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Isis : une nécrologie discographique par Aaron Turner

Portrait de baktelraalis
Isis : une nécrologie discographique par Aaron Turner

Trouvé sur Self-titledmag.com nous vous proposons aujourd'hui une retranscription française d'une rétrospective post-mortem (toujours dur à écrire) de la discographie d'Isis par Aaron Turner lui même. Prêt pour un voyage de 13 ans en arrière ? Crédit photo : Mattbooy<--break->

Mosquito Control (Escape Artist, 1998)

"Ré-écouter l'original me donnerait des frissons"

Notre troisième album en tant que groupe, les deux premiers étant une démo et ce que l'on peut considérer comme une démo de démo. Je pense que nous avons commencé à trouver notre style vocal sur Mosquito Control. Plus particulièrement, Life Under the Swatter nous a permis de trouver notre voie, où nous pourrions poser des riffs lourds, des schémas rythmiques complexes et des passages retenus.... C'est aussi le dernier album sur lequel jouent des membres de nos anciens line-ups et où l'on  trouve des morceaux joués ou écrits par eux. On y trouve également des petits trucs qui n'auraient pas été écrits si cela n'avait été pour ces personnes, et cela représente un ensemble de voix qui n'apparait plus sur les albums ultérieurs. L'enregistrer a dû prendre 3 ou 4 jours et coûter environ 600$. C'est dommage que nous n'ayons pas été capables d'enregistrer un autre album à ce prix là. Le premier mix était vraiment mauvais selon moi, mais cela s'est arrangé plusieurs années après, lorsqu'on a remixé et remasterisé le tout. Je suis sûr que ré-écouter l'original me donnerait des frissons.


The Red Sea (Second Nature Recordings, 1999)

Ici encore nous luttions avec différentes idées. Je pense que j'essayais d'atteindre un niveau technique au niveau des guitares, en particulier sur The Minus Times, ce qui a au final nuit à l'énergie des morceaux. Le morceau éponyme, à l'inverse, contient les parties les plus satisfaisantes en ce qui concerne l'énergie viscérale pesante et la structure plus que progressive dont elles font partie. Quelques soient les points faibles de cet album, c'est l'un des plus sombres que nous ayons enregistré en ce qui concerne l'ambiance, la production et la composition. C'était aussi notre premier album avec (le guitariste) Mike Gallagher, qui est depuis devenu un membre du groupe.


Sawblade (Tortuga, 1999)

"Heureusement personne n'a été blessé par ce CD."

Pas vraiment un album "officiel", plus un artefact spécial pour nous et le peu de fans que nous avions à l'époque. Deux reprises (les premières et dernières que nous ayons faites) de Black Sabbath et Godflesh, et deux morceaux plus expérimentaux enregistrés à la maison par notre bassiste Jeff Caxide et moi-même. La version CD était une lame de scie avec un CD vissé dessus, que nous n'avions pas le droit de vendre en dehors de quelques shows. Heureusement personne n'a été blessé par ce CD.




Celestial (Hydra Head, 2000)

Notre premier album, et la première fois qu'on enregistrait avec notre line up actuel. Bien que nos influences soient plus qu'évidentes dans certains passages, je dirais que cet album donne une version beaucoup plus élaborée de ce que nous devenions. C'est également notre premier enregistrement avec Matt Bayles, qui nous produira par la suite. Bien que la majorité des morceaux de cet album n'aient pas réellement leurs places lors des concerts donnés par la suite, on a quand même continué à en jouer quelques uns jusqu'à la fin du groupe, ce qui prouve la force des morceaux (du moins d'après nous). Même si l'album peut sembler étrange, je l'aime beaucoup justement pour ça, et je ne peux trouver un autre album qui y ressemble, réellement. Les morceaux ne sont pas uniques, mais la manière dont le son a été enregistré fait de cet album une pièce unique.


SGNL>05 (Neurot, 2001)

Il a été enregistré en même temps que Celestial. Pour moi ils font partie d'un tout. Même si les deux albums peuvent aller de paire, nous avons estimé que sortir un double album comme premier album était ambitieux, et peut-être trop à ingurgiter d'un seul coup pour le public.

