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Kylesa : "C’est un combat que de ne pas vouloir faire de la musique mainstream tout en continuant d’exister"

Portrait de François-Carl
Kylesa : "C’est un combat que de ne pas vouloir faire de la musique mainstream tout en continuant d’exister"

Mes attentes étaient très hautes concernant le passage de Kylesa à Montréal. Premièrement parce que je suis un admirateur, mais aussi parce qu'ayant réalisé un documentaire photographique sur le groupe en 2010, j’étais plus que curieux de les revoir. Ayant obtenu une entrevue auprès du booker pour Pelecanus, je m’adressai à Laura Pleasants à l'endroit même où j’avais conduit une entrevue pour ma démarche documentaire, il y a de cela près de 3 ans. Je ne savais pas trop à quoi m’attendre. Pendant le temps séparant leurs passages montréalais, plusieurs événements ont eu lieu, tels le départ et l’arrivée de différents membres et un nouvel album. Un peu fébrile, j’arrive au Il Motore, le même endroit où j’ai vu le groupe pour la dernière fois.

Ayant déjà questionné Laura au sujet de sa démarche artistique, je voulais cette fois l’interroger sur l’industrie de la musique et le renouveau d’intérêt pour le vinyle par les consommateurs. Elle s’est présentée dans la salle à l’heure convenue et le premier groupe de la soirée étant déjà monté sur scène, elle m’invite à la rejoindre dans leur autobus. Celui-ci, appartenant un peu plus à la famille des autocaravanes, était garé dans la rue adjacente au Il Motore. À l’intérieur se trouve Carl McGinley, le batteur, allongé sur un banc, écoutant un vieux film sur la télé et Philipe Cope assis à la table. « Hello François » dit Carl, avant de nous quitter et de nous laisser la place aux fins de l’entrevue. Philipe participera un peu à l’entrevue avant de sortir à son tour pour aller regarder un des groupes à l’intérieur de la salle de spectacle. Assis sur le banc où se reposait Carl il y a quelques instants, avec Laura à ma gauche et Philipe à ma droite, je débute en me renseignant sur les raisons de l’absence de Kylesa à Montréal.

 

La dernière fois que vous deviez jouer à Montréal avec Thrice, la tournée a été stoppée, que s’est-il passé ?

 

Laura : ma mère était très malade, je suis donc rentrée.



Le groupe a connu de nombreux changements... Où est Cory ?

 

Laura : à Savannah.

 

Est-ce qu’il joue encore dans Niche ?

 

Laura : Ouais, je crois qu’il est au clavier.



Quel effet ça fait de jouer à nouveau avec Eric (Hernandez) ?

 

Laura : c’était super !



Comment va Tyler ?

 

Laura : il va bien, il est à Savannah où il a un boulot normal. Il a l’air très heureux comme ça.



Qui est Chase (Rudeseal), votre nouveau bassiste ?

 

Laura : un musicien de Savannah. On a joué avec différents musiciens ces dernières années et on voulait vraiment un bassiste qui vivait à Savannah et qui pourrait jouer avec nous à n’importe quel moment. Il nous a été recommandé lorsqu’on cherchait quelqu’un du coin.



Phillip : il a joué dans plusieurs groupes. En fait j’ai déjà travaillé avec lui, c’est là que je l’ai rencontré et je l’ai trouvé très cool. J’ai pensé qu’il serait parfait pour nous.



Vous faites souvent des tournées en Europe, comment êtes-vous reçus là-bas ?

 

Laura : bien, j’aime aller là-bas...



Est-ce que cela aide outre-atlantique d’être signé sur le label français Season of Mist ?

 

Laura : cela nous a sans aucun doute aidé en France, mais cela fait plusieurs années qu’on travaille beaucoup en Europe, c’est donc difficile de dire si cela a fait une grande différence ou pas. On y a fait de nombreuses tournées, on est très bien reçus.

 

Félicitations pour Ultraviolet, qui a bien été accueilli, avez-vous ressenti une quelconque pression en essayant de conserver une qualité de publication ?

