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Tim Hecker 18/09/2015 @ Centre Phi, Montréal
La rentrée montréalaise s’accompagne comme à son habitude d’une multitude de shows tous plus alléchants les uns que les autres. A la mi-septembre, c’est le festival Pop Montréal qui régale, et il est bien difficile de faire un choix. Tandis qu’une partie de la rédaction choisit d’accompagner cette belle fin d'été de l’indus mythique de Godflesh, j’opte -après hésitation- pour l’ambient tout aussi légendaire d’une valeur sûre : Tim Hecker, et sa promesse d’un concert « immersif et sensoriel ».
Débarquée outre Atlantique un peu plus de 24h auparavant, je me dirige un peu embrumée vers le Centre Phi, le centre d’art qui accueille l’évènement. La ponctualité recommandée par les organisateurs est de mise, puisque Boha, en ouverture, débute son set à 20h pile. Annoncée dans une pièce séparée à la capacité ultra limitée, sa performance se tient en fait dans un genre de hall coincé entre deux portes, accolé au bar. Bel effet d’annonce pour si peu, juste de quoi patienter sur fond d’électro au goût de déjà vu.
La foule impatiente est ensuite dirigée vers la salle principale qui accueille Fog Works II, concert/concept de Tim Hecker présenté par les organisateurs comme une oeuvre expérimentale et unique (faisant écho à une précédente performance qui s’est déroulée au Musée d’art contemporain de Montréal en 2014) et dont vous serez - à la demande de l’artiste - privés de photo!
Reconnu par presse et public comme une référence en matière d’ambient drone, le Canadien joue de son mystère avec ses concerts présentés dans une obscurité totale. Le concept est ici poussé un peu plus loin, puisqu’on pénètre dans une vaporeuse ambiance de fumée colorée et odorante qui laisse à peine entrevoir les limites de la pièce. L’épaisse brume dans laquelle on avance est très vaguement embaumée d’une fragrance créée spécialement pour la musique de Tim Hecker par un parfumeur berlinois à l’occasion du festival Unsound de Cracovie. Des rangées de néons au plafond et quelques projecteurs alternent les nuances douces et enveloppantes, on circule à tâtons sans vraiment savoir où s’installer. Certains cherchent des yeux l’emplacement d’une scène, en vain, tandis que d’autres « instagramment » à foison ou ont déjà pris place, assis par terre ici et là. Nous finissons par faire de même, bien vite repris par les organisateurs qui nous invitent à nous lever pour permettre à tout le monde de rentrer dans la salle. Une fois les spectateurs réunis, les repères sont pris tant bien que mal : sans point d’ancrage où fixer son regard, on s’observe à demi en cherchant à créer son propre espace quand les premières basses se font ressentir.
Nous voila partis pour 45 minutes de drone ambient enveloppant, pris dans un maelström auditif dont Hecker a le secret. Ou l’art et la manière de faire naître d’une cacophonie de mélodies brisées une construction sonore inaltérable. Les compositions inédites présentées ce soir s’enchaînent sans temps mort, puisant allègrement dans les formes développées sur son dernier opus Virgins. Les thèmes d’orgue et de piano dissonants affrontent les nappes de basses, puis quelque part entre les explorations de frottements et de grincement en tous genres, on s’approche de l’acousmatique. Le Canadien maîtrise toute les strates de sa musique, abstraction complexe et parfois abrupte, mais n’est-ce pas ce à quoi on veut se confronter en allant voir un tel concert ?
Pour ce qui est de la qualité musicale et des paysages sonores, le contrat est rempli. Mais tout l’aspect multisensoriel et immersif qu’on nous a vendu n’était-il pas un peu de trop? A mon sens, et j’en ai eu confirmation ce soir, peu de projets de concerts insolites parviennent à apporter une réelle valeur ajoutée à l’expérience live. Peut-être le concept n’était-il pas assez jusqu’au boutiste pour s’apparenter à une oeuvre totale et immersive, où on aurait pu s’attendre à plus d’odeur, plus de fumée, un jeu de lumières plus travaillé, des matelas à terre pour un vrai travail sur la place du corps dans l’espace… Ou peut-être était-il simplement surfait, un peu de branlette intellectuelle et beaucoup de beaux mots pour finalement pas grand chose. Un bon vieux show classique de Maître Hecker, tous assis dans l’obscurité, aurait sans doute été tout aussi appréciable. Après tout, une musique d’une telle envergure se suffit à elle-même.
Je voulais travailler dans la culture mais ça marchait pas, alors pour tromper l'ennui j'allais voir des concerts puis j’écrivais des trucs. J'ai fini par trouver du boulot, mais j'ai continué à écrire. |
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