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OM + Follakzoid 24/11/2013 @ BBMIX Festival 2013

Portrait de DMDFC
OM + Follakzoid 24/11/2013 @ BBMIX Festival 2013

La moitié de l’Île de France traversée en un temps pas du tout record - tu l’ignores peut-être, toi lecteur, mais récupérer ou tourner autour de la capitale française un dimanche soir est toujours une épreuve de feu qui éreinte autant qu’elle forge le moral - et me voici dans les rues de Boulogne à la recherche d’une place pour parker mon bolide. Opérations finies, je me pointe vers la salle où s’organise pour la je-sais-pas-combientième-fois le festival BBMIX qui propose pour les courageux (ie. ceux qui dépasseront le périph) une programmation de qualité supérieure.

Ça ressemble à un musée moderne ou un centre culturelle, en pleine rue, et se cache dans les entrailles du bâtiment une salle qui semble tout indiquée pour accueillir du théâtre ou tout type de spectacle vivant. En terme de concert, ça semble parfaitement adapté pour faire venir Jean Louis Murat ou Delerme, bref, un truc qui s’écoute assis puisque la salle est composée uniquement de sièges et ne laisse pas vraiment de fosse, même si quelques-uns resteront debout dans les rangés lézardant les blocs de fauteuils. Le son est particulièrement ample, et l’acoustique de la salle semble sérieuse - l’impression, comme à la boule noir par exemple, d’avoir un son très large, très important, sans pour autant être aussi gueulard que dans une arène type Zénith. Les lumières sont très belles mais on constatera vite que le tout est animé avec les pieds tant rien ne semble franchement en rythme avec la musique.

Car du rythme, il y en a dès la première partie. Föllakzoid est un groupe chilien dont la recette est extrêmement simple : prendre une idée résumée en une mesure et l’étirer jusqu’à épuisement total. Ce genre de pratique à le don de me fatiguer à une vitesse inversement proportionnelle à celle généralement apportée au rythme de ce genre de formation. Mais la bonne idée de la programmation n’est pas d’avoir foutu un groupe de post-mes couilles en ouverture d’Om, mais un groupe plus modeste, moins velu, et plus psyché. Alors avec leur touche à sortir du lycée et fan du Live at Pompei du Floyd, je croche assez rapidement avec les boucles interminables de Föllakzoid. Chaque morceau est organisé de la même manière, de longs développements donc, mais les montées progressives sont largement menées par un batteur extrêmement régulier. Globalement soutenu, le rythme est le patron chez Föllakzoid. Peu de breaks et de cassures, une régularité inaltérable, donnant un côté mécanique aux compositions du quatuor. Derrière, le groupe a opté pour des projections mais s’est risqué à des images de formes géométriques parasitées par des effets de distortions et des variations de couleurs. On est dans l’enfer de la VHS et de l’écran d’ordi en rad, suffisamment intéressant pour ne pas trop capter l‘attention tout en évitant de gonfler le public et en lui offrant un point de chute visuel tout en cycle comme pour illustrer ce que les instruments envoient. La fin du set s’articule autour d’une vidéo de canasson chevauché sur la plage dans des tons laiteux épuisants, et le groupe fait monter gentiment la pression pour arriver à son final bien foutu mais bienvenu : encore un peu et on allait fatiguer.

20 petites minutes sur fond de reggae et de dub (dont un Rhythm & Sound impeccable permettant de bien entendre jusqu’où peut descendre le sound system de la salle) pour changer le plateau et voilà Om sur scène. J’ai toujours eu une relation très étrange avec Om. Absolument fasciné par At Giza, morceau d’ouverture de leur second album, je n’ai jamais été franchement absorbé par le reste de la discographie. D’ailleurs, je fais partie des réticents à l’arrivée d’Emil Amos en lieu et place de Hakius, batteur à la frappe de bûcheron type guerrier instinctif, pas loin d’un Signorelli. Non pas qu’Amos soit un mauvais batteur, loin de là. A ça toute une série de retours de concerts pas franchement enthousiastes. Puis est sorti l’an dernier Advaitic songs, album passionnant d’un groupe en train de redéfinir complètement sa grammaire tout en restant profondément reconnaissable. Le résultat était clair : il fallait voir ce qu’il en était sur scène.

Sinaï résonne dans la salle et c’est le grand atout de cet Om renouvelé qui s’impose d’emblée. Si le groupe a perdu Hakius, il a gagné un Robert Lowe, le sorcier cinglé de Lichens. Derrière un synthé analogique, une guitare, des éléments percussifs et une valise modulaire, Lowe entame le concert en doublant les samples et nappes de sa voix capable de monter suffisamment haut pour se démarquer nettement du ton plutôt lourd du groupe. Quelque part entre le chant religieux et la folie pure de Lowe, la basse de Cisneros résonne et fait tout trembler dans la salle. À son tour, l’ex-actuel-Sleep inonde l’endroit de sa voix si étrange et traitée, comme un chant incantatoire possédé. Aux sonorités étranges de Lowe et aux infra-basses de Cisneros, Amos répond de sa frappe folle et créative. Batteur remarquable, Amos ne s’interdit rien. Ses roulements sont imprévisibles, parfois étonnamment longs, de temps en temps interrompus pour se recaler sur la mesure, il emploie l’ensemble de son kit et de ses ressources pour faire vivre les compositions. Arceaux, mains, chaque parcelle du kit est utilisée comme un élément à part entière. Son jeu est moins instinctif, il est musical et précis, montrant un réel intérêt pour l’instrument en lui-même et ses possibilités. Sinaï se finit et la salle répond chaleureusement. Pourtant le second morceau est beaucoup moins prenant. Le manque d’éléments autres que cette basse et cette batterie se fait trop sentir. Il manque quelque chose. D’ailleurs le son de basse cannibalise complètement le kick d’Amos, qu’on voit taper mais qu’on ne distingue guère. Pendant un temps on appréhende que le morceau d’ouverture fut trop pour le groupe lui-même, peut-être incapable de donner autre chose qu’un morceau introductif incroyable. Lorsque le trio repart sur un troisième titre où l’arrangement se fait plus dense, on se rassure.

En milieu de set Cisneros appuie enfin sur la distortion (state of non return), pour écraser toute la salle de sa basse-rouleau compresseur sonique allant provoquer d’importants dégâts onduleux dans les poutres du bâtiment. Lourd. La console dispose d’un écran indiquant le volume, et la déflagration tape jusqu’à 113db. Après cet écart, l’ambiance se repose mais ne se relâche pas. Les riffs cycliques se mêlent aux frappes folles et assurées d’Amos, tandis que Lowe confirmera tout le bien qu’on pense de sa valeur ajoutée. Capable de passer d’un chant époustouflant à des résonnances de guitares rappelant des cordes plus traditionnelles, il développe aussi de longues plages d’oscillateurs ou se montre capable de partir dans une transe extatique derrière un tambourin malmené. On redescend doucement et admiratifs de la force, de l’intelligence et de la créativité du trio. Sur scène Om semble être capable d’assurer le même type de travail que sur disque. Magnifique.

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