 

Laura : il s’agissait plus d’une pression personnelle que d'une pression externe. Pour un groupe qui existe depuis plus de dix ans, c’est important de sortir du matériel de qualité afin qu’on puisse continuer de grossir.

 

Philip a produit Ultraviolet, retravaillerez-vous avec un autre producteur ?

 

Phillip : et bien j’ai travaillé avec d’autres producteurs pendant toutes ces années et ce n’est pas exclu. Ça dépend, pour le moment c’est dur de dire si nous travaillerons avec quelqu’un ou pas, je n’ai rien contre. Il y a beaucoup de personnes avec qui j’aimerais travailler.



Penses-tu qu’avoir travaillé comme producteur a aidé à définir le son de Kylesa ?

 

Phillip : je crois que ça a aidé à développer le son, c’est certain. Je pense que le fait que je sois toujours là lorsqu’on écrit, à l’intérieur même du projet, y est pour beaucoup. Je connais tout le monde dans le groupe, ils me disent ce qu’ils recherchent personnellement. Je pense que personne ne les comprend mieux que moi. Je fais de mon mieux pour capter la créativité de chacun. Je ne doute pas qu’il existe plein de personnes qui connaissent tout un tas d’astuces que j’ignore. Je n’ai rien contre apprendre du début à la fin. L’un des meilleurs moyens d’apprendre reste de travailler avec d’autres personnes.



Ultraviolet déchire, comment gérez-vous la direction artistique ?



Laura : on connaît juste beaucoup de bons artistes, ce qui aide. Et on travaille très près d’eux, que ce soit l’illustrateur ou le graphiste. En travaillant avec eux on s’assure que l’illustration finale colle à notre vision, tout en laissant leur personnalité s’illustrer également.



Y a-t-il une raison particulière qui expliquerait que vous ayez changé les artworks des publications récentes de To Walk a Middle Course et Time Will Fuse It’s Worth ?

 

Laura : oui, on a remasterisé et remixé Time et on a pensé que ce serait cool de changer les pochettes puisque les originaux étaient épuisés. L’album est le même, mais c’est différent.



Les artworks précédents étaient ceux de Pushhead, John Baizley, John Santos, vous-même… cette fois-ci c’est Shaun Beaudry, comment avez-vous choisi son travail ?



Laura : un ami tatoueur me l’a présenté. Shaun travaille dans la boutique comme manager et il passe son temps assis à dessiner. Ricky, mon ami, a suggéré Shaun si nous avions besoin de travaux pour quoi que ce soit. J’ai jeté un oeil à son travail et l’ai trouvé vraiment bon. Alors on a commencé à parler.



Quizz ! Savez-vous combien de premiers pressages il y a d’Ultraviolet ?



Laura : je ne sais pas, je ne verrai sûrement jamais un seul exemplaire.



Phillip : ils ont tous été fait sans qu’on le sache. Ils sont apparus comme ça, mais ils sont cools ! Je n’en verrai sûrement jamais un exemplaire non plus.



D’après Discogs, 10 pressages différents pour un total de 3200 exemplaires.



Laura : même si on peut faire confiance à Discogs, ce n’est pas toujours vrai.



Phillip: “rires”, ça parait pas loin d’être ça !



Vous êtes vous-mêmes collectionneurs, quel est l’objet qui a le plus de valeur ?



Laura : je ne sais pas, je collectionne les vinyles, mais je ne suis pas une collectionneuse au sens propre. Je ne dépense pas énormément pour les vinyles. Je ne crois pas avoir dépensé plus de 50$ pour un album. J’en ai tellement que je ne crois pas avoir un vinyle préféré, à part peut-être concernant quelques albums de Kylesa, ils représentent tout pour moi. Je dirais peut-être le double 7” que Pushead a sorti sur Bacteria Sour il y a plusieurs années.



Phillip : je suis d’accord à 100% avec Laura. Je ne dépenserai jamais des sommes sur un album. Rien de ce que j’ai n’est si rare ou si magnifique. Je pense que mon préféré est un 7” de Contropotere, et c’est surtout celui auquel je tiens le plus. Je l’écoutais souvent et maintenant il est tout abîmé. Il n’est pas rare, c’est juste mon 7” préféré.



