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Rétrospective - 108 : Passion & Dévotion
Après la fin de Resurection et d’Inside Out (plus connu pour être le premier groupe de Zack de la Rocha), le bassiste Vic DiCara (Inside Out) et le chanteur Robert Fish accompagné du guitariste Dan Hornacker (Ressurection) fondèrent 108, l’un des groupes les plus reconnus de ce que l’on a appelé à postériori le krishnacore, la rencontre de la philosophie krishna et du hardcore.
Bien que la rencontre de la religion Hare Krishna et du Hardcore semblent improbables, les deux ont en réalité toujours coexisté. Déjà avec John Joseph et Harley Flanagan, les Cro-Mags avaient en leur sein deux personnes sensibles à la culture Krishna (Helb, 2015). Pour mieux comprendre cette proximité, il faut d’abord prendre en compte que des dévots de cette religion servaient de la nourriture gratuite non loin de la salle de concert CBGBs où se développa la scène hardcore new yorkaise. A partir de là, il n’y a rien de surprenant à ce que des gamins des rues aient pu discuter de cette religion tout en se rassasiant. (Brannon dans Dines, 2013).
Ensuite, le mouvement straight-edge possède des similarités avec la religion Hare Krishna. Les règles introduites par le straight-edge, comme la non-promiscuité sexuelle, le refus de la consommation de drogue, le refus de manger de la viande se retrouvent dans la religion Hare Krishna. Déjà conquis à la cause d’un mode de vie sain, il en aura sûrement fallu peu pour que conquis par le mouvement straight edge, des fans de hardcore voient dans la religion Hare Krishna un moyen d’explorer des questions philosophiques au sein d’une religion dotée d’un « cadre scientifique, philosophique et théologique » (Dines, 2013).
Convertis à la cause, l’ex. Inside Out et les ex. Ressurection mêlèrent leur passion musicale et leur nouveau choix de vie à « une véritable alternative, une véritable révolution » (Robert Fish dans l’introduction de Holy name au début de One path for me through destiny). Avec leur retour annoncé sur les planches pour l’année prochaine, c’est l’occasion de passer en revue la discographie d’un groupe mythique.
Holyname (1993)
Trois ans après la sortie du premier Shelter, 108 sort son premier album sur le label de Ray Cappo, Equal Vision, d’abord dédié aux groupes de krishnacore pendant deux ans avant de s’ouvrir à d’autres groupes. Les titres sont très courts et s’enchainent si vite qu’on a du mal à voir où ils se terminent et commencent. Qu’importe, car le chant de Robert Fish, à mi-chemin entre le cri punk et le chant religieux, donne l’impression d’écouter une séance religieuse animée par un groupe de punk. Il y a toutefois un peu plus que du Minor Threat et du Black Flag chez 108 car avec le départ en trombe du guitariste et ses accords étranges on pourrait presque croire qu’on a lancé à la place un album de Voivod.
Songs of Separation (1995)
Dès l’introduction, la différence est marquée avec le premier album. Le son est puissant, les instruments sont beaucoup moins dispersés, accords post-hardcore mais chant toujours aussi possédé. Robert Fish continue d’explorer sa relation avec Krishna avec une large palette d’émotions et le groupe de parcourir le spectre d’influences, du hardcore galopant au ralentissement introspectif, et cela dans une même chanson (Nonenomore). Les musiciens de 108 sont enfin en accord parfait avec la versatilité de leur chanteur et proposent une musique aussi riche et chargée en dévotion que la voix de leur chanteur.
Threefold Misery (1996)
Retour un an plus tard avec une production beaucoup plus live et un son plus agressif. L’imagination de 108 déborde et semble sans limite. Le groupe fait du hardcore un jouet et l’envoit valser dans toutes les directions de chansons en chansons. Toujours aussi forte en émotions, autant dans la voix que dans les mélodies, la musique de 108 continue de suinter la dévotion tant chaque titre pue autant la sincérité que la sueur. Chaque titre de Threefold misery est un raz-de-marée qui emporte l’auditeur par son intensité. Pas question de bonne vibration, juste d’humanité et d’émotion. Colère, amour, regret, joie, tout est là.
One Path For Me Through Destiny (1997)
Troisième album de suite et conclusion de la première partie de la vie de 108 avec un album live. Le son est tout à fait correct et la passion des musiciens se ressent très bien dès le premier titre. La voix de Robert Fish est plus criarde que sur disque mais possède néanmoins un timbre unique. Tous les instruments se font entendre clairement sans efforts, permettant ainsi d’entendre les lignes de basse de Vic DiCara. Le groupe interprète d’ailleurs en toute fin de disque une reprise de No spiritual surrender de son ancien groupe.
A New Beat From a Dead Heart (2007)
Dix ans plus tard, 108 fait son retour après sa séparation. Dès le premier morceau, on retrouve le 108 de la grande époque de Songs of separation et Threefold misery. Si le groupe avait peut-être perdu foi dans le hardcore, ils n’ont visiblement pas perdu une goutte de dévotion à leur croyance et le prouve avec des chansons possédées par la même puissance émotionnelle. Un sentiment d’urgence possède le disque et on sent pousser l’envie de faire usage de tout son corps pour célébrer le plaisir d’écouter une musique aussi vivante. A new beat from a dead heart réintroduit le groupe à un nouveau public sans que rien dans leur musique ne sonne daté ou dépassé, et rappelle aux vieux fans pourquoi 108 était, et est toujours, un groupe exceptionnel.
108 – 18.61 (2010)
Un peu plus dézingué, un peu plus expérimental, peut-être même encore plus religieux, 108 pousse tout à son paroxysme sur ce dernier album studio (dernier en date ?). Presque aucun effet studio, juste du live joué à fleur de peau et de l’électricité dans l’air entre tous les membres du groupe. La basse domine presque le jeu par rapport à la guitare tant les lignes de basse grésillent avec plaisir. Les chansons s’enchainent avec rapidité comme sur Holyname mais la voix de Robert Fish est beaucoup plus claire. L’homme hurle moins mais n’en est pas moins expressif comme il le prouve sur le sublime morceau de conclusion, Early funeral où il psalmodie une sorte de mantra funéraire sur une mélodie jouée à la guitare acoustique. Ainsi, 18.61 montre de nouvelles facettes de 108, prouvant, si il y avait encore besoin de le faire, à quel point il est resté à jamais un groupe insaisissable.
Dines M., 2013. The sacralization of straightedge Punk : Bhakti-yoga, Nada Brahma and the divine received : Embodiement of Krishnacore in Institute of Contemporary Music Performance, London, UK. p. 147-156
Helb C., 2015. Hare Krishnacore – An introduction to the most impobable punk subculture ever in The Vinyl Factory.com. Accessible à : http://www.thevinylfactory.com/vinyl-factory-releases/hare-krishnacore-a... [Accéder le 22 Novembre 2015]
25/02/82, 1m80, à peine 60 kilos et élevé pour parcourir le macadam parisien de refuge en refuge jusqu'à son déménagement à Londres. Chroniqueur rock de 2004 à 2010 sur Eklektik-rock puis sur la fille du rock depuis 2010, bibliothécaire 2.0 depuis 2008, passionné de musique (metal, jazz, rap, electro …) et de comics. Ecrit aussi en anglais sur Delay and Distorsion (Chronique musicale). |
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