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Mountains Unfold : "On ne se connaissait pas avant"
En mai dernier, Pelecanus a eu la chance de partager un bref instant avec deux musiciens de la formation post-métal Mountains Unfold. Ils étaient de passage pour une dernière fois dans la métropole québécoise avant de jeter la serviette. Ce fut l'occasion idéale pour faire le bilan de la courte carrière de cette formation originaire de la ville de Québec. Voici le résumé de ce que Philippe (chanteur) et Luc (guitariste) avaient à nous raconter concernant leur expérience dans cette formation phare du post-métal québécois.
Cette entrevue se fait dans un contexte de phase terminale pour Mountains Unfold. Que reste-t-il dans votre parcours avant que tout ne s'éteigne pour de bon?
Luc (guitariste) : Je vais te le dire et je ne le dirais pas en même temps, on est sous contrat pour ne pas le révéler avant le 28 mai. Il y a quelque chose de prévue pour le show d'adieu à Québec, mais en même temps ça va s'insérer dans quelque chose d'un peu plus gros. On va pouvoir l'annoncer sous peu. (Concert au Festival OFF de Québec avec Yamantaka//Sonic Titan et Grand Morne)
Phil (Chanteur) : On a aussi tapé dernièrement nos quatre dernières chansons qu'on devait enregistrer même si le band finit bientôt. Question de garder ça pour nous autres.
À quoi devons-nous nous attendre pour ce dernier EP. Qu'aura-t-il de différent par rapport à The Furnace?
Luc : Ça va ressembler pas mal à The Furnace en termes de longueur, par contre on s'est permis d'intégrer aussi quelques intermèdes sonores, des soundcapes qu'on avait déjà utilisés à certains moments dans les concerts entre les chansons pour faire une espèce de trame continue. On a pris des extraits de ces effets sonores et de ces compositions instrumentales pour faire certaines transitions entre les pièces. Mais là encore, on reste relativement court, on parle d'environ 25 minutes de musique au total.
Phil : C'est ça, presque une demi-heure dans le fond. Nos différences majeures ont été de décider de taper en studio plus sérieusement si on peut dire. On avait enregistré le premier live à la Maison de la Culture Frontenac à Montréal avec le gars de Hell's Kitchen. C'était une belle expérience, mais ça ne nous avait pas satisfait côté sonore comparativement à ce qu'on pouvait reproduire en show.
Luc : C'était pas optimal pour la production parce que le concept de l'enregistrement incluant la réalisation du vidéoclip faisait en sorte que c'était beaucoup plus comme une fin de semaine intense de travail multimédia et ensuite tout était terminé et on avait le package de prêt. Tandis que ce coup-ci on allait en studio pour vraiment nous concentrer sur la production.
Phil : Prendre le temps de le faire aussi, pas se stresser à tous jouer ensemble live. S'il y avait un petit accroc, on recommençait tout. Le fait de pouvoir faire des overdups va rajouter une richesse au son qu'on n’avait pas été capables d'avoir en enregistrement avant.
Avez-vous une date de sortie en tête concernant ce nouveau EP?
Luc : Là on est encore au mix, on a tout juste commencer. Ça devrait être fini d'ici la mi-juin pour une sortie début juin ou mi-juillet.
Phil : Pour le dernier show, ça va être sorti. Donc les gens vont pouvoir écouter, mais ceux qui sont déjà venus nous voir jouer on pas mal tout entendu ce qu'il y aura sur le EP. Peut-être une toune ou deux gros maximum qui n’ont pas encore été jouées. À Montréal non par contre, parce que ça fait presque un an qu'on n’est pas venu jouer. C'est tellement long quand on compose.
Luc : Ces quatre tounes là qu'on enregistre actuellement pour le EP, c'est les quatre chansons qu'on a composées à la suite de The Furnace (paru en 2008). On n’a rien d'autre, on garde beaucoup le matériel qu'on fait puisqu'on en a très peu. On s'est consacré à bien des choses en même temps. C'est un peu pour ça qu'on met fin au band.
Considérez-vous cet album comme un testament pour votre formation?
Luc : Oui mais je ne le verrais pas d'une manière solennelle, c'est pas pour la postérité ou quoi que ce soit. C'est vraiment pour nous autres au départ, les gens se demandent un peu pourquoi on prend la peine d'enregistrer alors qu'on arrête. Surtout qu'il n'y aura probablement pas de sortie matérielle sachant qu'on n’allait pas tourner pour en faire la promotion. On va tenir ça tranquille de ce côté-là.
