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Goetia (Gatineau)
Les heures de gloire du style post-metal se dissipent doucement. Avec la mort des légendaires Isis et le vieillissement de formations comme Neurosis et Cult Of Luna, ce genre musical se recouvre peu à peu de poussière. Malgré tout, cette sonorité restera toujours aussi recherchée et émotive. Certes, les riffs les plus formidables ont déjà vu le jour, mais il n’en reste pas moins intéressant de plonger le nez dans un bon album de ce style occasionnellement. C’est exactement ce que le quatuor canadien Goetia vous propose avec ce premier album intitulé Le Vide.
C’est tout près de la frontière entre l’Ontario et le Québec que les quatre musiciens composent leur savoureux post-metal. Les riffs de cet album murissent depuis plusieurs années déjà et il n’est pas évident de déceler qu’il s’agit de leur première parution. La maturité acquise depuis la création du groupe en 2006 et les influences de grande qualité vous assure un voyage grandiose. Les expérimentations qui habitent cet album vous transporteront en terrain connu, mais terriblement planant et percutant. Les influences ambiantes et post-rock permettent une très bonne aération des compositions. Le fabuleux travail de masterisation fait par Alan Douches donne une puissance inattendue aux cinq compositions. C’est sans surprise puisqu’il est reconnu pour son travail infaillible sur des albums de Baroness, Black Tusk, Buried Inside, Fuck The Facts, Kruger, The Great Sabatini, Mastodon, High On Fire et la liste continue encore longtemps… Le Vide a mis beaucoup de temps à voir le jour, le groupe travaillait sur son enregistrement depuis 2009, heureusement pour nous le résultat en vaut absolument l’attente. Je vous invite à y jeter une oreille si vous avez envie de découvrir l’un des groupes phares du post-metal au Canada.
Goetia - Le Vide
1 - Starvation (14:01)
Rien de moins qu’un morceau de quatorze minutes pour amorcer l’album. L’ambition se ressent dès le premier riff de Starvation, cet album n’a pas été fait pour s’amuser. Le son massif des guitares et la voix creuse du chanteur vous encerclent à l’aide d’un rythme répétitif et envoûtant. Les premières minutes de ce titre sont surprenantes, la voix écorchera agréablement vos tympans et la mélodie vous permettra d’atteindre l’état d’esprit nécessaire pour savourer l’album. La table est mise pour un long périple qui prend forme à travers les riffs simples, mais redoutables de Mathieu et Benoît. Après la cinquième minute, la voix se range et les guitares entament leurs discours, le tempo se tranquillise et votre cerveau ne peut qu’accepter cette portion si magnifique du voyage. C’est un véritable délice, digne des grands compositeurs en matière de post-rock. Le martèlement cyclique des guitaristes se transforme en délicatesse absolue, ce qui permet de comprendre toute l’étendue du talent de ces musiciens. Le bassiste se permet même un magnifique segment où ses cordes semblent nous raconter une histoire des plus tristes, ce qui nous mène ensuite vers un solo de guitare typique du genre. Le chanteur revient ensuite crier quelques phrases pour conclure l’expérience en force et le morceau se termine déjà, c’était les quatorze minutes les plus courtes de ma vie.
2 - Graves (3:49)
Cette transition est le sentier le plus merveilleux qu’il est possible d’emprunter pour migrer vers le point culminant de l’album. Graves est une totale réussite qui permet de prendre conscience du spectre sonore très large dans lequel Goetia désire nous emmener. Ce morceau instrumental propose d’admirables idées, les guitares sont tout simplement sublimes et prédominantes. Le titre du morceau évoque de lui-même son contenu, nous avons l’impression que nous sommes en train de flotter au-dessus d’un champ de bataille où la vie n’est plus chose courante et où le désespoir de l’humanité se ressent à des kilomètres à la ronde. La tristesse qu’évoque ce morceau nous pousse délicatement vers l’abysse dans lequel Goetia désire nous diriger.
3 - Overseas (10:28)
Et BAM! Un riff intransigeant vient se dresser devant nos yeux, tel un mur infranchissable. Notre mâchoire est déjà décrochée, pourtant le chanteur vient nous affliger un coup de point directement sur le museau. Les deux premières minutes d’Overseas sont une véritable décharge de négativité, il s’agit véritablement du titre phare de ce disque. Heureusement pour notre santé mentale, un ralentissement de cadence vient nous surprendre à la deuxième minute. Cette idée ingénieuse est bénéfique puisqu’elle permet l’épuration d’une composition qui s’annonçait lourde et hermétique. Le chant n’est pas sans rappeler celui de leurs défunts confrères de Mountains Unfold, un groupe post-metal de la ville de Québec. La voix se rapproche beaucoup du style hardcore, elle est très creuse et agressive. Les passages clairs sont pratiquement inexistants, les guitares parviennent en quelque sorte à compenser l’absence de variation du chant. Les segments planants sont omniprésents sur ce morceau, les martèlements envoûtants de la batterie vous étourdiront à souhait. Comme le titre de l’album l’évoque, il s’agit d’un véritable voyage mental où l’on frôle le néant, le pari est définitivement réussi pour Goetia. Le final d’Overseas saura vous convaincre, le meilleur argument est de simplement l’écouter par vous-même pour en vérifier la beauté.
4 - Heliotrope (10:42)
Ce quatrième morceau est le premier enregistré par le quatuor, il laisse d’ailleurs transparaitre toute la puissance de leur début. L’introduction rappelle, dans le bon sens du terme, le chant et la hargne de Chino Moreno de Deftones. Cette expérimentation vous surprendra certainement, puisque le timbre vocal ne s’apparente à aucun autre segment du disque. Les guitares, quant à elles, penchent plutôt dans une tangente post-rock qui vous plongera dans le même genre de compositions auquel le groupe montréalais Milanku vous a habitué au fil des années. Même si la cohésion avec le reste de l’album se ressent un peu moins, Heliotrope est une composition très pertinente et forte. La fureur et le mal de vivre sont d’autant plus présents dans la voix du chanteur. Une profonde mélancolie colle à ce titre, qui est sans aucun doute le plus triste de l’album. Malgré la longue durée d’Héliotrope, Goetia ne parvient pas à nous ennuyer et frappe constamment dans le mille. Certains passages de guitare sont si costauds qu’ils nettoieront la crasse qui s’accumule sur votre peau, c’est ce que j’appelle prendre une douche sonore. Disons simplement qu’il s’agit d’une mission accomplie pour ce quatuor québécois.
5 - Néant Derthal (8:42)
Néant Derthal, seule composition qui semble comporter des paroles dans la langue de Molière, ne se détache pas de l’harmonie générale du disque. Les cris fabuleux des chanteurs tiennent plus que jamais la route, je dirais même qu’il s’agit des segments vocaux les plus intéressants. En milieu de morceau, la ligne de basse est captivante et exquise. La composition coule comme du bon vin et le véritable objectif se rapproche enfin, faire le vide. Après huit minutes de déchéance, la pièce se termine froidement sous le son languissant de la guitare. Nous sommes enfin parvenus à la finalité de ce superbe album de post-metal. Goetia se démarque des autres formations du même style qui oeuvrent dans notre province. Globalement, les mélodies sont riches et éclatantes, les compositions ne vous laisseront pas le temps de sombrer dans l’ennui. Un incontournable pour votre discographie de musique locale.
Chroniqueur montréalais pour Pelecanus depuis juin 2010 ayant participé à l'organisation de concerts ainsi qu'au défunt projet de webradio. |
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