Laura : il est rare, je ne pense pas que beaucoup aient été sortis.



Phillip : je suis quasiment certains qu’ils sont italiens.



Je dois avouer que je remercie la façon dont Season of Mist a sorti vos albums. Beaucoup d’offres limitées mais pas de rupture de stock.



Laura : sauf qu’il y a rupture de stock ! Apparemment c’est un album difficile à choper.



Un second pressage est en cours, attendu pour le 19 juin, 500 exemplaires.

 

Laura : t’es sérieux ?



Phillips : *rires*



Laura : je n’étais même pas au courant !



Phillip : bah c’est bon à savoir ! Merci.



Que pensez-vous de ces labels qui ont recours à des pressages très limités, qui se font dévaliser, pour ensuite retrouver les albums sur eBay à des prix fous ?



Laura : ça craint... ça tue le collectionneur et c’est nul pour les fans ! Les fans doivent aller sur eBay pour acheter un album au double ou au triple du prix, et le groupe n’en profite même pas, les fans non plus d’ailleurs. Ça profite au connard qui l’a vendu sur eBay. Qu’ils aillent se faire foutre.



Phillips : *rires* Je ne partage pas complètement cet avis.



Laura : il faut aussi prendre en compte le fait que si un label sait qu’il ne va pas vendre 3000 exemplaires d’un album d’un groupe culte, mais sait qu’il va en écouler 500, financièrement parlant il va choisir d'en faire 500. J’ai eu cette conversation avec des gérants de labels et ils ont tous différents avis. Si tu engages de l’argent, c’est mieux de tout vendre plutôt que d’avoir un tas d’exemplaires qui te restent sur les bras, mais en même temps, cela devient plus difficile pour les gens de l’avoir. Ça dépend de la demande, et je ne pense pas que ce serait juste de ne sortir que 500 exemplaires. La plupart termineraient sur eBay.



Peux-tu nous en dire plus sur le business derrière la pré-vente ? Comment le commerce électronique, celui qui vous permet de traiter directement avec les fans en vous passant des disquaires, vous aide vous et votre label ?



Laura : c’est une question à poser au label. Je pense que l’idée derrière la pré-vente est d’offrir une édition spéciale pour ceux que ça intéresse et de leur assurer un exemplaire. Tu pré-commandes et tu n’as plus ça en tête, plutôt que de laisser passer la sortie de l’album et de te dire “oh merde, j’ai oublié d’acheter l’album et maintenant il n’y en a plus”. J’oublie tout le temps, j’essaye de pré-commander lorsque je veux vraiment quelque chose. Ça c’est l’avantage pour le fan.


En ce qui concerne le groupe, cela permet d’offrir quelque chose aux fans avant que ça n’arrive en magasin, avec peut-être une couleur ou un package spécial, en plus ils s’assurent de recevoir leur album. On a eu beaucoup de pré-commandes, j’aime ce que Season of Mist a fait avec les différents pressages. Ils ont le truc pour le packaging. Par contre là où ça nous affecte c’est qu’il y a eu tellement de pré-commandes, plus le reste envoyé aux distributeurs, qu’on n’avait plus grand chose à vendre en tournée. Dès le début on n’avait plus rien ! C’est l’inconvénient, on n’a pas pu mettre la main sur suffisamment d’exemplaires pour vendre lors de nos concerts. La pré-vente permet aussi au label d’avoir une idée de l’intérêt suscité par l’album.



Kylesa est très présent sur les réseaux sociaux, que pensez-vous de tout ça ?

 

Laura : c’est un mal nécessaire. Ce que je veux dire c’est que je passe beaucoup de temps à m’en occuper, on n’a embauché personne pour le faire. On s’en charge, il faut se bouger de nos jours ! Ne serait-ce que pour garder la tête hors de l’eau. On touche beaucoup de monde en tournée, mais avec les réseaux sociaux on touche toute la planète. Par exemple on a plein de fans en Indonésie, comment c’est arrivé ? On n’a jamais mis les pieds là-bas. C’est important d’être actif sur les réseaux sociaux parce que c’est le meilleur moyen de rester en contact avec les fans. Ils peuvent être en contact avec toi de n’importe où... à partir du moment où ils ont une connection internet. L’information va vite et reste accessible, je pense qu’il est donc important d’exister dans le cyber univers pour ne pas être oublié. La durée d’attention des gens est de plus en plus courte, y compris la mienne, ce n’est plus comme avant. Quand tu as accès à toute sorte d’informations et que tu es assis devant un ordinateur tout le temps, c’est facile d’être distrait.



