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Amplifest Festival 21-22/08/2016 @ Porto, Portugal

Portrait de Fred
Amplifest Festival 21-22/08/2016 @ Porto, Portugal

Fraichement arrivé à Porto, me voilà parti en direction de la Cave 45 pour démarrer avec un programme light cet Amplifest 2016.  En effet, ce premier jour est composé d’un unique concert suivi d’une session d’écoute en avant première du dernier album de Mono.

Jour 1 – Cave 45

C’est donc la formation française Aluk Todolo qui se charge d’ouvrir les hostilités. Formule à peine galvaudée quand on connaît un temps soit peu leur musique. Après les avoir ratés en juin à Lyon, j’étais très curieux de voir ce que leurs longues compositions pouvaient donner en live. Je dois avouer que je préfère ne pas m’aventurer avec eux sur le terrain des étiquettes. Je synthétiserai plus mon ressenti au niveau de l’ambiance. Déjà la salle se prêtait parfaitement à ce type de concert. Le public est au plus près des musiciens, la salle est basse de plafond et sombre (le groupe a d’ailleurs un éclairage conceptuel très minimaliste). Bref, l’endroit était propice à l’immersion. Et ce fût le cas. Cette musique se fait frontale, mais aussi complexe (ce qui m’a fait décrocher à un moment je dois avouer). Collé au premier rang, j’ai eu par moment le sentiment de subir (avec mon plein consentement) cette adéquation entre des sons abrasifs, des passages d’une belle technicité jouant avec les repères habituels… Et puis arrive la fin. On ne se sent pas mitigé mais on a besoin de temps pour bien apprécier ce qui s’est passé. 

Jour 2 – Hard Club
Redemptus / Minsk / Altarage / Sinistro / Anna Von Hausswolff / Kayo Dot / Mono 

Si le festival se déroule sur 4 jours, c’est vraiment les deuxième et troisième jours qui s’annoncent les plus intenses. On change cette fois de cadre avec le prestigieux complexe du Hard Club, composé de 2 salles.

C’est par 30° que cette deuxième journée débute. Début de festival oblige, le public est encore bien clairsemé quand Redemptus arrive sur scène. Ils faisaient partie des formations que je n’avais pas eu le temps de découvrir sur disque avant le festival. C’est donc en parfait néophyte que j’ai pris cette basse vrombissante en pleine face. Sludge ? Post Metal ? Converge ? oui effectivement, il y a un peu de tout ça dans leur musique, mais pas que. Au final, outre le fait que j’ai été complétement envoûté par cette basse, il faut avouer qu’ils ont une maturité dans leur son (le groupe n’existe que depuis 2014) que certains peinent à trouver.

Il fallut switcher dans la grande salle pour voir Minsk. Je me souviens encore quand, en 2007, j’avais découvert leur album « The Ritual Fires of Abandonment »  avec l’envoûtant titre d’ouverture « Embers ». Treize minutes que n’auraient certainement pas renié les maitres du Post Hardcore. Mais bref, 9 ans plus tard, il était temps de les voir jouer live. Et la sensation fût la même que par moment sur album. Minsk a digéré tous les codes du genre…  en ayant bien saisi l’intérêt par moment d’intégrer des sons éléctroniques/tribaux aux obus qu’ils envoient à la face de leur public. Alors oui, ils ont certainement plus l’étiquette de followers, tant leur musique rappelle par moment ce que Neurosis aurait pu produire 10 ans avant. Mais quand les compos sont bonnes et qu’en live, ils occupent parfaitement la scène, on est déjà face à une performance live réussie.

Après un break (notamment pour les oreilles qui ont quelque peu souffert avec Minsk), je rejoins la plus petite des salles pour voir le deuxième groupe local, à savoir Sinistro. L’audience est cette fois-ci bien plus présente que pour Redemptus tout à l’heure. La sortie de leur dernier album chez la référence Season of Mist n’étant certainement pas étrangère à la foule présente. 

Ce que j’aime dans les albums de Sinistro, s’est confirmé en live. A savoir cette capacité à nous faire voyager. Si par moment on est dans un schéma post métal classique, ils ne se refusent aucune limite… claviers lancinants, riffs planants, ou encore moments électroniques qui pourraient faire que certains de leurs titres auraient leurs places sur des films contemplatifs. Mais attention, s’ils sont capables d’écarts (salvateurs), ils en reviennent toujours à leur socle commun, à savoir de lourds riffs associés à un duo basse/batterie qui fusionnent parfaitement.

