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Carpenter Brut 22/01/2015 @ Le Batofar, Paris

Portrait de DMDFC
Carpenter Brut 22/01/2015 @ Le Batofar, Paris

Tony n’a pas faim. Ce soir il a un gala, il est rejoint par Dylan et ses potes. Son accoutrement est celui de tous les jours (enfin, celui qu’il sort de son sac après le travail, une sombre affaire l’impliquant dans le service informatique d’une entreprise de gestion des déchets) : un tee-shirt dont il a lui-même déchiré les manches, un jean bien trop serré mais ne gênant pas ses mouvement car ses jambes sont trop frêles, et un bandana rouge, remplissant le même rôle que le serre-tête de sa sœur Clarisse quand elle était petite : assurer un maintien parfait du cheveu en toute circonstance.

Ce soir, le bal est représenté par 3 êtres venus d’un endroit se trouvant pile au croisement entre la bay area de 1987, le Tokyo de 92, et l’Australie de 79.

Dans des couloirs interminables où les lézards de tôle se croisent dans la cacophonie d’une ville à l’agonie, il se dirige vers le squatt où aura lieu, ce soir, le gala auquel il se rend. Un bateau. Quelques tonnes de métal grossièrement peintes en rouge au sein desquelles se joue régulièrement des soirées à la gloire du dieu bruit et des pires maléfices audios. Par précaution, il avale rapidement un petit truc, rejoint le navire à vive allure et s’engouffre dans les entrailles du bateau.

Ce soir, le bal est représenté par 3 êtres venus d’un endroit se trouvant pile au croisement entre la bay area de 1987, le Tokyo de 92, et l’Australie de 79. Une vieille légende veut que de cet endroit, un guerrier martelant des temps jadis y bouta une bande d’étrangers hors de ses terres. De ce fief au croisement du monde et des temps, les trois héritiers, guerriers des temps modernes, hurlent de leurs instruments la gloire et la domination. Un trouvère propose en attendant une mise en bouche, mais recroquevillé derrière un système computer réduit, le spectacle ne séduit que trop peu.

Tony retrouve Dylan et ses potes. Le houblon fait effet et l’ambiance se détend. Bientôt, tous hurlent pour se parler simplement et faire le point : les activités rémunérées des uns (calvaire), les nouveaux tatouages des autres (épanouissement), le gala de ce soir (espoir), le besoin de chausser immédiatement des lunettes de soleil sous l’eau (indispensable) et la fille qui accompagne le cousin de Dylan, passablement éméchée mais probablement intéressée par un aftershow en privé, il le sent (espoir-bis).

Le jeu est épique et le riff l’est tout autant. Avec appui, il dessine les épaisses notes de synthétiseur pour les accompagner dans leur objectif : pourfendre l’espace par le son.

Mais halte aux discussions (espoir-ter), le trio du Centre du Monde prend place. Derrière, des images perturbantes, rougeoyantes, illuminent l’espace dédié aux artisans. Sur la gauche, un homme de taille modeste se tient derrière une guitare, probablement sculpté par ses propres soins dans la taule d’une victime de la route qu’il aurait faite lors d’une descente violente et punitive. Le jeu est épique et le riff l’est tout autant. Avec appui, il dessine les épaisses notes de synthétiseur pour les accompagner dans leur objectif : pourfendre l’espace par le son.

Au milieu se tient le boucher, il frappe ses caisses en plastique débordantes de câbles d’une autre époque avec des tibias,  résultats des régulières rixes au milieu des plaines du Famicom desquelles il sort systématiquement vainqueur. Sur la droite, derrière une table se tient le sorcier utilisant les deux autres à sa guise. Le pied sur le retour, encapuchonné, c’est un magicien sonique aux vils desseins qui dans une rage auditive s’évertuera à convertir les âmes encore saines de la soirée.

Le bordel ressemble à un croisement improbable entre Assault On Precinct 13 passé à la cocaïne, à un Miami Vice bipolaire, à du Iron Maiden en TR 909 et à une Nintendo cannibale.

La parade vire à l’hystérie très rapidement : les hymnes de combats s’enchainent, le public (Dylan, Tony et les autres inclus) sont en transe. Ils hurlent, font le signe du malin, beuglent même. Le bateau devient le réceptacle d’une débauche de décibels donnant lieu à un bal effrayant. Les corps se meuvent au son des lignes épiques de claviers et de guitares. Les rythmes sont tenus et appuyés magistralement.  Le sorcier, grand maitre en ces lieux fait s’agenouiller le parterre sans difficultés. La foule ne débande pas alors que les titres s’enchainent. Arrive même le temps où celle-ci se met à chanter les riffs de clavier. Ambiance stade. Pour ceux qui peuvent encore se souvenir d’avant l’apocalypse, le bordel ressemble à un croisement improbable entre Assault On Precinct 13 passé à la cocaïne, à un Miami Vice bipolaire, à du Iron Maiden en TR 909 et à une Nintendo cannibale. Pour les autres, il faut imaginer les sons électroniques d’une époque révolue nettoyés et produits avec l’envie d’écrire les mélodies les plus puissantes qu’un conducteur de bolide puisse avoir envie d’entendre avant d’aller en découdre sur les autoroutes abandonnées de notre monde.

Lorsque les beats cessent, les images s’interrompent et les derniers relents des oscillateurs numériques se font entendre. La salle est sonnée mais heureuse. Carpenter Brut vient de punir son auditoire avant d’aller régler quelques comptes lors d’un prochain gala. Sur la route, ils rencontreront probablement d’autres mercenaires belliqueux leur donnant du fil à retordre mais qui seront à terme d’autres instruments de musique. Pour Dylan, Tony et les autres, il faut désormais retourner au domicile sans être attrapé par les brigades punitives nocturnes. Oui, notre monde est cruel, mais tout se mérite.

 

Crédits photos : Andrey Kalinovsky / CSAOH

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