En plus, il existe tellement de buzz et de memes…



Laura : ouais, et c’est difficile de rester à la page parce que ça change tout le temps, tout comme les plateformes. Je préférerais juste jouer de la guitare et écrire des morceaux, mais malheureusement une bonne partie de mon temps, je suis occupée à faire ce travail.



Personnellement, je trouve que c’est génial qu’un groupe communique avec ses fans.

 

Laura : encore une fois, c’est important. Nous ne serions pas là sans eux. S’il y a une chose que j’aime dans le fait de faire partie de ce groupe et de faire des tournées, c’est le nombre de personnes incroyables que j’ai rencontrées pendant toutes ces années. Je suis quelqu’un de très sociable, c’est dans ma nature. J’aime parler avec des gens de partout, et certains fans sont même devenus des amis. C’est cool d’avoir des fans sur la même longueur d’onde que toi. Les gens ne se ressemblent pas, ne me ressemblent pas ou ne nous ressemblent pas. Honnêtement c’est quelque chose que j’ai adoré.



Ça fait dix ans que tu joues dans Kylesa, à quel point l’industrie de la musique a-t-elle changée depuis ?

 

Laura : ça a tellement changé ! A l’époque, la controverse Napster était la grosse affaire. Déjà, on a toujours été un groupe qui sort des vinyles. On a vu cette mode du vinyle arriver comme une vague et heureusement ça continue aujourd’hui, les gens achètent plus de vinyles que de CD. L’industrie a changé, la mode a changé, tout est différent. Tout ceci prend environ dix ans. Les ventes de CD sont plus basses aujourd’hui qu’elles ne l’ont jamais été. C’est un combat que de ne pas vouloir faire de la musique mainstream tout en continuant d’exister, mais je ne changerais ça pour rien au monde. Je ne suis pas quelqu’un de mainstream. Ma vie est plutôt alternative et j’ai toujours eu une vision alternate de la société US mainstream. Heureusement les personnes qui évoluent dans ces cultures underground nous soutiennent. La musique la plus mainstream que j’écoute serait Queens of the Stone Age.



As-tu écouté ... Like Clockwork?



Laura : je l’ai acheté, et à la première écoute je n’étais pas sûre, mais je n’ai pas eu le temps de vraiment l’écouter. Je pense que je vais plus l’apprécier que le précédent.



Puisqu’on parle de nouvelles sorties, Black Sabbath a sorti cette semaine 13. L’as-tu écouté ?

 

Laura : mon copain l’a déjà acheté, c’est donc sûr qu’on va l’écouter. Je n’ai entendu que ce single qu’ils ont sorti et un clip live sur Youtube. Je n’ai pas été déçue, je l’écouterai. Tony Iommi est mon guitariste préféré, je dois donc jeter une oreille.

 

D’après ce que j’ai entendu, Tony est bel et bien là, par contre Ozzy...



Laura : ce serait mon principal reproche concernant le single que j’ai entendu... j’aurais aimé que Bill soit à la batterie. La chimie entre Geezer et Iommi semble bien être présente. Il n’y a aucun solo dans ce morceau, je me disais “merde, il est où le solo de guitare ?”. Ozzy a l’air absent, il est plus vieux que mon père. C’est une légende, j’aime toujours Ozzy.



Ozzy ou Dio ?

 

Laura : Ozzy, sans aucun doute ! Pourtant, Dio a une voix incroyable. J’ai réussi à choper Heaven and Hell au Hellfest un an avant que Dio ne décède, et ils étaient fantastiques.

Kylesa : "C’est un combat que de ne pas vouloir faire de la musique mainstream tout en continuant d’exister"
Photographe argentique + (Auto)-éditeur + amateur de bon café

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