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The Great Old Ones - Tekeli-li (2014)
« Je ne suis pas fou… » Le mantra des narrateurs des récits lovecraftiens est connu. Sommités scientifiques pour la plupart, ils incarnent la raison au sens fort d’un positivisme omniscient. Quoi qu’il ait eu devant les yeux, difficile de lui reprocher d’affabuler. « Une porte nouvelle sur les secrets de la terre profonde et les éternités disparues » ? Je ne suis pas fou. Des « montagnes hallucinées dont les versants plus lointains veill[ent] sur quelque abysse maudit » ? Je ne suis pas fou.
Il faut être écrivain pour se formaliser de l’indicible, les musiciens n’en ont cure. En 2012, les Bordelais de The Great Old Ones engageaient leur black metal sous les auspices lovecraftiens. Il en résulta le très intéressant Al-Azif, consacré à l’éminente figure d’Abdul Alhazred, auteur du célébrissime Nécronomicon. Changement d’élément pour leur nouvel opus (après les étendues désertiques brûlantes, place à l’Antarctique) : le groupe investit Les Montagnes Hallucinées, chef-d’œuvre lovecraftien entre les chefs-d’œuvre. L’appropriation est quasi parfaite. Attention Masterpiece.
S’il est déroutant, voire frustrant d’avoir affaire à une pièce de spoken word (la susnommée « Je ne suis pas fou ») en guise d’introduction d’album, une petite écoute supplémentaire devrait dissiper la déception : Tekeli-li est une composition d’ensemble, une pièce en plusieurs actes avec un sens aigu de la dramaturgie. Rien ne manque : ni la voix inspirée recontextualisant le récit ni la section rythmique se faisant fort d’emprunter sa force aux puissances stellaires et telluriques de leur sujet. Du grand art, souvent violent, parfois très subtil comme ces arpèges égrenés, les uns au piano dans « The Elder Things », les autres à la guitare dans le très bel instrumental « The Ascend ».
Ineffables impressions que celles donnant à voir ces « montagnes du délire ». Tekeli-li ? « Un mot d’une signification inconnue mais terrible et prodigieuse, lié à l’Antarctique, et que crient éternellement les gigantesques oiseaux d’un blanc de neige fantomatique, au cœur de cette région maléfique : « Tekeli-li ! Tekeli-li ! » » Voyage dans le grand nord à ne pas rater. La curiosité finira bien par l’emporter sur l’angoisse.
Tous les passages sont tirés des Montagnes Hallucinées, Lovecraft, traduction Simone Lamblin.
J'aime les chats roux, les pandas roux, Josh Homme et Jessica Chastain. |
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