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Chelsea Wolfe + A Dead Forest Index 18/11/2015 @ La Maroquinerie, Paris
Premier concert depuis les tragiques évènements récents. Dans le climat tendu qui règne, il est difficile de penser à autre chose, et ce ne sont ni les fleurs et bougies posées sur les fenêtres de la Maroquinerie, ni les mesures de sécurité drastiques mais rassurantes qui faciliteront la tâche. Mais la vie continue, et nous sommes nombreux à nous être réunis là pour s'oublier le temps d'une soirée dans l'univers mélancolique et rêveur de Chelsea Wolfe.
Mais avant ça, place à A Dead Forest Index. Premier constat : ce duo guitare-batterie néo-zélandais sonne assez différemment en live qu'en studio, avec des arrangements bien plus épurés et plus couverts par la reverb. Je ne sais pas s'il s'agit d'une contrainte technique ou si c'est un choix volontaire pour mieux s'accommoder à l'ambiance de Chelsea Wolfe, mais je dois avouer que ça fonctionne plutôt bien, même si pour ma part la sauce a surtout pris vers les trois derniers morceaux. Mention spéciale au dernier, composé uniquement d'un harmonium et des deux voix, non sans rappeler les prestations de CHVE, le projet solo du leader d'Amenra.
Pause, intro "musique classique" un chouilla trop longuette, et la demoiselle entre sur scène, précédée par ses musiciens, et tenant dans les mains un gros bouquet de fleurs, qu'elle déposera à ses pieds. Je dois avouer que malgré le nombre de concerts auxquels j'ai assisté dans ma vie, je ne me suis pas souvent posé la question de l'odeur pendant qu'un groupe joue à deux mètres devant toi. Ça sent quoi un concert, d'ailleurs ? Et bien, en y réfléchissant bien, je me rappelle qu'un concert de Converge ça sent la sueur et qu'un concert de Wolves in the Throne Room, ça sent les lampes à pétrole. Ce soir, le concert sentira les lys.
Mais ce n'est pas pour autant que la musique en sera plus douce. Car le premier morceau qui raisonnera dans nos oreilles sera le massif « Carrion Flowers ». Vous savez, il y a des soirs où il suffit de deux notes pour se rendre compte qu'on va vivre quelque chose de grand ? C'est le cas ce soir. Tous les morceaux de Abyss (que je trouvais pourtant de loin moins bon que l'album précédent, Pain is Beauty) semblent être taillés pour le live, et on se retrouve à se prendre claque après claque, entre les guitares noyées dans la fuzz, un bassiste déchainé et un batteur martelant ses futs avec une précision exemplaire et une violence rare. Mais tout n'est pas violence pour autant, puisque la douce voix de la chanteuse arrive quand même à percer entre toutes ces déflagrations. Et là aussi, c'est un sans-fautes. Je dois avouer que les annulations de dates récentes pour des soucis de voix me faisaient un peu peur pour la performance de ce soir, mais je ne trouve absolument rien à redire, on frôle la qualité studio d'on ne peut plus près. Mention spéciale aux incroyables « After The Fall », « Maw » et « Survive », à la fois très douces et incroyablement heavy.
Nous voilà vers le milieu du set (précisément sur l'excellente « House of Metal »), Chelsea pose sa guitare pour se consacrer au micro, et profite d'un passage calme pour prendre son bouquet de fleurs et le distribuer aux premiers rangs, un grand sourire sincère aux lèvres. Je ne sais pas s'il s'agit d'un geste de soutien, d'un nouveau rituel de tournée ou d'une improvisation, mais la conséquence de ce geste à mon goût très touchant, c'est que l'odeur des fleurs est désormais omniprésente, et ce jusqu'à la fin du set.
Au final, le morceau le plus faible du set sera « We Hit A Wall » (pourtant l'un de mes préférés de l'album précédent), et je resterai sans voix (et sans oreilles) après le dernier morceau du rappel, « Pale on Pale ». Comme tous les petits malins impatients, j'ai évidemment regardé les setlists des concerts précédents pour savoir à quoi m'attendre, et étais plutôt déçu par le choix de ce morceau, à mon gout l'un des plus faibles d'Apokalypsis. Qu'est-ce que j'avais tort... Le morceau commence de façon tout à fait normale, puis au lieu de s'arrêter comme sur album, se voit continuer en montant sans cesse d'intensité, jusqu'a déferler dans un chaos bruitiste assourdissant, avec un batteur à deux doigts de faire des blast beats et une Chelsea recroquevillée sur ces pédales.
J'en viens donc à un dernier point important à mon goût : l'évolution de l'artiste. Pour ma part, j'ai trouvé cette progression assez hallucinante : il y a deux ans, en première partie de Russian Circles, j'ai eu l'impression d'avoir vu une personne timide, se cachant derrière ses cheveux et noyant sa voix dans des tonnes de réverbe. Ce soir, j'ai vu une personne sûre d'elle et de son groupe, qui assume totalement son style, et assure des concerts qui méritent amplement l'appelation de "show". Prestation parfaite, voix impeccable, setlist qui m'aura fait totalement changer d'avis sur le dernier album en date, que dire de plus ? Et bien, je peux juste ajouter qu'à mon goût c'était l'un des meilleurs concerts de l'année, et que ça présage de bien belles choses pour la carrière de Chelsea Wolfe. Prochain passage à Paris : Trabendo ? Ou plus grand encore ?
Crédits photos : CSAOH / Andrey Kalinovsky
J'aime les ours, le whisky et les internets. |
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