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Mono, 11/12/2014 @ Trabendo, Paris
11 décembre, Trabendo à Paris : le charme du post-rock japonnais opère... différemment. Que l'on travaille pour Pop Is On Fire ou Pelecanus.
L'amour de la musique passe parfois par des voies différentes. La passion se joue des étiquettes : l'on peut avoir des goûts et des backgrounds musicaux distincts, et au final apprécier un même groupe, ou le même concert. Certes les raisons et sentiments seront différents, mais ils n'en sont pas moins valables.
C’est ainsi que Mathieu, collaborateur de Pelecanus et Stéphane, même rôle chez Pop Is On Fire, se sont retrouvés à l’occasion du concert de Mono au Trabendo.
Le dialogue reconstitué ici est celui de deux passionnés de musique, endossant avec joie les costumes de Statler et Waldorf du rock indé. Rôles paradoxaux, car s'ils se retrouvent avec enthousiasme autour de Sonic Youth ou des Pixies, le désaccord est complet lorsqu’il s’agit des Tindersticks ou de NOFX.
Et en ce soir de décembre au Trabendo, alors ? Tandis qu'Helen Money propose en première partie un set très expérimental, reposant sur un violoncelle électrisé, mis en boucles et distordu, le désaccord commence dès l’approche du comptoir. Bière d'un côté. Vin de l'autre.
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Stéphane (Pop is On Fire) : C'est marrant, j'étais déjà là hier soir, pour Brns, des Belges dans la lignée de dEUS. Et le public était nettement plus pop. Tu aurais pu me prévenir que je devais m'habiller en noir et me laisser pousser les cheveux. Et elles sont où les hipsters ?
Mathieu (Pelecanus) : Tu as toujours été un grand romantique, sensible à la présence féminine dans les concerts. Mais tu es aussi venu pour en prendre plein les oreilles, non ? Moi en tout cas je les attends de pied ferme ces Japonais. Première fois que j’ai l’occasion de les voir. J'ai pourtant découvert le rock japonais il y a plus de 20 ans avec les fous furieux de Ruins, un duo basse/batterie dans la lignée de Magma. Alors Gambaré comme ils disent là-bas !
Stéphane (Pop is On Fire) : Mais c'est bien ce qui m'intéresse chez eux ! Un groupe qui va au bout de ce que je picore et retrouve de façon parcellaire chez certains musiciens que j'écoute au quotidien. Tiens, les Boo Radleys par exemple, dont j'adore les côtés pop. Leurs passages bruitistes ouvrent une porte, mais on reste sur le palier. J'attends de tes Japonais qu'ils me prennent la main et m'emmènent au bout du couloir. Oui, qu'on aille jusqu'au bout de cette voie.
[Le concert commence]
(Un concert tout en finesse comme on pouvait l’attendre de la part d’un groupe qui maîtrise à la perfection l’art de la tension et du contrepoint. La puissance sonore déployée par le quatuor cloue le public sur place lorsque s'enclenchent les montées de guitares. Sur scène, les membres du groupe communiquent peu mais en quelques échanges de regards entre la bassiste Tamaki Kunishi et le guitariste Takaakira Goto, on voit les morceaux prendre forme comme sur le crescendo de “For My Parents”)
Mathieu (Pelecanus) : Alors ?
Stéphane (Pop is On Fire) : Hum, j'ai eu le temps de repasser par le bar...
Mathieu (Pelecanus) : Tu regardes les concerts en dilettante ?
Stéphane (Pop is On Fire) : Non. J'ai retrouvé ce que je cherchais : les murs de guitare, le côté très noise. Mais les parties plus calmes m'ont un peu ennuyé. J'ai un peu décroché du coup.
Mathieu (Pelecanus) : Moi, je les ai pourtant trouvés excellents ce soir. J'ai retrouvé tout ce que j'aime sur disque chez Mono. Mais c’est vrai qu’on n'est pas dans une construction pop, avec couplet et refrain. On est plutôt dans une montée progressive de tension. Les parties calmes comme tu les appelles, je les ressens comme une exposition, comme on dit en musique classique, le moment d'installer une ambiance par la mélodie. Et après, quel plaisir de sentir venir la tempête, ou au contraire de détruire d'un coup l'édifice minutieusement construit.
