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Norma Jean + The Chariot + Dead and Divine + Admiral's Arms 05/03/12 @ Divan du Monde, Paris
En allant à ce concert, j'avais sérieusement peur, tellement The Chariot sont réputés pour la violence de leurs shows. Pas peur pour ma santé, je suis un warrior, mais plus pour mon appareil photo. J'ai même sérieusement envisagé d'y aller en touriste, les mains dans les poches, mais finalement le bon (enfin, pas tant que ça) sens a eu raison de moi, et je me suis donc retrouvé devant les portes du Divan du Monde avec tout mon équipement, afin de clôturer en beauté mon petit marathon de concerts de ce début de mars. Et je n'ai pas été déçu.
La soirée a commencé tranquillement, par le groupe Admiral's Arms. Pas de pogos ni de moshpits, juste quelques headbangs isolés par-ci par-là, bref rien de folichon. Tout comme sur scène en fait. Le fait que j'étais juste en face d'un ampli 200 watts n'a certainement pas aidé pour identifier les différents instruments et mélodies, mais j'ai néanmoins trouvé le set vraiment trop décousu. Des riffs à peine assez accrocheurs collés bout à bout et accompagnés par une voix qui m'a semblé fausse sur la quasi-totalité des morceaux, bref, malgré tous les efforts du chanteur pour mettre l'ambiance, je comprends totalement le manque de réaction de la part du public. Le groupe quittera donc la scène au bout d'une demi-heure sans laisser une grande trace dans ma mémoire.
C'est donc le tour des Canadiens de Dead and Divine d'envahir la scène, et malgré les bips répétés de mon radar à hipsters durant leur installation sur scène, je dois avouer que c'est quand même pas mal ce qu'ils font. En effet, si le groupe ne révolutionne pas le genre, il n'a pas non plus l'air d'en avoir la prétention, et remplit donc très bien son rôle de première partie. C'est plutôt carré, les breakdowns (malheureusement de rigueur dans le genre) ne sont pas trop envahissants, et le groupe bouge plutôt bien (je me suis toujours demandé si les groupes de post-hardcore s’entraînent pour faire des sauts identiques en même temps...), et le public commence enfin à se mettre dans le bain, encouragé par le chanteur. Ce dernier sera d'ailleurs rejoint sur un morceau par l'un des guitaristes de The Chariot, qui montera sur scène après avoir déclenché un mosh pit dans le public, de plus en plus agité, mais toujours civilisé. D'ailleurs, comme je le disais auparavant, les démonstrations du type pogos/slams/mosh pits sont à mon goût des milliers de fois plus agréables dans un contexte où la musique réussit à y pousser une majeure partie de la salle, plutôt que juste cinq pauvres gars. Et c'est le cas ici, l'ambiance étant bien présente à la fin du set.
The Chariot s'installent donc sur scène, et, rencontrant quelques légers problèmes techniques, mettent ce qui m'a semblé être un temps fou à s'installer, temps (qui ne serait pas si long si je ne trépignais pas d'impatience et d’appréhension) pendant lequel j'ai largement le temps d'admirer leurs instruments, totalement défoncés et rafistolés de partout. Enfin vient le moment des premières notes... et des volutes de fumées commencent à émaner de l'un des amplis. Mais ce n'est pas un gros souci, car un troupeau de roadies y accourt immédiatement et le remplace dans un temps record. Le show peut enfin commencer.
Tellement de choses se sont passées au cours de ce set que décrire tout en détail me semble aussi compliqué que de décrire de mémoire une peinture de Jackson Pollock, ou le scénario des trente-neuf saisons des Feux de l'Amour, mais je vais essayer de reconstituer les évènements les plus marquants; cependant, ne m'en voulez pas si je confonds l'ordre de quelques morceaux. Ça commence plutôt fort, puisque dès les premières notes du premier morceau, Teach, le bassiste lance son instrument en l'air, celui-ci tape dans le plafond et retombe sur le sol, sans personne pour le rattraper, le musicien ayant déjà disparu dans le public. Pas de basse sur la moitié du morceau ? Et alors ?
Car oui, malgré le parfait équilibre entre les instruments et la maîtrise technique des musiciens, il est clair pour tout le monde que nous ne sommes pas là pour écouter la musique, mais pour nous défouler dans un spectacle apocalyptique. Le groupe se jette dans tous les sens, au point que par moments il n'y a plus que deux personnes sur scène, le public s'est transformé en une masse informe de mains, pieds et têtes, l'ambiance extatique est omniprésente.
Deuxième morceau: Stephen Harrisson se jette dans le public, le traverse, saute sur le comptoir du bar, et joue à partir de là. Je ne sais même plus où regarder, tellement de choses se passent de tous les cotés. A peine ai-je le temps de me retourner pour voir la basse voler dans le public, aussitôt rattrapée et renvoyée en direction de la scène. Il n'est pas étonnant que les musiciens se fatiguent vite à ce rythme là, ils profitent donc des morceaux plus calmes tels que Abandon pour se ressourcer un peu, ou alors s'écroulent tout simplement sur scène sans pour autant arrêter de jouer. Le chanteur, Josh, est de plus très communicatif et passe tout le temps entre les morceaux à parler au public et à lancer des petites blagues.