L'album apparait comme un "album perdu" par rapport aux morceaux auxquels le public s'accroche depuis plusieurs années, mais je pense qu'il est aussi fort que les autres morceaux que nous faisions à l'époque... Ce n'est sûrement pas un regroupement des chutes de Celestial, plus une continuité de cet album et un développement des idées présentes dans cet album. Cet album marque aussi le début de notre collaboration avec Justin Broadrick. Il a contribué à un remix, qui était énorme pour nous, non seulement par rapport à la qualité du remix mais également parce que son travail au sein de Godflesh, Final etc... avait beaucoup d'influence sur les membres du groupe. Cette collaboration a été significative pour nous, tout comme la sortie de l'album par Neurot Recordings (tenu et dirigé par Neurosis & cie) puisque cela a affirmé que nous avions fait de la musique qui paraissait importante aux yeux de personnes qui nous avaient donné envie de jouer ce genre de musique.


Oceanic (Ipecac, 2002)

"Sûrement notre plus grand succès"

Autant que je me souvienne, l'enregistrement de cet album a été très amusant et a donné naissance à des résultats qui tombèrent à point nommé. Nous voulions quelque chose de moins dense que Celestial, en insistant sur la mélodie et la structure. L'unité formée par les morceaux nous était également importante et bien que ce fut également un objectif pour Celestial, et les albums suivants, je continue de penser que ce fut notre plus grande réussite. Le travail sur la progression ne nous a pas pris énormément de temps, bien que nous considérons cette partie du travail très importante. Tout semblait se mettre en place une fois le tout enregistré.

Avec le recul, je n'aurais sûrement rien fait différemment et ce sur tous les aspects. En fait ce n'est pas vrai, je crois que le travail de mastering aurait pu être mieux fait, mais c'est quelque chose que nous pourrions facilement corriger.


Oceanic: Remixes & Reinterpretations (Robotic Empire, 2004)

Ce projet s'est avéré être plus gros que ce que nous pensions. Nous voulions atteindre un certain nombre de personnes dont nous aimions la musique, pensant que seulement 50% ou moins d'entre eux nous répondraient. Au final, seulement 2 ne nous ont pas recontacté.

L'aspect de notre musique le plus ambient/abstract/électronique était quelque chose que nous voulions creuser, mais que nous ne pouvions pas expérimenter dans nos albums, en partie parce que nous ne voulions pas abandonner nos arrangements et instrumentalisations habituels. C'était donc l'occasion de nous lancer, même si pour cela il fallait recourir à des mains extérieures. J'étais surpris et excité par les résultats. Certains dépassèrent mes attentes, et seulement 1 ou 2 m'ont déçus. Finalement, ce fut interéssant de perdre le contrôle de notre musique puisque c'est quelque chose que nous refuserions dans d'autres circonstances.


Various Artists, We Reach: The Music of the Melvins (Fractured Trans, 2005)

La reprise de "Boris", enregistrée aux côtés d'Agoraphobic Nosebleed a été un peu précipitée, du moins au niveau du processus final, et ce en partie à cause de nous. J'aurais aimé que ce soit une vraie collaboration, puisqu'en fait seuls Bryant Clifford Meyer et moi participions au nom d'Isis. C'était amusant d'essayer de comprendre les paroles de Buzz, et de les chanter de manière appropriée sans pour autant l'imiter. Je suis content d'avoir travaillé avec Agoraphobic Nosebleed sur ça, mais je ne peux m'empêcher de penser que nous aurions pu faire mieux en y accordant plus de temps... bien que je pourrais dire ça à propos de beaucoup de choses.


Panopticon (Ipecac, 2004)

"Ça m'emmerde toujours en fait..."

