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Eduardo Costa : booker chez Amplificasom.com

Portrait de baktelraalis
Eduardo Costa : booker chez Amplificasom.com

Je n'ai jamais cru au hasard. Jamais. Même à celui qui m'a poussé, un beau jour de 2004, à m'envoler pour trois semestres d'études au Portugal. Un pays dont je ne connaissais que trois bribes d'une méthode Assimil, et autant de clichés culturels. Et ces femmes vêtues de noir criant leur dévastation en vidant les morues à tour de bras dans leur cuisine old school aux carrelages teintés de bleu. Ce portrait d'Eduardo aurait pu être celui de Joaquim, Joca, Paulo, Ricardo. Il se pose là, comme celui de tous ces gens qui se battent au quotidien pour diffuser une certaine musique. Parce qu'Amalia c'est bien, mais tant de tristesse consentie, tant de saudades, tant de fado sans fadoom ne rendra jamais justice à ce qui se passe actuellement au Portugal du point de vue musical. 

Présente-toi brièvement à nos lecteurs "internautes" : comment t'appelles-tu, d'où viens-tu et que fais-tu dans la vie ?

Salut les humains! Je m’appelle Eduardo Costa, je suis portugais, je suis né à Paris et j’ai grandi dans un petit village situé à une heure de Porto. Je suis de retour à Paris depuis l’hiver dernier et je suis actuellement sans emploi. L’industrie musicale ne met malheureusement pas toujours de nourriture sur ma table, mais on y travaille.
 

On a tous un album, un mouvement musical, une personne qui a changé notre vision de la musique, quel est ton parcours personnel ?

Je dois dire que mon grand frère - qui a cinq ans de plus que moi - a été une véritable influence pour moi. Pas seulement parce qu’il m’a fait écouter autre chose que de la musique mainstream, mais surtout parce qu’il s’est toujours foutu d’aimer un groupe mainstream.  Quand j’avais 9 ou 10 ans, on écoutait U2 et Pink Floyd. Énormément. Je me souviens parfaitement du jour où religieusement, j’ai regardé avec lui la cassette vidéo du Live à Pompéi, dans un état proche de l’extase en voyant Nick Mason jouer de la batterie sur «Echoes». Ce titre est même resté mon préféré de tous les temps. Après ça, mon frère s’est orienté brièvement vers le métal, et même s’il écoutait d’autres groupes (The Cure, Joy Division, Sisters of Mercy, Bauhaus et David Bowie), le jour où il m’a donné “...And justice for all” a changé ma vie. J’ai eu mon penchant pour Nirvana aussi, ce qui m’a amené fort heureusement à écouter Alice in Chains et Soundgarden. À l’âge de 15 ans, j’ai commencé à écouter beaucoup plus de métal : Paradise Lost, Black Sabbath et énormément de black métal norvégien, même si ça ne m’a pas marqué sur le moment. J’écoutais aussi beaucoup Radiohead et Joy Division, dont je n’ai jamais cessé de m’imprégner. En 1998, je suis tombé sur un clip sur MTV chez un pote. C’était “Be quiet and drive” des Deftones. J’avais 17 ans, et le nu métal m’a accompagné pendant quelques années. J’aime toujours autant les Deftones je dois dire. Ils m’ont beaucoup influencé, et puis, c’était le bon temps. Quelques années plus tard, on m’a fait écouté Isis, ma copine m’a fait écouter beaucoup de groupes qui émergeaient de la scène post-métal et pas mal de groupes de psych/stoner dont je n’avais jamais entendu parler. Mais surtout, elle m’a fait découvrir Neurosis et à ce jour, je reconnais piteusement que je n’avais aucune excuse pour ne pas les avoir découvert moi-même beaucoup plus tôt. 


Ton implication dans la musique ? Le moment où tu as franchi le pas ? Celui où, si c'est le cas, cette activité est devenu ton métier ? 