Phil : Personnellement, je trouve que c'est le meilleur stock qu'on a fait, c'est plus assumé, c'est plus mature même si c'est un peu cliché de dire ça.
Luc : À chaque fois qu'on a enregistré dans le band, l'impression du groupe en général c'était super le fun, tout allait bien, on aime bien le produit qui sort. Sauf qu'on se dit tout le temps qu'on aurait voulu faire ça et ça, on aurait peut-être aimé mettre plus de temps en studio. Parce que côté production ce coup-ci on s'est vraiment gâté avec l'instrumentation, les overdups de voix, etc. On voulait en faire plus et on est arrivé à un niveau de travail achevé beaucoup plus intéressant.
Comment le projet de Mountains Unfold a-t-il vu le jour au départ? Étiez-vous dans des groupes communs?
Phil : J'ai rencontré un gars à ma job, on s'est mis à jaser parce qu'il revenait souvent. On tripait sur la même musique, donc on s'est dit qu'on partirait quelque chose. Moi je connaissais Hugo (Batteur) parce que j'avais déjà eu un band avec lui quand je restais à Rimouski. Max (ancien guitariste) connaissait Luc donc ça faisait déjà un deuxième guitariste.
Luc : Le gars dont il parle c'est Maxime Breton qui était le second guitariste au début du temps que ça s'appelait Sovereign, avant même qu'on prenne le nom de Mountains Unfold.
Phil : Et Luc connaissait Éric le bassiste, alors c'est comme ça que ça s’est formé. Maxime a décidé de quitter pour continuer ses projets personnels en sérigraphie après les six premiers mois d'existence du groupe. Il a fait trois tounes et il est parti. Après ça, on a envoyé un genre d'annonce sur quebecpunkscene.net pour trouver un guitariste. On a eu un gars qui est venu et c'était pas top, ensuite Fred est arrivé et il était celui qui fittait le plus dans la gang.
Luc : Ça prenait un background assez hybride au départ, une bonne ouverture. Fred avait ce qu'il fallait, on n’est pas des gars qui se prennent trop au sérieux non plus même si on met beaucoup de focus dans la musique qu'on joue. C'était important d'avoir une camaraderie et une chimie.
Quel est le plus beau souvenir relié à Mountains Unfold?
Phil : Il y en a plusieurs, mais pour moi c'est le fait de créer quelque chose. Je suis illustrateur, je crée des dessins et des peintures. Par contre, le fait de pouvoir le faire avec d'autres j'ai trouvé ça vraiment hot. On est tous des tripeux de musique solide, le fait de construire quelque chose ensemble était génial. À toutes les fois qu'on allait jammer, qu'on faisait des shows, ça toujours été une belle expérience même si c'était pas toujours facile. L'ensemble de tout ça est inoubliable. La chimie qu'on avait, l'amitié que cela nous a apporté. On ne se connaissait pas avant, je connaissais seulement Hugo et c'est tout. Bien sûr les shows, j'ai toujours aimé jouer live avec ce band là. On en a eu des solides qui étaient vraiment cool.
Luc : Moi si j'avais à choisir mon meilleur souvenir, ce serait quand on a joué à Rimouski avec Buried Inside. Ça avait vraiment viré pas pire.
Justement, parmi tous les artistes avec qui vous avez joué, lesquels vous ont le plus marqué?
Luc : Oui Buried Inside, mais The Great Sabatini je te dirais pour moi. Ils m'ont beaucoup marqué avec la musique qu'ils jouaient, le style d'ouverture qu'ils prônaient. Ils travaillaient pas avec des normes stylistiques précises.
Phil : Ils avaient un peu le même feeling que nous autres. C'est devenu des amis de musique, on les a fait venir souvent à Québec. Qui d'autres? Ah KEN Mode, c'est hot de jouer avec un band que tu as écouté depuis leur premier album et que tu tripais bin raide chez vous.
Luc : On a fait quand même quelques shows avec eux, trois ou quatre. On est devenus ami aussi avec eux, on avait une bonne relation avec les gars.
Phil : Mares Of Thrace aussi c'était vraiment cool. Quasiment tous les bands, sérieux.
Luc : Appart Tora Tora peut-être, eux autres je les ai pas aimés, je vais le dire bien franchement. Dans le fond c'est probablement ça, si on avait à parler à la fois des souvenirs et des groupes qui nous ont influencés. Ce sont les rencontres et le fait d'évoluer dans la scène heavy, post peu importe, hybride qui nous ont marqué. Des groupes de Québec comme Cold North, Khan, des trucs comme ça.