Le set est plutôt diversifié, ainsi après cette excursion dans l'avant-dernier album (avec entre autres un Daggers que j'aurais eu du mal à reconnaître s'il n'y avait pas les paroles, tant cette version fût chaotique), on retrouve des morceaux du dernier opus, Long Live. Notamment celui que j'attendais le plus, et à juste titre: The City. Cet hymne révolutionnaire, déjà énorme en studio, devient en effet absolument jouissif en live, et après un début (bien qu'amputé d'une partie) où trois des musiciens s'échangent les parties chantées, c'est tout le public qui reprend les choeurs de la fin, pour un résultat que je ne pourrais qualifier autrement que d'épique. On a ensuite droit à une reprise de My Generation de The Who (oui, sérieusement) ainsi qu'à Back to Back, parmi d'autres morceaux que j'ai identifié sur le coup mais oublié depuis, subjugué par les émotions. Le show finira sur un morceau plus long et relativement calme, et là encore, les Américains ne font pas tout comme tout le monde: pendant que l'un des guitaristes joue la mélodie, le chanteur s'amuse à démonter la batterie pièce par pièce, sans que le batteur ne s'arrête de jouer, poussé donc à de plus en plus simplifier le rythme, jusqu'à finir avec juste sa grosse caisse et une caisse claire. Le chanteur nous remercie chaleureusement, finit sur un "God bless you all !" et met donc un point final au concert le plus rock'n'roll, celui qui mérite le plus l’appellation de "show" qu'il m'ait été donné de voir de ma vie.
Et bien, après un tel déluge d'émotions et de puissance pure, Norma Jean ont intérêt à bien assurer, me suis-je dit alors que le quintuor prenait place sur cette scène qui a subi tant de dégâts ce soir. Et ils attaquent plutôt fort avec Leaderless and Self-Enlisted, un de mes morceaux préférés de leur dernier album, Meridional. Je me retrouve vite à bouger au rythme de cette musique qui semble extrêmement précise après le passage de The Chariot, tout en hurlant les paroles. Le deuxième morceau, A Grand Scene for a Color Film sera lui aussi tout aussi impeccable et entraînant, avant de laisser place à des titres dont je suis moins fan, mis à part Bastardizer, joué peu avant le milieu du set.
Vous avez sûrement remarqué que mon écrit est devenu bien moins enthousiaste que lors de la description du set précédent. Et bien oui, pourtant j'aime beaucoup Norma Jean, et les gars réalisent un sans faute au niveau de la technique et de la communication avec le public (avec des interludes tout aussi ponctuées de blagues), mais ils ont l'énorme désavantage de jouer devant un public qui vient de se prendre une claque monstrueuse et qui a déjà tout donné. Cette prestation me semble donc un plus fade, alors que je suis sûr que j'aurais rayonné de joie si je n'avais pas vu la première partie.
Néanmoins, j'essaye de relativiser et d'apprécier les morceaux suivants (The End of All Things Will Be Televised, Bayonetwork et A Small Spark vs. A Great Forest), et finalement ça marche pas trop mal, puisque je me retrouve vite à me déboîter la nuque sur les nombreux breakdowns (même si je sais très bien que les breakdowns c'est le mal). Petite anecdote amusante: en plein milieu du set, entre deux morceaux, le chanteur s'est tout d'un coup adressé à un type sur le balcon, qui avait l'air de particulièrement apprécier le show, en lui demandant de rejoindre le groupe sur scène. Ni une ni deux, le gars enjambe donc la balustrade, et, encouragé à la fois par le groupe et le public, se laisse tomber, rattrapé un instant plus tard par une mer de mains. Les musiciens affichent leur respect en lui serrant la main, et le show reprend. On aura donc droit à The Anthem of the Angry Brides (à mon goût vraiment pas le meilleur morceau du dernier opus) et à l'excellente Memphis Will Be Laid to Waste avec ses riffs explosifs, et le chanteur de The Chariot rejoignant le groupe sur scène. Le show finira tranquillement sur Vipers, Snakes and Actors, après encore quelques bénédictions de la part des deux chanteurs.
Ce fût donc une excellente soirée, même si, bien qu'ils soient plus connus, j'aurais placé Norma Jean avant The Chariot, si j'avais le choix sur la programmation. D'un autre coté, heureusement que je ne suis pas booker, sinon tous les concerts que j'organiserais seraient des shows de The Chariot avec Oathbreaker et Cult of Occult en première partie. Et ils joueraient tous les jours, et j'y serais à chaque fois, ouais.
J'aime les ours, le whisky et les internets. |
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