Quand j’ai commencé à travailler dans l’industrie musicale en 2008, je suis vraiment parti de rien. Au regard de la musique alternative actuelle, mon petit bled n’avait rien. Alors, j’ai réuni un groupe de potes et on a commencé à programmer les groupes portugais les plus intéressants du moment. On a fini par faire venir des groupes étrangers également. Mais on ne gagnait jamais d’argent. En juin 2010, on m’a demandé de rejoindre l’équipe d’Amplificasom, une agence de promotion de Porto que j’admire beaucoup et qui a véritablement aidé à la diffusion au Portugal de la plupart des genres et des groupes dont vous parlez ici. Amplificasom a été fondée en 2006 par André Mendes et Jorge Bastos et j’ai eu la chance d’assister au tout premier concert qu’ils avaient organisé cette année-là avec Enablers. André, c’est un peu l’homme derrière la bête. Si Amplificasom s’est développée dans sa forme actuelle, c’est uniquement grâce à sa sueur, sa persévérance et son amour de la musique. 

Mais c’est pas un business facile. On se verse difficilement un salaire, et la plupart du temps on réinvestit directement ce qu’on gagne dans d’autres concerts. 2011 a été une grande année pour Amplificasom suite à l’organisation de la toute première édition de l’Amplifest, un festival de deux jours où des groupes comme Jesu, Godflesh, Acid Mothers Temple, Sungrazer, Cuzo, Rorcal entre autres étaient à l’affiche.Rendez-vous sur notre site pour plus d’infos! La version anglaise est en élaboration au moment où je vous parle. 


Les principales difficultés que tu as rencontrées ? Celles que tu rencontres encore ?

C’est une dure année qui s’en vient pour nous. Comme elle est basée au Portugal, Amplificasom va souffrir des mesures d’austérité imposées par notre gouvernement – l’une d’elles étant une augmentation nette de la taxe d’impression des billets. Mais on a également peur que le public en paie les conséquences et vienne de moins en moins aux concerts qu'on organise. Néanmoins, on va continuer autant que faire se peut à organiser les meilleurs concerts. On booke également quatre groupes portugais à l’étranger : Löbo,Process of GuiltEak et L'Enfance Rouge. Le business est rude, il y a beaucoup de compétition, mais on est là pour s’imposer. 


Ton avis sur l'éthique du DIY ? Ta propre définition ?

Sans hésiter, je dirais que le DIY est ce qui m’attire dans l’industrie. On sait tous ce qui lui est arrivé avec l’avènement d’Internet. Ceux qui ont été les plus rapides à s’adapter sont ceux qui fonctionnaient selon la philosophie du DIY. Les groupes, labels, promoteurs et festivals les plus intéressants viennent du DIY et en ce qui me concerne, le mec de 30 ans que je suis ne veut pas faire partie de l’industrie mainstream, principalement à cause des restrictions artistiques qu’elle impose. Et vu les efforts surhumains mis en œuvre par les majors pour restreindre l’accès au web (SOPA, PIPA, qu’importe), j’ai vraiment envie de continuer à me battre pour cette liberté que le DIY m’a toujours donnée. 


Tes projets ? Comment vois-tu ton activité évoluer ? Tes souhaits ? Tes craintes ?

Tout ce que je veux pour l’instant, c’est continuer de participer à l’aventure d’Amplificasom de toutes les manières possibles, même à l’étranger. Je veux booster la carrière des groupes que je manage (Löbo et Eak) et les faire jouer en Europe en 2012. Aider les groupes underground portugais à rencontrer le succès hors de nos frontières. Trouver un groupe que je pourrais intégrer et me trouver un job ! 


Ton album ultime ? Le concert auquel tu penseras toujours ?