Quand un groupe meurt, il y en a toujours d'autres qui vont prendre la relève. Est-ce que vous avez quelques groupes de Québec à nous suggérer?
Luc : Cyanide Eyes qui est quand même relativement récent, les gars sont super motivés. Un des gars s'occupe d'une agence de booking DIY, il book des shows de maison. Des trucs qui peuvent paraître sauvages pour certains, mais c'est ça la scène.
Phil : Moi je trouve que Khan est un band à surveiller, un genre de grind bizarre.
Luc : Grand Morne que j'ai entendu récemment, ils mériteraient beaucoup plus d'attention. Black Khox, du stoner metal bien dirty et il y a aussi Drogue. La scène à Québec se porte bien, il y a beaucoup de bands.
Nous avons parlé des bons concerts, maintenant quel est le pire concert que vous ayez fait durant vos six années d'existence?
Phil : Le pire, Trois-Rivières.
Luc : Non c'était à Notre-Dame-du-Bon-Conseil.
Phil : Ouais, mais c'était pas pareil. On a joué beaucoup de concerts, dont un à Trois-Rivières et deux à Sherbrooke où il y avait seulement les gars des autres bands. C'était totalement ridicule, avec 20$ de gaz avec deux chars pour retourner chez nous. Pis dans une de ces mini-tournées là, on est allés à Notre-Dame-du-Bon-Conseil, au Grind Your Mind Land. C'était une drôle d'expérience, très louche.
Luc : Pour la quantité de shows de bar qu'on a fait, tu peux toujours te dire qu'il y a du monde scraps, ça se peut que la marde poigne. Tandis que là, il y avait un réel sentiment de danger. Que s'il y a des problèmes, il y a vraiment zéro norme de ce qui est tolérable ou non de faire.
Phil : Et en plus on n’aurait pas vraiment eu le temps de partir parce que tout le gear était encore là. Moi j'ai pas tripé.
Luc : D'ailleurs quand on est parti, ça commençait à chauffer un peu plus.
Phil : On a eu plus de belles expériences, le fait de faire les voyages pour aller à Trois-Rivières par exemple. C'était drôle, on était entre chums et on s'amusait. On faisait le show et on s'en allait après, on n’était pas fâché s'il y avait pas grand monde. J'ai eu quelques frustrations à faire des kilomètres pour faire des sets de vingt minutes devant dix personnes qui n'en avaient rien à câlisser, peut-être que je suis rendu trop vieux. Je partirais jamais en grosse tournée.
Pourquoi ne pas avoir tenté de faire persévérer la carrière du groupe? Étiez-vous rendu à la croisée des chemins?
Luc : Je dirais que l'élément déclencheur au départ fut le départ de Fred à Montréal. On pourrait le remplacer puis vouloir continuer, mais le mode de composition de Mountains Unfold fait en sorte que c'est très important d'avoir les personnes en place pour que ça sonne comme on le veut. La signature du son doit vraiment être celle de Mountains Unfold si on veut. Pour le reste, il y avait les projets personnels chacun de nos côtés qui nous tiraient pas mal. Comme on avait consacré pas mal de temps au groupe, on a décidé d'arrêter. Ça nous paraissait tout à fait normal, d'un autre côté quatre des membres vont rester à Québec. On ne sait pas ce qui va arriver, mais on pourrait continuer sans que ce soit Mountains Unfold. Pourquoi se retenir?
Phil : C'est un peu notre forme d'art, d'expression, je pense pas qu'on puisse arrêter ça de même ou dire qu'on arrête totalement. On reste ouverts.
Luc : D'ailleurs, les membres du band vont garder le local de pratique. Advienne que pourra pour la suite, mais on se garde cet espace-là pour expérimenter et triper. Ce sera probablement pas la même discipline et la même fréquence qu'avec Mountains Unfold.
Phil : Dans un sens, on est encore en criss, on a encore de quoi à dire. La société nous alimente bien.
Luc : Nous vivons bien, mais tant qu'on va être un peu aigri par la vie, ça risque de sortir comme ça. Moi j'ai déjà de la musique à offrir en masse, du nouveau stock que je pourrais utiliser si Mountains Unfold continuait. Mais d'un autre côté je vais avoir une petite fille, ma vie va super bien avec ma blonde, alors tout ce qui sort maintenant n'a plus cette même humeur-là, où tu peux te concentrer sur ce qui va vraiment mal. Ce qui te fend en dedans.
Chroniqueur montréalais pour Pelecanus depuis juin 2010 ayant participé à l'organisation de concerts ainsi qu'au défunt projet de webradio. |
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