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Jucifer + Regarde les Hommes Tomber + Surtr 29/08/2013 @ Glazart, Paris
D’un avis partagé par beaucoup, c’était la soirée grand écart organisée par Stoned Gatherings. Doom traditionnel d’abord avec Surtr. Metal extrême futé avec Regarde les Hommes Tomber. Puis sludge lourdissime avec Jucifer. Pas de doute, le public devait en voir de toutes les couleurs. Enfin, surtout de gris foncé à noir fluo. Notez que ce concert avait la particularité d’opposer deux gloires nationales (puisque présentes toutes deux au Hellfest cette année) face à ce duo bien particulier qu’est Jucifer.
Horaire oblige, c’est dans un Glazart à moitié vide que les amplis de Surtr commencent à vrombir. Déjà repéré à Clisson, le trio avait alors ravi nos confrères de Radiometal, de Lagrosseradio.com et de VS-Webzine. Respectivement, les trois médias metöl auraient parlé d’un “excellent doom”, d’une “très bonne prestation” et d’une “maturité déconcertante”.
À Clisson, nous avions fait l’impasse. Mais en cette soirée du 29 août à Glazart, nous n’avons été nullement déconcertés par leur maturité.
Riffs pompeux, voix irritante à la limite de la justesse (même parfois carrément fausse), performance approximative et références scéniques de série B… C’est réussi : Surtr nous laisse aussi froids que la température de la pression du bar. En se forçant, on retient quelques mélodies engageantes. Mais elles sont vite rendues agaçantes à cause d’un unison voix-guitare trop récurrent. Le son des amplis n’est pas non plus à la hauteur de la légende. Au bout de deux chansons on en est certain : le groupe aurait difficilement pu prétendre à une autre place que la première partie. On a donc encore plus de mal à comprendre les bonnes critiques qui entourent Surtr…
…Mais la musique est affaire subjective, n’est-ce pas ?
Quoi qu’il en soit, quelques minutes ont suffi au trio - pourtant manifestement ravi de jouer ce soir - pour plonger une majorité de l’auditoire dans l’ennui profond. Et de remplir l’espace fumeurs, fatalement au moins aussi peuplé que le devant de la scène. Triste pour nos oreilles à l’intérieur, triste pour nos poumons à l’extérieur.
Regarde Les Hommes Poser
Mais la messe noire de la rentrée ne fait que commencer. Alors que le public semble avoir déjà oublié la première partie, Regarde Les Hommes Tomber lance son introduction. Le public se masse devant la scène. On note de très nombreux t-shirts RLHT avec ou sans veste à patches par-dessus, mélangeant les tribus de metalheads, de coreux ou encore de no looks. Il faut dire qu’ils sont attendus : armés d’un unique disque sorti cette année chez Les Acteurs de l’Ombre, le quintet nantais a su séduire par poignées, tout style de prédilection confondu.
Celui qui a déjà posé une oreille sur leur disque éponyme en sait quelque chose : leur infâme mélange marie sludge, postcore et de dissonances black métalliques à merveille. Mais comment font-ils pour réconcilier tant de chapelles musicales parfois contradictoires ? Voilà ce que confiait Jean-Jérôme, l’un des membres du groupe, à nos confrères du webzine québécois Boulevard Brutal :
« Je suis influencé par la musique que j’écoute, donc on s’est retrouvé avec un résultat final qui mélange tous les genres. On a une culture musicale assez étendue, on peut écouter du black, du death et j’écoute beaucoup de post-rock, qui est très différent du métal, beaucoup plus aérien. J’écoute aussi beaucoup de classique et ça donne Regarde Les Hommes Tomber. »
Vous en connaissez beaucoup, vous, des groupes de talent capables de tels grands écarts ? RLHT, ce n’est ni des pandas tristes accrochés à leur keu-bla, ni des sludgies trop occupés à couler des douilles, ni des posteux-hipsters trop fiers pour se considérer métalleux. C’est bien plus que ça.
La traduction live de cette musique hybride est forcément à la hauteur des passions qu’elle suscite. L’expression scénique, forcément, est abrasive. À commencer par le chanteur, souvent prostré et faisant dos au public, qui envoie des cris déchirants, oscillant souvent entre cri de guerre et torrent de lamentation. Dialectique de la haine sur fond de metal extrême.
