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Plebeian Grandstand : "se réapproprier les outils du black-metal pour en faire une musique adulte"

Portrait de Mathieu
Plebeian Grandstand : "se réapproprier les outils du black-metal pour en faire une musique adulte"

Depuis son premier album, How hate is hard to define, Plebeian Grandstand a montré sa capacité à définir de mieux en mieux la haine qu’ils ressentent tout en brouillant les pistes vis-à-vis de leur identité. Plus black metal que les peinturlurés norvégiens, plus hardcore que ton oncle avec son bandana Madball, les Toulousains tracent une route qui leur est propre, sans regarder la concurrence, sans vouloir faire plus que les autres mais toujours mieux que leurs propres disques. Ivo et Olivier, respectivement batteur et bassiste du groupe depuis le deuxième album, ont accepté de répondre à quelques questions sur leur musique, ce que représente le black metal pour eux et comment continuer à assurer en tournée quand on met des blasts partout.

<--break->Comment présenterais-tu ton groupe à des gens qui n’ont aucune idée du genre de musique que vous faites ?

Olivier (basse) : On joue une musique pour les blasés du genre metal en général. On pousse le bouchon pour en sortir quelque chose de vraiment extrême, tout en gardant des atmosphères sombres.

Ivo (batterie) : Aux gens qui ont une culture metal, je dirais qu'on propose du metal extrême, sombre, dissonant, rapide et complexe. Aux autres, en général je dis qu'on fait de la musique d'horreur.

 

A vos débuts votre musique semblait plutôt influencée par Converge ou plus généralement par le hardcore chaotique mais aujourd’hui elle se situerait plus près de Deathspell Omega, ou du Black metal dit orthodoxe (plus conceptuel et moins caricatural). Qu’est-ce qui a motivé chez vous cette envie de prendre un tel virage ?

Ivo : Quand Simon m'a proposé le poste de batteur du groupe début 2013, je lui ai dit "écoute, je ressens trois facettes dans PG, un côté hardcore/chaos, un côté post hardcore/ambient, et un côté black metal/sombre. Si j'intègre le groupe, je vais pousser à fond dans le côté black, je vais foutre des blasts partout, c'est ça que j'ai envie de faire en ce moment". Et Simon m'a répondu "c'est parfait, ça colle très bien avec les maquettes que j'ai commencé à écrire". Donc ce n’est pas un virage d’influences. Nous écoutons tous de la musique extrême depuis très longtemps et nous en avons digéré les différents courants. C’est simplement un nouveau line-up, qui s’est forcément accompagné d’envies et de choses différentes à dire. Les outils ont changé, l’objectif artistique est resté le même.

 

Votre musique est musicalement influencée par le Black metal mais y a-t-il quelque chose dans l’esthétique du genre ou dans son histoire qui vous a intéressé ?

Ivo : L'imagerie du BM, la transgression, le satanisme, les meurtres, les églises brûlées, tout ça m'a marqué et m'a fasciné ... mais il y a 20 ans. Aujourd'hui, encore une fois, ce sont avant tout les outils techniques et artistiques développés et utilisés par un certain genre qui m'intéressent, pour les incorporer à ma trousse à outils de batteur et de compositeur. Je me sens très proche de la démarche de BLUT AUS NORD : se réapproprier les outils du BM pour en faire une musique adulte, et laisser de côté les aspects adolescents et "grand guignol". Les croix inversées et les corpse paint, ça n'impressionne plus grand monde, et tant mieux.

 

 

Avez-vous approché l’écriture et l’enregistrement de False high, true lows d’une manière différente par rapport à vos enregistrements précédents ?

Ivo : Pour l'écriture, oui. Notre précédent album "Lowgazers" a été écrit quasi-totalement par Simon, pour ce qui est des structures, des riffs et même pas mal de parties batterie. Pour "FHTL", je me suis cette fois beaucoup investi en tant que compositeur et parolier, donc le résultat et la couleur différente de cet album reflète la fusion de nos deux univers, de nos deux sensibilités. Pour ce qui est de l'enregistrement au contraire, on a fonctionné quasiment à l'identique par rapport à Lowgazers : de nouveau tout en "live" à part les chants, et avec Amaury Sauvé à la console, qui est un bon ami maintenant, en plus d'être un ingénieur son indiscutablement surdoué.

 

A l’image de sa pochette rouge pourpre, False high, true lows est un disque très cohérent animé par un jusqu’au-boutisme sonore. Avez-vous composé le disque en pensant à sa globalité ou juste écrit les morceaux individuellement ?

