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Le Kraken + Les Guénilles + Devil Eyes + Tightrope 08/07/11 @ Sala Rossa, Montréal
C'était une grande soirée pour un mélomane maladif comme moi. Bien entendu, il y avait le majestueux passage de Bono et de ses quatre-vingts milles moutons qui se trémoussaient la poitrine à l'hippodrome de Montréal, tout cela à grands coups de bière à dix dollars le verre. Cependant, vous me connaissez trop bien pour savoir que mon excitation ne provenait pas de cet événement historiquement ridicule. Je frémissais plutôt à l'idée d'assister à l'un des lancements d'album les plus vilains de toute l'année. La scène francophone n'est habituellement pas très intéressante si l'on recherche un groupe qui ose chanter dans la sublime langue de Molière, mais Dieu a désormais choisi un élu qui peut réfuter l'absurdité que je viens de vous écrire. J'ai nommé Les Guenilles! Qui nous proposaient pour la première fois leur tout nouvel opus intelligemment nommé De Marde. Les jeux de mots émanaient d'un peu partout dans la salle et aussi dans les slogans promotionnels de la soirée. Disons simplement que le titre de cet album rendait la situation facile à exploiter.
Pour débuter ce fameux lancement d'album merdique, nous avions deux groupes locaux sur lesquels je ne m'éterniserai pas puisque je n'ai pas été séduit par ce qui s'offrait à moi. La première formation portait le joli nom de Tightrope, il y avait une charge émotive bien présente puisque c'était le dernier concert du guitariste J-F avec la formation. Pour faire une histoire courte, il fut un compatriote de premier plan dans le déroulement du concert de Vestiges que Pelecanus a organisé en début juillet. Je voulais alors lui rendre la pareille en assistant pour une première (et potentiellement dernière, à cause de son départ) fois à un concert de son groupe de punk/hardcore. Ironiquement, la formation montréalaise lançait son premier vinyle 7" éponyme lors de cette situation plus ou moins réjouissante. Avec un double lancement comme celui-là, je m'attendais à voir beaucoup plus de gens dans la salle. Malheureusement, Tightrope a débuté sa performance devant quelques dizaines de personnes seulement. Leur sonorité était extrêmement classique, on ne sortait que très peu des sentiers battus. Le résultat me replongeait dans les années 1990 et débuts 2000, lorsque je me levais chaque matin avec la seule intention de faire du skateboard. Je mettais tous les efforts nécessaires pour m'intégrer à leur musique, mais il n'y avait rien à faire… Je n'arrivais pas à réellement apprécier ce qui se déroulait devant moi. L'énergie était pourtant au rendez-vous, les guitaristes virevoltaient dans tous les sens en restant musicalement précis. Leurs courtes compositions étaient fréquemment coupées par des interventions maladroites du chanteur envers le public. Bref, il a réussi à dire vingt fois qu'un nouveau "7 pouces" était en vente à la table de marchandises, mais il n'a pas mentionné une seule fois le départ de son guitariste. Disons que son plan de marketing a totalement échoué avec moi, c'est la seule raison pour laquelle je ne l'ai pas acheté. Il ne faut pas prendre ses fans pour des idiots, nous avions rapidement compris que c'était le lancement de votre vinyle…
Une deuxième formation de style punk avait pour but de réchauffer la Sala Rossa. Cette fois, il s'agissait d'un trio anglophone exerçant une musique extrêmement déjantée. Devil Eyes m'avait, jusque-là, échappé dans ma couverture de la scène locale. Dès les premières notes, je savais que cette prestation allait me plaire davantage que celle de Tightrope. L'originalité de leurs compositions nous permettait de voyager entre des influences rock n' roll, punk et rock garage. Tout cela avec une dualité vocale efficace, mixant les chants criés féminins aux délires vocaux démoniaques du guitariste. Malheureusement, ils ont eux aussi été victimes du manque d'achalandage dans la salle de concert. Je crois que la majorité des spectateurs étaient francophones et ils n'avaient pratiquement rien à foutre de ce groupe anglophone montréalais… Décidément, cette dualité de langage me déprime encore une fois, puisque la plupart des gens préféraient rester fumer à l'extérieur durant la prestation du seul band anglo de la soirée, au lieu de prendre une bonne dose de musique dans la gueule. Je lève mon chapeau à Devil Eyes qui resta très professionnel et qui sembla s'amuser du début à la toute fin. Malgré le dernier morceau qui semblait interminable à cause d'un problème de batterie, je crois que le groupe à fourni un excellent effort et je me porterai volontaire pour aller voir leur prochain concert avec joie.
