et 11 ans avant de revoir VOD définitivement comme un groupe effectivement vivant.

11 ans, c’est colossal en musique. A l’époque, on choppait difficilement un morceau sur Napster, on ne connassait rien au metalcore médiocre, le sludge est un sous genre nostalgique. Une absence pendant laquelle les princes du hardcore metal n’auront pas pu profiter du travail fourni depuis le début des années 90 et qui aurait pu les propulser tout en haut, un peu comme Glassjaw. Tout simplement parce que VOD a inventé une formule qui a fait de nombreux émules, et ils ont été pillé par de trop nombreux groupes qui n’avaient ni la classe ni le savoir-faire de ces anciens gamins de Long Island. Oui, on leur doit Killswitch Engage ou des merdes comme Attack Attack. Mais c’est involontaire. L’accident bête.

11 ans et à vrai dire, The Cursed remain Cursed sonne comme le chainon manquant entre Imprint (98), la fureur absolue, la rage, les breaks improbables, et For The Bleeders (la compil de 99), une certaine idée du hardcore renouvellé, groovy, plus sobre, tout en esquissant quelques relents de From Bliss To Devastation. Vision Of Disorder a quitté ses élans de chansons classiques aux lentes et lourdes mélodies, pour revenir vers une certaine hystérie, celle qui hante les moshpits du monde entier. Multipliant les breaks, les changements de rythmes, les alternances de violence auditive et d’accalmie lourdes. Brendon Cohen demeure après 11 ans un des batteurs les plus efficaces et puissants de cette scène, assurant avec une certaine sobriété les roulements et breaks qui avaient fait de VOD une machine de guerre rythmique. Fleischmann sait toujours aussi bien imposer ses 4 cordes au milieu de la folie VOD, lignes impeccables et sons chaleureux mais agressifs (l’intro de «Hard Times», superbe de lourdeur). Les guitaristes, Baumbach et Kennedy, se retrouvent à coller des riffs assassins comme à la grande époque, ici aussi brillamment articulés par des cassures en tout genre, venant structurer des morceaux où la simplicité semble se dérouler uniquement dans la multiplication d’accident, sans pour autant alourdir et empêcher la « lecture ». VOD reste un grand groupe, et de sérieux techniciens couplés à de bons compositeurs. Tim Williams ne met par longtemps avant d’imposer la touche finale et de rassurer : ses lignes de chant clair sont absolument toutes maîtrisées, venant fendre les hurlements sur-puissans d’une teinte singulière, entre new wave et rock (grunge ?) complètement égaré mais nécessaire au milieu du déluge haineux. Entre les salves de guerrier, Vision Of Disorder relâche, en apparence, la pression sur quelques morceaux, comme sur « Skullz Out », qui commence comme une version teigneuse d’Alice In Chains. Mais adieux les longues sorties blues psychédéliques qui habitaient la seconde moitié de leur précédent album. Concision.

Une concision qui colle parfaitement à l’esprit que dégage l’album : il est le retour hardcore du groupe, il est ramassé, vif. Mais malgré de grandes qualités qui feront de l’enregistrement probablement un disque apprécié des fanatiques du groupe, il ne dispose pas (encore ?) de la grandeur du mythique Imprint. La faute en partie à une production manquant cruellement de viande et de vie, enlevant les rondeurs et les excès de gras. La batterie ne déborde jamais, la basse ne ronfle pas en dehors de son terrain de jeu (qui est déjà extrêmement limité, préparez les EQ de votre ampli) et les guitares, incisives à l’extrême, ne vont jamais ramoner dans le bas, là où le quintet nous avait déjà sévèrement habitué à des passages où le chaos du propos était soutenu par un son massif et obsédant.

Vision of Disorder - The cursed remain cursed (2012)
Vision of Disorder
The Cursed Remain Cursed
Loveless
Set To Fail
Blood Red Sun
Hard Times
Annihilator
Skullz Out
The Enemy
The Seventh Circle
New Order Of Ages
Be Up On It
Heart And Soul
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