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Kerridge - A Fallen Empire (2013)
« Un soldat est un esclave en uniforme ». Celui de l'Anglais Samuel Kerridge ? Un petit ensemble pantalon/polo noir intégral. Ses maîtres ? Le beat sale et les ambiances plus lourdes que tous les chars KV produits par l'armée russe pendant la seconde guerre mondiale. Sous ses ordres ? Laptop, claviers maîtres et autres tables de mixage, prêts à s'engager dans une guerre éclaire avec n'importe quel système auditif un peu trop curieux.
Visiblement détecté sur les radars seulement depuis la fin 2012, Kerridge nous a assené discretos fin de l'année dernière son premier album A Fallen Empire, un LP mélangeant autant des influences techno, indus, noise, drone que quasi doom, enregistré en 3/4 mois à Berlin, en hiver, alors qu'il déprimait "un peu". *rire nerveux*
En entrevue, Kerridge est clair, sa musique est pensée sur l'impact qu'elle peut avoir en club. Et ce n'est absolument pas la première chose que j'aurais pu croire à l'écoute de A Fallen Empire tant l'univers autant graphique que sonore dépeint plutôt à mes oreilles un immense corpus autour de la mort, de la guerre et plus globalement de la destruction.
Tiens d'ailleurs c'est peut-être un préjugé de ma part. En quoi cette musique n'aurait pas sa place dans un club ? Une question posée aussi récemment dans un autre style et d'une autre manière par Nicolas Jaar.
Mais revenons à l'album. Je l'avoue d'emblée, rares sont ceux qui me marquent et sur lesquels je reviens de la sorte ces derniers temps. Sur la pochette, une photographie encadrée d'un soldat visiblement touché à la gorge en train de s'effondrer. La mise en place graphique est simple, limite stricte, rappelant un type de pochettes à la Vatican Shadow.
Je lance les hostilités et les premiers morceaux initient la bataille avec des nappes inquiétantes, des bourdonnements lourds et sourds, comme des samples de bombardements mis en musique, ordonnés : c'est glauque, lourd mais étonnamment très accrocheur.
Les titres s'enchaînent, avec A2 Poor Mans Sunset un muezzin inquiétant sous reverb', sur fond de distorsion parasitée accentue le sentiment d'être dans un des tableaux d'horreurs que les médias occidentaux peuvent nous sortir depuis des lunes. Sauf qu'ici une chose est claire : impossible de s'endormir devant.
Kerridge continue, tambours martiaux en avant sur C1 Straight to Hell, rappelant vaguement un Karjalan Sissit moins orchestral, en véritable rouleau compresseur dans le noir bordel qu'est désormais devenu mon encéphale.
La charge continue encore plus fortement quand C2 Scare Tactics se fera l'hymne des plus beaux moments de guerre psychologique dans l'histoire de l'humanité avec ses mortifères clappements de mains sur fond de beats sur-pesant. Comme une sorte de Lustmord dansant (ces sons en arrière-plan typique du maître), avec un break à vous en faire perdre toute sanité.
L'album touche à sa fin, D1. Heavy Metal place son rythme hypnotique autour d'un sample de roues de wagon vide qui tape les rails, les nappes métalliques s'agrègent et je ne sais plus vraiment où je suis censé arriver.
Des tracts aux textes impératifs innondent ma chambre alors que tape le morceau D2. Disgust, j'abdique.
Kerridge réussit à me soumettre en un album aussi monolithique qu'accrocheur, avec sa recette agrégeant, au sein d'un album résolument électronique, techno sale et ambiance industrielle pesante.
Un must-have.
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