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RATKING - So It Goes (2014)

Portrait de Mathieu
RATKING - So It Goes (2014)

Si vous reveniez au début des années 2000, vous n’auriez pas pu explorer un campus américain sans manquer de voir au moins un adolescent trop occupé à écrire sur un carnet pour aller en cours. Sac à dos, baggy et lunettes, tel était le profil du rappeur back pack, un courant affilié à des labels tels que Definitive Jux, le label de El-P (Company Flow, Run the Jewels) ou Anticon, label de DoseOne (Subtle, CloudDead) et compagnie, et parfois appelé aussi Abstract hip hop.

Ces termes ne veulent aujourd’hui plus rien dire et des figures de proue du monde du rap indé tels que MF DOOM ou le susnommé Jaime Meline (véritable nom d’El-P) sont désormais bien inclus dans la scène rap. Plus besoin de segmentation quand il n’y a plus de scène à proprement parler. Ratking vient cependant nous rappeler à l’esprit cette époque sans pour autant faire dans le nostalgique.

Au lieu de groover, les deux rappeurs de Ratking posent leurs voix sur des loops saturés et hypnotiques.

Ratking ne s’attache donc pas à la vague nostalgique de la golden era et tourne son attention vers des loops de voix et des beats plus secs. Au lieu de groover, les deux rappeurs de Ratking posent leurs voix sur des loops saturés et hypnotiques. Wiki possède une voix nasillarde rappelant Evidence des Dilated People tandis que Hak pose avec un flow similaire à celui de Danny Brown. Le premier est néanmoins celui que l’on entend et retient le plus sur ce disque et il guide avec son flow des morceaux à la structure libre rappelant les expérimentations de Ill-Bostino des Japonais de Tha Blue Herb sur l’album Sell our Soul.

Bien que les instrumentaux composés par Sporting Life rappellent beaucoup le travail du producteur Flatlander de Death Grips sur No Love Deep Web, on peut toutefois entendre l’origine new yorkaise du groupe par le biais d’un saxophone perdu dans la brume metallique de Snow Beach (l’un des meilleurs titres de l’album) ou So Sick Stories rappelant Labor Days d’Aesop Rock et Blockheads.

So it goes arrive à contre-courant avec la même détermination que lorsque Fantastic Damage sortit en 2002.

Si Definitive Jux existait encore, Ratking figurerait sûrement chez eux. Le groupe a d’ailleurs été révélé au grand public en ouverture d’une tournée de Run the Jewels. Il n’y a pas de doute qu’El-P ait vu chez eux un peu de lui-même tant So it Goes arrive à contre-courant avec la même détermination que lorsque Fantastic damage sortit en 2002 avec ses battement industriels et ses samples distordus par le conflit permanent des cultures dans les rues de New York.

Ratking ne s’attaque donc à une aucune tendance actuelle et réactualise ainsi la notion de rap indépendant sans pour autant rendre hommage explicitement aux artistes qui l’ont forgé il y a dix ans. Le seul défaut de So it Goes se trouve dans sa durée et son absence d’accroche explicite. Le premier disque de ce quatuor ne s’apprivoise donc pas aisément mais c’est là aussi que repose tout son mérite.

 

RATKING - So It Goes (2014)
RATKING
So It Goes
*
Canal
Snow Beach
So Sick Stories (feat. King Krule)
Remove Ya
Eat
So It Goes
Puerto Rican Judo (feat. Wavy Spice)
Protein
Bug Fights
Take/Cocoa '88 (feat. Salomon Faye)
25/02/82, 1m80, à peine 60 kilos et élevé pour parcourir le macadam parisien de refuge en refuge jusqu'à son déménagement à Londres. Chroniqueur rock de 2004 à 2010 sur Eklektik-rock puis sur la fille du rock depuis 2010, bibliothécaire 2.0 depuis 2008, passionné de musique (metal, jazz, rap, electro …) et de comics. Ecrit aussi en anglais sur Delay and Distorsion (Chronique musicale).

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