Malgré la bonne énergie de Devil Eyes, je sentais encore un manque dans la réussite de la soirée. Le gâteau avait du mal à lever comme on dirait ici au Québec… Il existe cependant une solution à toutes les soirées fades, vous aurez facilement deviné de quoi je parle. La seule présence des Guenilles sur scène nous faisait déjà oublier le début de soirée couci-couça. Avec leur attitude trash habituelle et une setlist d'enfer, les prochaines trente minutes allaient nous rendre sourd pour le reste du week-end. Le quatuor malpropre commença en lançant sa première brique intitulée Chier Sur L'Extasy, grand classique de leur avant-dernier album intitulé Aucun Album qui a vu le jour en juin 2010. Le son était favorable aux Guenilles comme je l'avais rarement entendu, les voix raisonnaient avec une rage exemplaire dans cette immense Sala Rossa qui commençait enfin à bien se remplir.
Nous avons ensuite eu droit à une combinaison gagnante tirée du nouveau disque De Marde, les morceaux Combinaison perdante et Les balles plus longues que l'un ont permis de créer le premier réel mouvement de foule de la soirée. Pendant que quelques hurluberlus se chamaillaient sur les riffs monstrueux de ses deux morceaux, j'avais de mon côté retrouvé la raison de ma présence dans cette salle. Les Guenilles ne sont définitivement pas à leur avantage dans une grande salle comme celle-ci, puisque la distance avec la foule crée un léger manque d'ambiance. Cependant, la puissance sonore se dégustait à pleine bouche et sans retenue. Après les avoir vus jouer une prestation aussi solide, je n'aurais pas de mal à les placer aux côtés de groupes cultes américains comme Black Cobra, Weedeater ou tout autre dérivé sludge/rock qui sont influencés par la drogue et l'alcool. Notre scène locale serait-elle en train de finalement voir le jour avec l'effervescence de groupe crasseux comme Dopethrone et Les Guenilles? C'est à souhaiter! Pour en revenir à leur lancement, c'était beau de voir le groupe enchainer une prestation aussi solide. À l'exception de la semi-balade Lendemain d'speed, que je trouve toujours difficile à apprécier, je dois avouer que tout se déroulait à merveille. Les douze pièces ont assommé littéralement l'auditoire et elle me donne déjà envie de les revoir en extérieur au Heavy MTL à la fin juillet. C'est un rendez-vous, Motörhead et Les Guenilles dans la même journée, pourquoi pas?
- Chier sur l'extasy
- Combinaison perdante
- Les balles plus longues que l'un
- Pas d'fond
- Suicide toé
- Trenchcoat scolaire
- Lendemain d'speed
- Fragile CUM
- Fuck CISM
- Fuis moé j'te tue
- Richard Blass et son douze
- Pu capa' de bander
La décision de ne pas mettre Les Guenilles en fin de concert me surprenait un peu, mais qui de mieux que les vétérans du Kraken pour venir clore cette soirée grasse et lourde en décibels? Le lien est bien évident à faire, puisque ce sont sans doute les deux seules formations vraiment lourdes qui osent chanter en français. Alors, cette réunion de puissances locales faisait amplement du sens à mes yeux. Malgré la dizaine de fois où j'ai pu voir le groupe, ceci est la première où j'ai la chance d'en faire une critique sur Pelecanus. Étonnement, ce fut l'une de leurs prestations où l'ambiance me plut le moins. La raison en était bien simple, Les Guenilles avaient vaincu tous leurs adversaires lors de cette soirée. Il n'y avait aucune chance pour Le Kraken de remonter la pente après une prestation comme la précédente. Le jeu de lumières dont le Kraken bénéficiait était malgré tout très sympathique et rendait le concert un peu plus sérieux et pesant que pour les trois premiers groupes (c'était sans doute un apport de Turbo Productions ou une nouveauté du Kraken lui-même… parce que l'on connait tous la Sala Rossa… Il n'y a aucun n'espoir d'avoir des lumières décentes dans cette salle).
Ceci étant dit, ce qui me fit apprécier Les Guenilles d'avantage pourrait provenir d'une autre cause. Pour la première fois, les nouvelles compositions du Kraken ne m'impressionnaient plus. Ils nous les servent depuis quelques concerts déjà, mais cette fois-ci, l'abondance de paroles saturait les compositions et les moments accrocheurs m'ont semblé presque inexistants. Est-ce que c'était simplement une mauvaise soirée pour mon cerveau? Qui sait, peut-être bien? Je dois quand même être patient et attendre que toutes ces nouveautés voient le jour en format audio (Bon dieu qu'on l'attend tous ce split avec Kingdom!). Je pourrai alors faire mon jugement final et apprendre les paroles et la structure des pièces. C'est sans doute ce manque de maitrise envers les nouveautés qui me fait apprécier d'avantage leur premier album Exalt paru en 2010. N'allez tout de même pas croire que la prestation était mauvaise, puisque c'est l'opinion d'une personne ayant beaucoup trop consommé de Kraken pour avoir un équilibre mental respectable. Au final, ce fut tout de même une bonne performance, mais je crois que le Kraken en trio manque d'un petit quelque chose, à vous d'en juger!
Chroniqueur montréalais pour Pelecanus depuis juin 2010 ayant participé à l'organisation de concerts ainsi qu'au défunt projet de webradio. |
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