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Forest Swords, par tous les chemins

Portrait de Annabelle
Forest Swords, par tous les chemins

Forest Swords peut tout aussi bien évoquer de vieilles légendes celtiques que des désodorisants pour voiture. Pourtant, à y regarder de plus près, on peut immédiatement balayer la seconde option du revers de la main. Matthew Barnes, le producteur de Forest Swords, est un British de Liverpool très talentueux qui a débarqué sur la scène electro expérimentale en 2009. Il n’aura pas fallu longtemps à la critique pour reconnaître à ce jeune rouquin désabusé quelques inspirations du Dieu Dagda, régnant en maître sur les éléments (et ici les mélangeants à son gré).

Maniant l’ambient comme mamie la recette de son pain perdu, Matthew Barnes mélange styles et influences, tout aussi bien dub, techno, drone, flirtant souvent avec le R n’B et le hip-hop. Si les strates oniriques se décousent toutes les unes après les autres à l’écoute de son premier album Engravings, sorti en 2013 (avec une des plus belles covers de cette année), il n’est pas difficile de soupçonner l’importance que prend une démarche artististique comme celle de Forest Swords en live. Son passage au Point Éphémère était l’occasion d’en être les témoins oculaires et auditifs.

 

Tester les limites des sons

Le moment redouté de la première partie s’est vu réduit à néant lorsque Holy Strays (de son véritable prénom Sébastien Forrester) a commencé à jouer, accompagné du saxophoniste Mickael Chevenement et de la danseuse contemporaine Ndoho Ange, absolument ensorcelante. En live, la musique électronique pose souvent la même question : une musique dansante va-t-elle cacher le fait que, concrètement, regarder un type s’acharner sur son Mac pendant une heure semble être la chose la plus ennuyeuse jamais proposée ? Les artistes ne manquent donc pas d’imagination à ce sujet, aimant plus les vidéos Nature & Découvertes comme Mondkopf, projetées sur écran géant ou bien, les danseuses comme Ndoho Ange en performance libre pour Holy Strays. Et autant l’avouer, l’idée est très bonne. Le public peut se dandiner librement en suivant d’un regard médusé les courbes lancinantes de l’artiste, spastique et irréelle sur l’air de Chasm. Le spectacle est complet.

 

Chaos organisé, l’art de mélanger les genres

Une fois remis de nos émotions, Matthew Barnes débarque, avec ce flegme anglais peint sur son visage. Un bassiste est là pour l’accompagner, ils s’installent tranquillement. Derrière eux, un grand écran sur lequel sont projetées différentes vidéos, souvent plutôt réussies, réalisées par MatthewBarnes lui-même. Pendant une heure, Forest Swords fait monter la tension, le son de la basse est entêtant, il marque le rythme tout autant que le musicien et ses boutons magiques. Le jeune Anglais n’est pas là pour nous faire écouter la pâle copie de son album balancée à plein pot sur de gros amplis, non, il veut nous faire danser et toute sa prestation est là pour le prouver. Si l’écoute de l’album chez soi s’accompagne facilement d’une tasse de thé, en live, Forest Swords donne envie d’aimer la vie. J’ai personnellement du mal avec la mauvaise habitude hystérique des jungle breaks, mais il semble qu’elle fasse ici son petit effet.

Pour Matthew Barnes, faire de la musique est comme « s’amuser avec des blocs de couleur et essayer de les faire s’agencer pour voir ce que ça donne ». Et effectivement, il regarde et épie la réaction de son public, apprécie de voir qu’effectivement, les gens dansent et répondent aux sons qu’il produit. On retrouve les mêmes jeux de répétitions, la même dub électrisée et instrumentale, l’intimisme de l’ambient. Lorsque le morceau Thor’s Stone commence, le public se plie au coup de masse de l'artiste. Cette dub en transition, prise dans sa chair originelle pour être modelée à son bon vouloir, résonne sur les murs du Point éphémère. Après le départ du bassiste, Matthew Barnes joue encore quelques morceaux, délibérément plus dansants. Il est véritablement plaisant de voir qu’ici, le jeune homme fait les choses pour son public et non pour lui-même (ce qui était le cas lors du live de Mondkopf à la Gaité lyrique, plus tôt cette année).

Forest Swords et tous ces artistes d’une supposée « nouvelle scène », dans laquelle la critique inclue Mount Kimbie, James Blake ou Burial, ont encore de beaux jours devant eux. À chaque concert, ils nous rappellent à quel point il est important de se déplacer pour les voir en chair, en os et en décibels.

J'ai plus de films d'horreur vus à mon compteur que l'enfant fantasmée de John Carpenter et Dario Argento. J'aime écouter de la musique et en parler, surtout ici.

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