Ivo : Un peu des deux : chaque morceau est indépendant dans sa fonction artistique et dans l'histoire qu'il raconte, mais nous sommes restés très focalisés sur l'impact global de l'album et effectivement la cohérence. Nous voulions une intensité et une folie permanentes mais avec assez de musicalité et de pièges pour que cela soit intéressant et pas abrutissant. Nous avons jeté beaucoup de riffs et même parfois des morceaux entiers qui ne remplissaient pas ce cahier des charges.

 

Certains artistes dans le milieu Black metal considèrent que l’atmosphère des disques ne peut pas être reproduite sur scène. Vous vous êtes interrogé avant d’enregistrer le disque sur votre capacité à reproduire sur scène une musique aussi intense ?

Olivier : Question intéressante, je suis de ceux qui pensent que reproduire l'atmosphère d'un disque de BM est quasi impossible. Du fait que l'on sorte des carcans du BM traditionnel, que l'on aille dans une recherche d'agressivité et d'énergie en plus des mélodies et atmosphères, nous donne cet intérêt certain. On s'appuie autant sur nos influences hardcore que métal extrême.

Ivo : Ce n'est pas l'atmosphère qu'il s'agit ou non de reproduire, c'est l'expérience de l'auditeur. Calé chez soi, tranquille, tout seul, devant sa chaine hi-fi que l'on connait par cœur, ou debout dans une cave humide, tassé entre 100 barbus qui hurlent, dans une odeur de bière et de sueur, et avec un groupe qui joue à 115 dB, ça ne peut évidemment pas être la même expérience, indépendamment de la performance du groupe. Pour moi, sortir un disque et jouer live sont deux choses totalement différentes, comme le cinéma et le théâtre. L'un n'est pas la reproduction de l'autre. Je comprends très bien les groupes qui ne font jamais de live, ou au contraire les groupes qui composent des albums vite fait avec des riffs passe partout juste pour faire la grosse guerre sur scène. Il se trouve que nous, on accorde autant d'importance et donc de travail de préparation à l'un qu'à l'autre. 

 

L’un des aspects les plus remarquables du disque est l’intensité et la puissance du jeu de batterie, ressens-tu une difficulté à interpréter les morceaux du nouvel album en concert, et particulièrement à maintenir le rythme en tournée ?

Ivo : Merci du compliment. Non, je ne ressens pas de difficulté particulière, et ce pour plusieurs raisons. Premièrement, je travaille beaucoup mon instrument, spécialement avant les tournées ou les sessions studio. Deuxièmement, mon principal objectif en tournée est d'assurer sur scène. Faire la fête, picoler, ok, mais ce n'est pas prioritaire. Beaucoup de musiciens dans la scène rock-metal inversent ces deux priorités et finissent par faire des prestations de merde sous prétexte d'être "rock and roll". C'est puéril. Troisièmement, je m'intéresse beaucoup à la nutrition et je mange comme il faut. Ça, c'est parfois difficile en tournée, mais faisable. Enfin, je m'entraine beaucoup en jiujitsu brésilien, c'est un sport de combat très exigeant sur le plan physique, beaucoup plus que la batterie, donc je suis en bonne condition physique.

 

Vous aviez enregistré un long morceau très impressionnant pour votre split avec Cortez, avez-vous l’intention de renouveler l’expérience ?

Ivo : Nous sommes ouverts à l’utilisation de tout format, de tout instrument et de toute couleur pour exprimer notre message.

 

Vous aviez tourné en Angleterre avec Oblivionized mais malheureusement vous n’aviez pas pu jouer à Londres. Avez-vous l’intention de revenir en Angleterre et si possible à Londres ?

Ivo : Nous avons pris beaucoup de plaisir à tourner en Angleterre et nous y reviendrons si les conditions que l'on nous propose sont intéressantes. Le cas échéant, ce serait évidemment bien de jouer à Londres.

 

Avec quels artistes, en dehors de la musique, penses-tu que Plebeian Grandstand partage son esthétique ?

Ivo : Peut-être certains réalisateurs comme le Gaspar Noé de "Seul contre Tous", Denis Villeneuve, ou Charlie Brooker et sa série « Black Mirror ». Des gens qui montrent une violence urbaine et adulte.

Plebeian Grandstand : "se réapproprier les outils du black-metal pour en faire une musique adulte"
25/02/82, 1m80, à peine 60 kilos et élevé pour parcourir le macadam parisien de refuge en refuge jusqu'à son déménagement à Londres. Chroniqueur rock de 2004 à 2010 sur Eklektik-rock puis sur la fille du rock depuis 2010, bibliothécaire 2.0 depuis 2008, passionné de musique (metal, jazz, rap, electro …) et de comics. Ecrit aussi en anglais sur Delay and Distorsion (Chronique musicale).

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