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King Dude + Lussuria + Abschaum 07/04/2015 @ Petit Bain, Paris

Portrait de Annabelle
King Dude + Lussuria  + Abschaum 07/04/2015 @ Petit Bain, Paris

Si ce live report du concert de King Dude au Petit Bain en avril dernier ne vous décide pas à rejoindre la Greater Church of Lucifer, rien ne le pourra.

Le Petit Bain est un lieu chéri par beaucoup de Parisiens. Intime, atypique, la péniche offre un contexte singulier aux artistes qui viennent y performer, ainsi qu'au public qui se déplace pour les voir. Aujourd’hui, tout le monde s’y retrouve pour King Dude, ce qui explique le maigre groupe de personnes assistant à la performance de Lussuria en début de soirée. Fondé en 2007, le projet de J.Mroz mélange de jolies influences, celles de l’ambient industriel et de la noise chaotique essentiellement, préférant le bruit d’un siphon à celui d’un violon bien accordé. L’homme derrière ses platines est aussi froid que sa musique, ce qui finit par décider certains des rares badauds présents à s’en aller pour fumer une cigarette plutôt que d’écouter la suite. Peut-être est-il aussi un peu délicat de proposer en première partie d’un concert des sonorités à ce point cycliques et hypnotiques, qui demandent à nos corps un lâcher-prise total pour être parfaitement appréciées.

La suite arrive et change soudainement l’ambiance. Deux types sur scène, avec pour seuls compagnons leurs instruments, un micro et un ordinateur. Il s’agit des Français d’Abschaum, le projet solo de Chris Poincelot. Au fil des chansons, leur performance se révèle être une agréable surprise à deux têtes. Alors que résonnent la batterie frénétique et la guitare contaminée par les sons électroniques, il semble qu’il y ait dans leur musique autant de Daho que de Kraftwerk, au vu des mouvements de hanches saccadés qui finissent par se propager dans l’assistance. Un moment agréable qui met tout le monde de bonne humeur — a priori — pour accueillir l’incarnation du Porteur de lumière sur Terre : King Fucking Dude.

 

Un profane aux bonnes intentions

Ah, les lucifériens. Ces petites créatures sensibles. Difficile de suspecter l’homme qui se présente à nous de quelque complot avec le prince des ténèbres chrétien. Il se tient là, dans son plus simple appareil de musicien — avec sa guitare —, ses cheveux gominés, plaqués sur le crâne dans un mouvement uniforme, avec simplement quelques bougies disposées sur scène pour l’accompagner.

Le king de l’apocalyptic folk, le dude de tous les heureux venus l’écouter, avec son air de ne pas y toucher, a pourtant réussi à jouer les prédicateurs dans cette église en forme de bateau. Prenant son rôle d’ambassadeur honorifique de la Greater Church of Lucifer très au sérieux, King Dude ne plaisante pas. Alors oui, il nous parle de ses peines de cœur entre deux chansons, assis à son piano, le visage malheureux, à discuter avec nous comme si nous incarnions une sorte de confesseur uniforme (devant lequel il peut tranquillement descendre sa bouteille de Jack sans avoir besoin d’être pardonné pour ses pêchés). Mais malgré tout, il continue à chanter la gloire de son propre dieu, infatigablement.

Malgré deux crétins congénitaux bien décidés à péter l’ambiance par une démonstration absurde de virilité — laquelle est visiblement concentrée dans leurs poings mutuels —, Monsieur Dude réagit à la situation avec la sagesse d’un moine bouddhiste, prônant la paix et l’amour entre les hommes. Il se passe quelque chose de singulier dans la cale de notre embarcation. Nous sommes certes imbibés allègrement, mais tout de même, il y a alors un je-ne-sais-quoi de magique à entendre un ensemble de personnes reprendre en chœur les paroles d’une ode à l'espoir. Et l’Américain ne déçoit pas. De Lucifer’s The Light Of The World, Jesus in the Courtyard ou encore, l’un de ses plus beaux morceaux, Barbara Anne, l’homme gratte et pianote ses airs les plus aimés sous la forme d’un concert à la carte, demandant franchement ce que nous souhaitons écouter. Un intervalle intimiste dans nos vies que rien ne saurait perturber.

Comme le dit l'expression, le diable est dans les détails, et ceux qui composent King Dude sont d’un charme désarmant. N’est-il pas incroyable qu’un homme si doux puisse chanter la violence de l’existence avec tant de justesse ?

 

Crédits photos : Patrick Baleydier

J'ai plus de films d'horreur vus à mon compteur que l'enfant fantasmée de John Carpenter et Dario Argento. J'aime écouter de la musique et en parler, surtout ici.

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