Du point de vue des paroles, cela a été un virage pour moi. Au lieu d'écrire à propos de choses personnelles, j'ai choisi un panel de sujets plus politiques et culturels, quelque chose que je n'avais jamais eu l'intention de faire au début d'Isis. Il n'y avait pas de schéma politique, mais étant donné les évènements mondiaux cela me paraissait intéressant à explorer. Concernant la musique, le travail d'écriture fut le même que par le passé. On a travaillé avec différentes idées, essayant de voir où nous voulions aller et une fois qu'une piste apparaissait tout se construisait autour. Cela a demandé des efforts bien entendu, mais tout s'est bien enchainé. Ce fut le dernier album enregistré analogiquement et quand nous sommes revenus en studio un peu plus tard pour extraire les bandes originales, la moitié avaient mystérieusement disparues. Ça m'emmerde toujours en fait, mais je suppose qu'on ne peut plus rien y faire. Je crois que je devrais être reconnaissant que ce soit arrivé après que l'enregistrement ait été terminé. Message à tous ceux qui veulent enregistrer chez Paramout Studios à Los Angeles : ne laissez pas les bandes originales, quelle que soit leur forme. Vous ne savez jamais où elles peuvent finir...


In the Absence of Truth (Ipecac, 2006)

En jettant un oeil sur notre discographie, c'est le seul album que je trouve décevant concernant les résultats finaux. Ce n'est pas réellement les morceaux en eux-mêmes, même si je pense que certains auraient mérités d'être plus travaillés, mais plus la production. Cela relève autant de notre responsabilité que de celle de Matt Bayle, donc je ne le blâme pas, mais au final j'aurais aimé que cela sonne mieux. Certaines parties fonctionnent bien, mais l'album manque d'énergie. Dans l'ensemble cela sonne un peu stérile et fade. Maintenant je me demande si nous n'avons pas passé trop de temps à le travailler. Je crois qu'on a passé plus d'une semaine de plus en studio que pour les autres albums, peut-être qu'on a perdu en spontanéité.

Comme mentionné pour Panopticon, c'est à partir de là que nous avons décidé d'enregistrer numériquement et même si je ne suis aucunement attaché au format analogique et ne suis pas déçu par les enregistrements numériques auxquels j'ai participé, je ne peux m'empêcher de me demander si cela a à voir avec la stérilité de l'album. Je dirais que je suis plutôt contre revenir sur des albums pour les modifier plusieurs années après, mais avec cet album il m'arrive de me poser la question. Non pas de ré-enregistrer, mais plutôt de procéder à un nouveau mix plus vivant. Peut être que je dois juste tirer les leçons de ce qu'il ne faut pas faire dans le futur.


Isis + Aereogramme, In the Fishtank 14 (In the Fishtank, 2006)

Avant de faire cet enregistrement, nous avons passé du temps sur la route avec Aereogramme et avons apprécié leur musique. Lorsqu'on nous a demandé de participer à une session Fishtank avec eux, cela nous a paru comme une proposition intéressante et amusante. Nous étions familiers avec la série Fishtank et étions honorés d'être sollicités, c'était donc très tentant. La session a duré 3 jours, dans un studio situé en Hollande (je ne me souviens pas où) et cela s'avéra être ce à quoi nous nous attendions: l'occasion d'échanger des idées et de l'énergie entre amis afin de produire quelque chose de satisfaisant. Je suis surpris de voir à quel point le résultat final est mélodieux, ce qui ne me déplait pas du tout. Nous avons procédé à la post-production où chaque groupe enregistrait quelques morceaux de leur côté et les passait au mix final. Ce que l'on peut entendre dans les morceaux finaux est généralement composé de ce que nous avons été capables de produire durant ces 3 jours de travail.


Wavering Radiant (Ipecac, 2009)

"Nous nous sommes arrêtés en gardant notre intégrité musicale et notre vision intactes"

Je suis content que ce soit notre dernier album puisque je trouve que c'est un bon résumé de tout ce que nous avons fait durant toutes ces années. L'écriture des morceaux a évolué mais je crois que les changements sont plus subtiles qu'entre deux anciens albums.

Notre capacité à évoluer en tant que groupe en a peut-être égaré certains. Je ne sais pas si nous sommes chacun de notre côté devenus moins aventureux, mais notre terrain commun était devenu trop fin et notre capacité à faire des pas plus larges comme avant diminuait. Ceci dit, sur cet album nous faisons un constat final émotionnellement honnête et bien orchestré. La performance de chacun d'un point de vue technique est de loin la meilleure, et pour cela je dirais que cet album est un exemple de ce dont nous sommes capables.