C’est désormais avec l’OVNI du week-end que j’ai rendez-vous, à savoir Anna Von Hausswolff. Je dois avouer que je comptais un peu sur ce concert pour me « reposer ». En effet, ce que j’avais pu écouter de la dame me semblait certes, faussement facile, mais quand même plutôt dans une vague pop indé. Au final, il y a de ça… mais parfois son chant cristallin devient presque éraillé, les douces notes jouées à l’orgue se retrouvent triturées sous moult effets, sans parler de ses musiciens qui participent pleinement aux moments de folie qui égrainent certains de ces morceaux. Elle n’hésite d’ailleurs pas à quitter son tabouret, pour venir haranguer la foule. Au final, l’un des concerts qui m’aura clairement le plus emballé (et aux vues des réactions du public, je suis loin d’être le seul à avoir apprécié la performance).

Je sacrifie Kayo Dot le temps d’une pause repas express, pour ensuite me positionner dans les crash barrières pour Mono (à noter que si le festival est parfaitement organisé, il fût parfois très sport d’aller justement jusqu'à cette zone). La tête d’affiche attaque son concert par 2 titres tirés de son nouvel album. La formation est toujours la même et la formule aussi. Je sais que certains détestent chez Mono ce côté presque « facile » désormais de la composition « belle à pleurer ». Mais si on est dans l’autre camp, ces riffs empreints de puissance et d’émotion font de Mono un groupe qui reste à part dans la sphère Post Rock (même si depuis, le nombre de suiveurs croît de manière exponentielle). Durant 7 titres, il n’y eut pas de fausses notes… les 3 nouveaux titres (certains joués live depuis quelques temps d’ailleurs) annoncent encore du bon Mono. Leur musique continue de prendre aux tripes, grâce à cette belle alchimie entre puissance, décibels et ivresse (musicale bien entendu). Mention spéciale à 2 titres, Ashes in the Snow parfaitement joué qui représente un peu la quintessence du son Mono et Requiem From Hell qui, au contraire de tout ce que j’ai pu dire avant, montre une face de Mono plus brutale, plus rêche, avec des guitares complétement folles (mais toujours aussi cinématographiques, comme peut d’ailleurs le témoigner le clip récemment sorti).

Il est presque 1h du mat’, la plupart du public est vampirisé par la performance de Mono… tous sortent d’un pas unique vers la sortie, histoire de boire un verre, prendre l’air, et d’échanger sur ce moment intense que nous ont fait vivre les Japonais. 

Jour 3 – Hard Club
Tiny Fingers / Tesa / The Black Heart Rebellion / Amplitalk : Neurosis / Nevoa / Caspian / Hope Drone / Oathbreaker / Downfall of Gaia / Chve / Neurosis

Dimanche 15h.   

La journée débute avec une Super Bock (chaleur oblige) ainsi qu’avec Tiny Fingers qui a l’honneur d’ouvrir dans la grande salle. 

J’avais noté cette formation sur mon programme car leurs compositions rock psyché m’avaient parfaitement accompagné quelques semaines auparavant alors que je travaillais sur d’autres projets.  

Si Tiny Fingers ne mérite pas la palme des plus beaux artworks du week-end, techniquement c’est de très haute volée. Je ne suis pas adepte des « branleurs de manche » et autre techniciens de la musique, mais dans leur cas, on sent que la complexité des compositions n’a qu’un seul but, celui pour eux de s’exprimer le mieux possible. Je vais d’ailleurs faire un raccourci avec la musique des Polonais de Riverside qui me fait le même effet. Je les quitte quelques minutes avant la fin de leur concert pour être bien placé pour Tesa qui n’est ni plus ni moins que le support band de Neurosis sur la tournée d’été. 

« GHOST » leur dernier album en date, a pas mal tourné chez moi avant le festival, et j’avais du coup mis pas mal d’espoir dans cette date. Ces derniers furent clairement comblés. Tesa pourrait être le pont le plus classe entre le sludge et le post rock torturé.  

Clairement, je n’ai pas de souvenir de la setlist, mais tout comme l’album dont les 5 titres sont nommés G, H, O, S, T, Tesa nous délivre une prestation live tout en cohérence… les titres se font écho, et si isolés ils sont excellents, c’est dans sa globalité que l’œuvre de Tesa fonctionne le mieux, et par extension en live. 

J’en profite d’ailleurs pour saluer le boulot des ingés son qui en très grande majorité ont vraiment participé à l’excellence du festival. Ce genre de concert avec un son moyen, et c’est direction la buvette au bout de 10 minutes. Well done les gars.