Stéphane (Pop is On Fire) : Je reconnais que je ne perçois pas tout cela. Peut-être tout simplement parce que je ne suis pas musicien. Tout ce que tu décris, je ne l'entends pas. Du coup je dirais que mon abord de la musique est totalement, disons, empirique voire épidermique. Il est probable que ce soit accentué par le fait qu'il s'agit d'une musique totalement instrumentale. Alors que les paroles, le texte, auraient été un domaine que je maîtrise davantage.
Mathieu (Pelecanus) : Pourtant je suis sûr qu'il y a pas besoin d'être musicien pour ressentir cela. Pas plus que de prendre de l'acide pour aimer la musique psychédélique. Bon d'accord, pour le second exemple, ça aide un peu. Passons. En tout cas le ressenti dans un concert comme celui-là dépasse de loin le simple trip psychotrope. Tu l’as vu, le public était plutôt trentenaire ou quarantenaire, ça remuait la tête en rythme, avec pas mal de cheveux long. C’est une musique qui laisse beaucoup de place pour l'improvisation. La répétition de structures rythmiques et mélodiques a un côté un peu hypnotique, quelque chose qui emporte loin les spectateurs.
Stéphane (Pop is On Fire) : Qui m'ont plu évidemment, d'autant que je suis fatigué des concerts « pop » où l'on ne fait que reproduire l'album. Mais tiens en parlant de pop, le Wedding Present ne fait jamais de rappel. D'ailleurs ils blaguent là-dessus. Mais quand Mono ne fait pas de rappel, et sans blaguer, j'ai failli y saisir une pointe de prétention...
Mathieu (Pelecanus) : Prétentieux ? Non je ne pense pas. Je dirais plutôt que quand on écoute une musique comme celle là, qui repose sur le fait de créer une ambiance, le concert est ressenti comme un tout. Un voyage. Avec un début, un milieu, une fin. Quand tu as terminé ton voyage, tu ne retournes pas sur tes pas pour le plaisir de refaire le dernier kilomètre en passant par une autre route, non ? Et tiens, c'est même moi qui vais faire mon prétentieux : au Japon, ce qui caractérise la beauté est avant tout son caractère éphémère. Le vent sur une rizière, la fleur de cerisier qui se détache de l'arbre. Et bien ce concert de Mono c'était un peu pareil : on a vu quelque chose de beau parce qu’éphémère. Des constructions fragiles, avec des collisions entre murs de guitares et mélodies.
Stéphane (Pop is On Fire) : Mais du coup, moi qui adore les haïkus, j'aurais préféré une forme... plus courte... Et tiens au niveau prétention, le public m'a quand même bien reposé par rapport à ce que j'ai l'habitude de côtoyer. Dans les concerts de rock indé. Où on se la pète quand même parfois sérieusement, à Paris notamment.
Mathieu (Pelecanus) : Pour moi le caractère magique de Mono, c'est leur capacité à évoquer la mélancolie, même en jouant à 160 décibels. Même si au final il y a peu de groupes dits « post-rock » qui me touchent. Mono, peut-être Slint ou Godspeed You! Black Emperor, et c'est à peu près tout. C'est pourquoi je veux bien croire que la forme ait pu te laisser un peu sur ta faim.
Stéphane (Pop is On Fire) : Certes, mais, si ce n'est pas le style qui me correspond le plus, cela m'a fait du bien de m'ouvrir à d'autres territoires, m'aérer l'esprit et en parler. D'ailleurs, tu viens pour Kid Francescoli ? C'est le 15 avril au Nouveau Casino...
Crédit photo : CSAOH / Andrey Kalinovsky
Mangeur de udons, buveur de whisky, amateur de sci-fi et de musique indé. Dilettante professionnel. |
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