Je dirais "Adrenaline" des Deftones. C’est encore un de mes groupes préférés et quand j’avais 17 ans, leur musique a marqué ce tournant dans ma vie, ce passage à l’âge adulte. Ça me rappelle toujours de glorieux souvenirs et, merde, cette époque me manque ! Le concert que je n’oublierai jamais c’est mon premier concert de Tool, en 2001. J’en ai eu des frissons pendant deux heures. Je n’arrivais pas à croire qu’un groupe puisse atteindre une telle perfection sur scène. C’était complètement hypnotique. 


Ton instant musique de prédilection pour la ressentir au maximum ?

Sans hésiter, l’après-midi. Quand je suis relax. Ou quand j’éprouve juste ce désir ardent d’écouter un groupe spécifique. Par exemple, il y a quelques jours je me suis fait une rétrospective de Tool. Le même après-midi. J'ai hâte d'écouter leur prochain album !


Quel est ton rapport avec un instrument de musique ? Fascination,peur, frustration ?

Je n’ai jamais peur. Mais je suis fasciné et frustré, ça oui. Je suis guitariste. J’aime sentir mon ampli me botter le cul, brancher mon delay et jammer comme si j’étais Isayah Mitchell d’Earthless. C’est à ce moment-là que je me réveille, en général.


Parmi les nombreux styles de musique autour desquels nous gravitons lequel t'es le plus cher et pourquoi ?

Je dois avouer que ce que je chéris le plus aujourd’hui c’est le son du delay, le psych stoner rock et le doom, particulièrement quand il y a du synthé. Comme Zombi. Un nouveau projet vient d’émerger au Portugal, ça s’appelle RA et c’est le projet solo de Ricardo Remédio, le génie derrière les mages du doom de Löbo. C’est vraiment une recommandation précieuse que je vous fais là. J’écoute énormément Neurosis, et je suis amoureux de Sailors with Wax Wings, True Widow et Liturgy.


Es-tu capable d'écouter des choses totalement différentes ? Si oui des exemples pour tenter de nous faire peur ?

Bien sûr que oui! Regarde, l’autre jour je me suis surpris à écouter les meilleurs titres de Starship, et ça m’a rendu curieusement heureux. Because we built this city on rock and roll, right?


Dans quoi mets-tu le plus d'argent ? Vinyles/CDs/Bandcamp, concerts,merchandising ?

Beaucoup de CDs, de concerts et de merch. Je n’ai pas trop envie de mettre le pied dans le tourbillon des vinyles pour le moment… Comme je disais, je n’ai pas de job. Imagine un peu le désastre si je tombe dans cette drogue-là ! 


As tu une "consommation" similaire dans d'autres formes d'art ?

J’aime me perdre dans les musées, particulièrement ceux qui exposent les reliques des civilisations anciennes. En août dernier, je suis allé à Berlin. J’ai visité le Pergamenon et le Neues Museums. J’ai dû ramasser ma mâchoire à terre un paquet de fois. La période amarnienne égyptienne, l’incroyable beauté du buste de Néfertiti, les ponts d’Ishtar de Babylone, les tablettes cunéiformes sumériennes… J’adore ça. Je suis aussi un fou de cinéma qui rêve encore d’avoir un diplôme en écriture de scénarios. 


Tes parents écoutaient quoi quand tu étais enfant ?

Mon père est un fan fini des Beatles et d’Elvis. Ma mère penchait plus du côté de Joe Dassin et d’Édith Piaf. 


Le mot de la fin : il est à toi, dis ce que tu veux.

J’espère un futur meilleur, bien meilleur que ce futur sinistre qu’on nous présente. Le futur est en nous, et nous devons nous battre contre les institutions et le pouvoir établi. Pas parce que nous sommes des révolutionnaires, mais parce que notre liberté est mise à très rude épreuve à cause d’une poignée de gars trop riches qui pensent qu’un libre marché dénué de valeurs humaines est le seul moyen de faire marcher la démocratie. Je vous souhaite une longue route les gars, merci pour votre temps et votre patience ! 

Eduardo Costa : booker chez Amplificasom.com
Baktelraalis
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