Fin de la parenthèse, je conclurai juste sur une petite frustration, celle de n’avoir pas pu réellement pu profiter de toutes les projections vidéo (qui étaient en partie sur le batteur). 

16h30, avec une précision chirurgicale sur les horaires, il est temps de rejoindre les Belges de The Black Heart Rebellion. Ce groupe que j’avais connu à l’époque grâce à AmenRa fait clairement partie de ma shortlist en terme d’attente, tant leurs deux derniers albums s’approchent pour moi d’une certaine perfection. Ce dimanche, ils débutent donc leur concert via un Body Breakers qui fait justement la part belle aux instruments atypiques. La 1ere claque provient de la fidélité avec laquelle ils arrivent à restituer en live ces sonorités venues d’instruments DIY que l’on peut entendre sur leurs disques. Le concert est habité du début à la fin… les lumières sont minimalistes, statiques, globalement ma vue s’est détachée des musiciens pour divaguer aux sons de ces titres qui me transposaient volontiers dans un endroit inconnu sans être hostile, vaporeux sans être menaçant et dans lequel on allait forcément se perdre.

Encore une fois, j’écourte de quelques minutes la prestation, car de l’autre côté, un Amplitalk avec Scott Kelly et Steve Von Till est en train de se préparer. La salle est petite et il s’agit de ne pas rater cette table ronde intimiste. Durant ces 30 minutes, les 2 ont répondu à des questions sur leur manière de composer, l’avenir, les projets solos…

Voir ces 2 grands messieurs à quelques mètres de manière aussi détendue est assez atypique. L’ambiance a beau être bon enfant, au moment des questions du public, personne n’eut l’audace de s’y coller (non pas par manque d’intérêt…).

A peine l’interview finie, je fais le premier break de la journée, avant de rejoindre la grande scène qui s’est bien remplie pour le concert de Caspian.

Il est 18h40 quand ces derniers arrivent sur scène. Les premières notes de « Darkfield » résonnenet, le son est excellent, je vois quelques personnes avec le sourire autour de moi, tout s’annonce bien. 3 minutes 30… et c’est l’avalanche de guitares en un instant. Caspian a véritablement mûri sur scène. Je me souviens encore du concert lyonnais au Sonic (je me demande encore comment Philip Jamieson a vécu l’expérience, lui qui dépasse les 2m). Enfin bref, visuellement les musiciens s’accaparent le grand espace qu’est la scène de la salle principale du Hard Club… chacun dégage une énergie et propose une prestation qui lui est propre mais tous convergent vers une montée en tension des titres tous parfaitement exécutés. Arrive déjà Sycamore avec son final apocalyptique où chaque musicien, à tour de rôle, abandonne son instrument pour récupérer une section rythmique. Il n’est que 19h40 quand le concert se termine, mais que ce soit en terme de volume ou de prestation, ce concert se positionne pour l’instant un rang au-dessus de tous les autres.

La faim m’oblige à faire une croix sur les pourtant bons Hope Drone.   Je retourne donc dans l’antre principale pour Oathbreaker qui aura pour effet de « m’achever » physiquement. En effet si le son reste excellent, un concert d’Oathbreaker vous bouffe de l’énergie. C’est à la fois intense et sombre… cette voix qui vient du plus profond, cette posture qui doit la mettre en souffrance… vous met en souffrance… Je subis donc plus le concert que je ne le vis, et préfère même assez rapidement  m’éloigner, refusant le combat sur ce round. C’est donc une non review de ce live. 

Je décide néanmoins d’aller voir Downfall of Gaia sachant que musicalement, ce n’était pas gagné d’avance. Clairement, en parfait néophyte de ce groupe, j’ai trouvé ça musicalement extrêmement riche. Les compositions sont à la fois complexes, lourdes et pourtant avec un son shoegaze/noisy très brut. Seul bémol pour moi, le chant et la double pédale dont je ne suis pas le plus grand adepte. Ils réussiront à force d’assaut à faire reculer (et non partir) une partie du public. Une première sur ce festival.

Il est désormais 22h20, et 2 stratégies se présentent à savoir, soit se positionner dans la queue pour Neurosis (qui grandit à vue d’œil). Soit prendre le contre-pied et voir le nouveau projet de Colin H. van Eeckhout (Chve).  

Ayant une affection particulière pour ses projets musicaux, je décide donc bien entendu de rester pour voir si son premier effort tient la route en live. C’est donc un Colin, seul sur scène et accompagné de sa vielle à roue qui se présente devant un public plutôt clairsemé.

