Vous êtes ici

Ben Frost + Roly Porter + Insiden 30/06/2012 @ La Gaîté Lyrique, Paris

Portrait de Andrey
Ben Frost + Roly Porter + Insiden 30/06/2012 @ La Gaîté Lyrique, Paris

Il n'y a pas que le post-machinbidule dans la vie. Il y a aussi Ben Frost. Qui est-ce donc, me demanderont certains. Et bien, Ben Frost est le gars que j'adule depuis plusieurs années, en priant régulièrement Cthulhu pour qu'il passe dans le coin. Il faut croire que ça a fini par marcher, le bonhomme ramenant en effet ses machines dans les murs de la Gaîté Lyrique.

A peine entré dans la salle, je perçois le contraste avec les shows auxquels je vais habituellement: des gradins sont installés juste devant la scène, ne laissant qu'un petit espace pour passer, et y règne, dans une pénombre violette, une fraîcheur étonnante pour une salle de concert, comme si l'on voulait nous préparer à ce qui nous attend. Et ce qui nous attend, ce sont tout d'abord les Français d'Insiden.

Quatre personnes montent donc sur scène, aussitôt plongée dans une obscurité quasi-totale (réduisant donc à néant mes espoirs d'obtenir des photos potables), et s'installent derrière leurs instruments. Si tous les membres du groupe ont devant eux un ordinateur (par ailleurs, je ne verrai pas une seule fois les visages de deux d'entre eux, cachés par des écrans), des instruments plus conventionnels, tels qu'une guitare et un violoncelle, sont aussi de la partie... du moins, en théorie. Car, et ça sera le majeur reproche de ce set, tous les instruments sonneront comme des pads de synthé: des sons éthérés se mélangeant dans... une masse. Si au début j'ose espérer qu'il s'agit seulement d'une intro avant que le groupe entame le "vrai" set, une déception m'attend: toute leur prestation sera composée d'une juxtaposition et d'un empilement de reverbes aériennes et effets de synthé. Je peine donc vraiment à saisir une quelconque progression dans leur oeuvre, le groupe me donnant l'impression de constamment improviser, pendant que des images plutôt "deep" (comprendre: un triangle qui tourne sur un fond nuageux, puis sur un fond de pixels, puis en laissant des traînées, puis sans en laisser...) sont projetées sur un écran géant. Je lutte, en essayant tant bien que mal de m’imprégner de cette ambiance, mais ça sera un échec, l'ennui s'installant de plus en plus profondément dans ma tête au fur et à mesure que le set continue. J'ai beau chercher des points positifs, je finis toujours par en arriver à la seule conclusion que j'ai regardé un putain de triangle tourner pendant quarante-cinq minutes. Comme quoi, n'est pas Stars of the Lid qui veut.

Après ce set mentalement éprouvant (pendant lequel j'ai eu le temps de gagner une bataille de pouces, perdre trois-zéro à pierre-feuille-ciseaux et longuement réfléchir sur le sens de la vie), c'est avec une grande appréhension que j'accueillais Roly Porter, s'installant derrière une table remplie de câbles et de potards. Mais si le début me paraît assez laborieux, ce sentiment est assez vite chassé par des basses écrasantes et autres breaks inattendus. Et le set ne fera que s'améliorer, en dérivant vers des passages plutôt mélodiques (pas trop tôt !), allant même jusqu'à des moments presque cinématographiques, tout en violons et pianos. Ces moments seront cependant assez vite chassés par un autre déluge de basses, pour un résultat, selon un ami présent dans la salle, bien plus crade que sur album. Rien d'autre à dire sur cette heure, si ce n'est que l’éclairage ne fut qu'un poil meilleur, et que les projections ont été remplacées par des lumières dans le fond de la scène, s'allumant périodiquement, du plus bel effet. 

Bon, c'est bien gentil tout ça, mais c'est Ben Frost que j'attends, moi ! En vrai fanboy, je trépigne d'impatience et d’appréhension: combien de personnes seront sur scène ? A quelle setlist aura-t-on droit ? Est-ce que ce sera au niveau de mes attentes ? La réponse à la première question sera donnée assez vite, lorsque l'Australien/Islandais montera sur scène, accompagné de deux personnes: un batteur et une violoncelliste. Pas de cuivres ni de violons cette fois (comme ce fut le cas pour la tournée By The Throat), mais c'est déjà ça. Le set commence donc, et... la réponse à ma deuxième question est assez perturbante. Malheureusement, la sortie de By The Throat (mon album fétiche) datant un peu, on n'aura pas droit à des morceaux entiers de ce chef-d'oeuvre, mais le musicien, ne voulant visiblement pas jeter l'album aux oubliettes, utilisera par-ci par-là des bouts de celui ci. C'en sera assez frustrant d'entendre, par exemple, un bout de The Carpathians sans avoir droit à la suite du morceau, le musicien décidant de partir sur quelque chose de bien plus industriel et bruitiste. Néanmoins, le son est excellent, et on se prend dans les oreilles des véritables avalanches de basses, de grésillements et autres battements entremêlés. Par ailleurs, même si la coordination entre les musiciens semble un poil bancale par moment, la présence d'un batteur (jouant sur une batterie électronique) ajoute des subtilités supplémentaires à cette masse déjà plus qu'imposante, au point que, pour la première fois depuis longtemps, je ne mettrai pas de bouchons d'oreilles, ne voulant pas manquer la moindre petite note ou le moindre battement.

Si la première moitié du concert me paraîtra bonne mais pas transcendante, j'oublie tout lorsqu’arrive le troisième "morceau". Celui-ci commencera par la mélodie de O God Protect Me (frustration, encore...), puis dérivera encore vers quelque chose de totalement différent, mais bien plus calme et posé que les pièces précédentes. C'est donc une musique douce, voire même touchante qui parviendra dans nos oreilles, à coups de violoncelle allant jusqu’à rappeler par moments le chant des baleines, et de petits bips faisant penser à une chambre d’hôpital. L'ambiance est glaciale et à la fois d'une beauté époustouflante, et je retrouve rapidement tout ce que j'aime tant dans la musique de cet homme. 

Malheureusement, toutes les bonnes choses ont une fin, et voici venue la fin de ce set, après quasiment une heure, séparée en à peu près trois morceaux. Je me prépare à partir, quand, soudain, Ben revient sur scène, accompagné de son batteur. Un rappel ? A ce genre de concerts ?? Et oui, et pas un rappel de merde, mais plutôt celui qui ferait pâlir de honte trois quart de groupes à orientation rock/metal. Le musicien prend place derrière ses machines, murmure au public un "this one is beyond new", et se lance dans un morceau absolument incroyable. Des mélodies subtiles se mélangeant habilement sur un fond d’infra-basses qui nous font vibrer la poitrine et dont on attend avec impatience le retour lorsqu'elles disparaissent, des crescendos, des murs sonores, des chutes... tout y est. Je suis tout simplement abasourdi, et bois le moindre son avec avidité, jusqu'au moment où tout s'arrête et où les musiciens quittent la scène sous un tonnerre d'applaudissements. 

Alors, ce concert a-t-il répondu à mes attentes, sûrement un poil trop élevées ? Pas vraiment. Valait-il cependant le coup ? Sans aucun doute. Je me lève, j'ai les jambes qui tremblent, les yeux écarquillés, et n'arrive décidément pas à me remettre de la claque que je viens de me prendre. Une chose est sûre: le prochain album s'annonce tout simplement monumental.

J'aime les ours, le whisky et les internets.

Ajouter un commentaire