Killer song > Killer riffs
Outre un sens du riff évident, RLHT fait littéralement décoller l’audience grâce à son talent à écrire de bonnes chansons – on l’a dit, on le martèle et on le hurlera s’il le faut encore et toujours - : ce n’est pas donné à tout le monde. Les développements sont tortueux et il n’est pas rare d’entendre se succéder dissonances arpégées, blastbeats épiques et breaks asphyxiés où la basse, alors, se fait reine.
Alors certes, on vous en avait déjà parlé, de Regarde Les Hommes Tomber. À nous lire, ils étaient l’une des plus belles démonstrations de force “cocorico” au Hellfest 2013. Et au risque de répéter les blagues, force est de constater qu’il n’y a pas que sous les chapiteaux de l’Ouest de la France qu’il est un plaisir de regarder les hommes tomber.
On retrouve quelques stoneux, habitués des Stoned Gatherings, à la terrasse de Glazart. Affairés à échanger sur les groupes qu’ils ont vus ce soir ou simplement à écluser les bières. Manifestement, RLHT a séduit. Plus manifestement encore, tout le monde a oublié Surtr.
Place au duo le plus apocalyptique qu’il nous ait été de voir sur scène : Jucifer. La page Wikipédia française les définit comme "un hybride de Portishead et Black Sabbath ou les Melvins". Mais qui a écrit ça ? Jucifer, sur scène, c’était – à la rigueur – un hybride de Bongripper, Hooded Menace et Nasum. Pour la musique. Pour l’effet ressenti, Jucifer est plutôt un hybride du rugissement que pousserait un imposant ancêtre préhistorique de l’éléphant lorsqu’il est contrarié, mélangé à celui que feraient ses innombrables victimes lorsqu’on l’aurait lâché dans un jardin d’enfants.
Sérieux. Eagle Twin, à côté, c’est tranquille.
Spirituel, violent et excitant
Voyez-vous, parfois ce n’est pas l’argent, ni la prospérité, ni même l’amour qui feront de cette planète un meilleur endroit où vivre. Un monde libéré de toute la cupidité, la vanité et le complexe d’infériorité qui définissent les pires travers de notre tendre humanité.
Parfois, la clé du bonheur réside dans une saturation de guitare si grasse et si basse en fréquences qu’elle captive d’emblée. Dans la frappe d’un batteur aux yeux convulsés par la transe à laquelle il soumet son esprit. Dans quelques accords rêches et flippés, aux dissonances crasses et baveuses. Dans la complicité de deux êtres déchaînant blasts et fatras comme seuls deux êtres qui s’aiment peuvent sans doute le faire.
Parmi les manifestations de mon entourage, du contraste. Les uns, paralysés, fixent la scène avec un mélange d’admiration et d’inquiétude, la lippe fendue dans un béat rictus. Les autres, galvanisés, secouent tête, poings et hanches. Jucifer déclenche d’ailleurs un mosh pit dans lequel seules une poignée de filles fait la loi (le sexe faible, hein ?).
Surréaliste
Soudain, le show, d’incroyable, vire surréaliste. Désespérément seul, un technicien de la salle de concert monte sur scène. Timidement, il demande vainement aux deux furieux qui mettent sa sono à feu et à sang de baisser le volume. Peine perdue. … et Ed le confiera plus tard à un organisateur des Stoned Gatherings : ils ne l’ont même pas remarqué.
C’est à ce moment-là, alors que Glazart tout entier vibre encore au rythme des écrasants riffs sludge et grind, que Mathieu [Monsieur Stoned Gatherings, ndr] se fraye un chemin parmi le public pour distribuer des bouchons d’oreille. On frémit d’imaginer l’insupportable acouphène qui doit encore hanter le crâne de ceux qui ont alors décliné l’offre.
Paradoxe. Comment un tel tapis de bombes déchaîné des amplis – monstrueux, au passage – peut-il tout autant susciter l’envie de s’échapper, l’envie de se battre et l’envie de baiser à la fois ? Jucifer élève le concert en véritable communion noire. En religion sonique. À la gloire du Larsen. Grâce aux prophètes des Stoned Gatherings. Sur l’autel de Glazart.
Ce monde a besoin d’un rouleau compresseur de son. J’en ai l’intime conviction.
Crédits vidéos : TZ7LIVE
Crédits photos : Andrey Kalinovsky / CSAOH.com
Affreux vilain metalhead incurable et rédac'chef |
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