Et là, malheureusement pour lui, certains problèmes techniques ont quelque peu nuit à sa prestation. Il faut également avouer que le positionnement de son créneau juste avant Neurosis faisait qu’une partie du public avait tendance à regarder sa montre pour ne pas partir trop tard. Me concernant, Chve mérite en tout cas une deuxième session live pour mieux juger de ce projet très intimiste.

C’est avec un peu de retard que Neurosis débute son concert… Petit moment de panique quand, encore dans la queue avec pas mal de monde, nous entendons les premières notes de « Time of Grace ». En quelques instants la sécurité est submergée et décide de laisser rentrer le reste de la marée humaine. La salle est pleine à craquer et le 1er challenge est désormais de traverser la foule pour arriver jusqu’aux crash barrières. C’est non sans mal que j’y arrive et là ça s’annonce très compliqué. Nous sommes aisément une vingtaine dans un espace exigu collés les uns aux autres… Pour les photos, c’est la galère, pour l’ambiance par contre, c’est exceptionnel (enfin, c’est plutôt la cohue). Encore une fois et même si je ne suis pas excellemment placé pour faire des photos je remarque que le son est juste monstrueux… J’arrive je ne sais comment à faire un aller / retour sur la durée des premiers titres autorisés, mais le pogo involontaire entre photographes me fait littéralement louper certains clichés potentiellement sympa. Fin de la période de shoot autorisé, il faut donc sortir de la zone dédiée. Sauf que la foule compacte ne laisse que peu de liberté pour profiter du reste du concert.  J’en profite néanmoins pour me coller contre un mur et pour profiter du spectacle. J’ai l’impression qu’ils jouent 2 fois plus fort que tout le monde, la plupart du public est statique malgré lui, tout le monde transpire à grosses gouttes, ce final s’annonce intense, émotionnellement, musicalement mais également physiquement…. Quelques personnes proches de moi décident d’ailleurs de braver la foule commençant à se sentir un peu étouffée, et pendant ce temps-là, un rouleau compresseur des plus abrasifs continue son travail de sape. 9 titres, 8 albums différents, Neurosis donne sans compter. Sur Locust Star c’est la communion parfaite entre un groupe et son public. Pas besoin de « clap in your hands baby » … Là, ça fonctionne naturellement. Le respect à ses mecs qui vident leurs tripes devant nous, Scott Kelly essore littéralement son maillot de joueur de hockey, les voix de Scott et Steve fonctionnent de pair, le groupe ne fait plus qu’un. 

Il est plus de 0h30 lorsque Neurosis décide de signer la fin de cette prestation entière. 

Ces gens là ne font définitivement pas semblant.

Jour 4 – Passos Manuel
The Leaving  / Steve Von Till

Puisque les meilleures choses ont une fin…

C’est dans un cadre complétement différent que se clôture l’ Amplifest. En effet c’est dans un vieux théâtre au style désuet et de toute beauté que vont avoir lieu les 2 dernières prestations.

Les gens sont donc assis, la salle est comble quand The Leaving entre en scène. Dans un premier temps seul avec sa guitare acoustique, puis accompagné au piano, il nous distille des compositions folk épurées, parfaites pour clôturer ce festival. 

Arrive ensuite l’un des héros de la veille, Steve Von Till. Je dois reconnaitre que je ne suis pas un grand fan des projets annexes qui gravitent autour de Neurosis (à part le 1er Correction House dans ses largeurs).  Son “A Life Unto Itself” aura mis du temps à me convaincre, mais désormais je dois reconnaitre qu’il a réussi un album solo d’une richesse exceptionnelle. Richesse qu’il a distillé avec la sobriété qui est la sienne lors de ce concert. Encore une fois ce soir, le minimalisme est de rigueur. Quelques pédales d’effet, une lumière fixe, une guitare, et une voix exceptionnelle, capable de scander les pires brulôts de Neurosis depuis tant d’années, mais également de nous plonger dans une mélancolie âpre, qui ne délivre tout son potentiel que si on s’implique dans son univers.

La lumière s’éteint, la guitare ne raisonne plus.

L’ Amplifest 2016 est désormais fini.  Des moments de communion exceptionnels et rares avec des artistes qui n’étaient pas sur la retenue. Le tout qui plus est, dans une ambiance amicale, détendue sans parler de l’excellente organisation. Bref,  checkez la prog’ l’an prochain. Moi c’est déjà prévu.

"Les amateurs de musique ont ceci de pénible qu'ils nous demandent toujours d'être totalement muets au moment même où nous souhaiterions être absolument sourds." O.W.

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