Bien que je ne sache pas ce que je penserais de cet album dans quelques années, je pense que je n'aurais pas le même attachement émotif qu'avec Celestial ou Oceanic, mais je le percevrais toujours comme un portrait de ce qu'était Isis à la fin et une preuve que nous nous sommes arrêtés en gardant notre intégrité musicale et notre vision intactes. J'ajouterais aussi qu'au niveau des paroles c'est de loin mon album préféré. J'ai réussi à atteindre des niveaux intérieurs auparavant inconnus ou au moins inaccessibles lors de l'écriture pour un album. C'est également vrai pour les artworks de l'album.


Futures sorties DVD

Il y aura sûrement un autre DVD comme Clearing the Eye. Nous avons mis de côté un bon nombre de films depuis sa sortie, y compris la tournée pour notre 10ème anniversaire et d'autres tournées partout dans le monde. On a filmé un de nos derniers shows en Australie que nous espérons pouvoir utiliser et je pense que nous filmerons quelques uns de nos derniers shows aux États-Unis à l'occasion du Farewell Tour. Nous avons plus de matière que nécessaire, il s'agit juste de monter tout ça.


Les lives

Comme pour la plupart des groupes, on peut trouver beaucoup de trucs de très basse qualité sur Internet, nous avons donc pensé offrir des alternatives de qualité diffusées par nos soins. Cela nous a permis de présenter des enregistrements et performances que nous apprécions tout en faisant quelque chose qui corresponde à notre discographie, en propsant par exemple un packaging etc... Même si nous diffusons les versions CD nous-mêmes, nous avons choisi de faire les versions vinyls avec un autre label, ce qui nous a donné l'occasion de travailler avec d'autres labels nous ayant approchés. Nous avons un grand nombre d'enregistrements live je suis donc sûr qu'il y aura quelques autres épisodes dans la série Live avant que la source ne soit tarie...


Et après ?

"La vie est courte et il reste encore beaucoup à faire"

Il y a beaucoup de choses sur le feu. Le projet dans lequel je suis le plus actif en terme d'enregistrement et de performances live est Mammifer. Mammifer, contrairement à Isis, n'est pas un groupe dans lequel j'ai beaucoup de contrôle quant à l'aspect créatif, c'est essentiellement la vision de Faith Coloccia, à qui je suis marié. Comme je suis assez flexible dans la structure musicale, je suis très heureux d'être impliqué dans ce groupe et très excité quant à l'album que nous sommes sur le point de livrer. Je ne sais pas exactement quand il sera publié, mais cela devrait arriver avant la fin de l'année ou en début d'année 2011. House of Low Culture est mon projet solo de longue date même si la plupart des morceaux sont des contributions d'autres personnes. J'ai 2 albums en cours, l'un étant une bande son pour un roman graphique écrit par mon ami Tom Neely, l'autre étant un split qui sortira en vinyl avec Mammifer.

Est également en cours un single et peut être même album pour mon projet avec James Plotkin et Tim Wyskida nommé Jodis. Nous avons sorti un album l'an passé (Secret House), qui est l'un des projets auxquels j'ai le plus aimé participer et je suis très excité quant à sa continuation. Nous parlons de performances live pour Jodis plus tard dans l'année, mais nous verrons ce qu'il arrive. Dans un futur plus lointain sont à prévoir, un nouvel album de Greymachine (un projet orchestré par JK Broadrick), un album collaboratif avec William Fowler Collins, une réédition vinyl du deuxième album de Lotus Eaters etc... Ne passant plus la plupart de mon temps sur la route et en studio pour Isis je serais libre de faire plus de choses et je suis assez excité à cette idée. Mon activité de directeur artistique et parfois designer pour Hydrahead Records ainsi que mon rôle de partenaire dans Vacation Vinyl à Los Angeles continueront.

Beaucoup de musique et de visuels seront partagés dans un futur proche mais indéterminé...La vie est courte et il reste encore beaucoup à faire.

(Source : self-titledmag.com)

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