Dr. Adams : animateur radio / booker

Découvert par le biais du blogue d'Eric de thisquietarmy, qui est passé par les soins du docteur lors de sa tournée avec Aidan Baker (Nadja) en 2011, le concept du Plané Ari Home (situé à l'Ouest d'Arras) du Docteur Adam, soirées concert avec repas compris, a aussitôt piqué ma curiosité. Quelques échanges de courriels plus tard, j'avais mes réponses et de quoi, encore une fois, vous faire découvrir une personne engagée et déterminée à faire découvrir des artistes qui ne le sont pas moins. La suite à la suite !

Présente-toi brièvement à nos lecteurs "internautes" : comment t'appelles-tu, d'où viens-tu et que fais-tu dans la vie ?

Je m’appelle Marc aka Dr Adams, je vis à Wanquetin, un petit village à l’ouest d’Arras, en France. "J’anime" une émission de radio sur Radio Scarpe Sensée et organise des concerts à la maison. Le principe des soirées Plané Ari Home est de proposer des concerts en salon puis à l’issue de ceux-ci, on se retrouve à une trentaine de personnes pour un repas que nous avons préparé nous-mêmes.

On a tous un album, un mouvement musical, une personne qui a changé notre vision de la musique, quel est ton parcours personnel ?

J’ai commencé par écouter la même musique que mon frère vers l’âge de 10-11 ans (Higelin, Areski Fontaine, Yves Simon, Doors, Janis Joplin, Bowie …) mais j’ai vraiment pris mon indépendance à partir de 82, avec Bashung (play blessures) et surtout The Cure un peu avant la sortie de Pornography.

À partir de là, je me suis focalisé sur tout ce qui était post-punk (Bauhaus, Virgin Prunes, Siouxsie & the Banshees, Legendary Pink Dots…) puis le shoegaze, la brit pop, l’indie rock. Vers 96, je me suis de plus en plus intéressé à la scène post-rock/space-rock. Puis à l’electro au dub-ambient à l’abstract hip-hop… Depuis quelques années maintenant, je suis surtout sur la musique dérivée des minimalistes … La constante dans le parcours reste une vision plutôt noire ou mélancolique.

Ton implication dans la musique? Le moment où tu as franchi le pas? Celui où, si c'est le cas, cette activité est devenu ton métier?

Vers 95, j’envoyais des courriers aux labels en Angleterre ou aux États-Unis en expliquant que je faisais une émission de radio (ce qui était un mensonge éhonté). J’ai commencé à flipper lorsqu’on m’a dit de voir avec les distributeurs français. J’ai donc cherché une radio locale pour démarrer une émission, et il se trouve que j’y ai pris goût très vite. J’ai toujours beaucoup aimé la radio. Dans les années 80, on trouvait encore quelques émissions sur les radios locales où on pouvait entendre des trucs sympas. J’ai notamment beaucoup écouté l’émission « le hIt du snob » sur RVN, animée par Patrick Félix, rédacteur en chef de Presto désormais. Ce type est mon John Peel à moi. Je l’écoutais religieusement tous les soirs.

En 96 donc, j’ai démarré l’indie sociable, 2 heures hebdo sur radio loisirs (devenue radio scarpe sensée), c’était assez branché pop rock indé, assez britpop à l’époque … puis j’ai vite eu besoin de passer d’autres choses plus expérimentales, je suis passé à 4 heures (2 heures pop/rock avec l’indie sociable, et deux heures post rock/expé avec Wild side). J’ai ensuite continué jusqu’en 2005 avec des créneaux horaires différents, puis j’ai eu besoin d’arrêter un moment. En 2008, j’ai redémarré sous le nom du planéArium. Entre temps, la radio avait pas mal évolué, aussi bien techniquement qu’au niveau de l’éditorial. J’ai eu l’occasion d’organiser des sessions (Thomas Mery, :Take ; , Yellow6 ,Simon Scott , Forest fire …)

Désormais, je ne parle plus, je n'éprouve plus ce besoin de présenter les disques (il y a un tumblr pour les playlists, http://leplanearium.tumblr.com/), j'aimerais que l'auditeur se focalise essentiellement sur la musique et non sur tout "le cirque médiatique" autour. Je reçois quelques messages d'auditeurs qui me disent écouter l'émission en lisant un livre ou buvant un verre tranquillement. Ça me fait plaisir. L'idée est d'accompagner un moment présent. Je n'aime pas le côté encyclopédique d'une émission, je n'ai pas besoin de dire qui est qui, quel est le batteur sur tel album ou qui est le producteur. D'autres font ça beaucoup mieux que moi … Si on veut savoir, on a toujours moyen de chercher sur Internet. Je cherche plutôt à retrouver le plaisir de l'écoute.

Les concerts à la maison ont démarré en juin 2009. Jérôme Boutinot de :Take cherchait des dates dans le nord. J’avais entendu parler des concerts à la maison, j’ai eu envie d’y ajouter le repas, histoire d’y amener quelque chose de plus convivial. Ça a été un super moment, aussi dès le lendemain, j’ai contacté Jon Atwood de Yellow6 sans trop y croire pour lui demander si il souhaitait venir jouer en France et il s’avère qu’il a répondu positivement… Après cela, les choses se sont enchainées rapidement, nous en sommes maintenant à 25 concerts. Là aussi, je cherche à privilégier l'écoute, la proximité avec l'artiste implique et induit un respect qu'on trouve difficilement dans des concerts plus "classiques".

Les principales difficultés que tu as rencontrées? Celles que tu rencontres encore?

Au niveau du booking, il n’est pas toujours facile d’intéresser les tourneurs qui souhaitent avant tout traiter avec des salles plus conventionnelles (aisément compréhensible). Entrer en contact directement avec les artistes est bien souvent plus aisé.

Côté public, comme nous habitons à la campagne, il n’est pas facile de faire en sorte que les gens se déplacent. Sans voiture, tu ne peux pas accéder à la maison. Nous proposons parfois d’aller chercher les gens à la gare et leur gardons une place pour dormir.

Par ailleurs, comme nous préparons le repas, nous avons besoin de savoir à l’avance qui restera pour manger. Or, beaucoup de personnes organisent leur soirée à la dernière minute. Certains réservent longtemps à l’avance puis annulent à la dernière minute. Les annulations de dernière minute sont toujours pénibles surtout lorsque nous avons dû refuser du public.

Ton avis sur l'éthique du DIY? Ta propre définition?

Le DIY est important pour moi, il est une manière de montrer que des choses peuvent se faire en dehors des institutions. Notre démarche en est complétement dérivée. Nous ne cherchons aucune subvention. Je sais bien que ce discours n’est pas accepté par tous, mais je pense que certaines subventions publiques sont mal utilisées ou du moins mal réparties … En France, quand tu tiens ce genre de propos, tu passes immédiatement pour un réactionnaire. Le DIY est aussi un rapport particulier à l'argent, il est probable que si cela était mon métier, j'agirais et je penserais sans doute différemment. Le DIY est aussi synonyme de liberté artistique …

Tes projets? Comment vois-tu ton activité évoluer? Tes souhaits? Tes craintes?

Plusieurs concerts sont déjà prévus pour 2012 (Drekka, Canid, Aidan Baker, A Sun-amissa , w.w lowman, Charles Eric Charrier, Aun, thisquietarmy, Tiago Sousa) . J'organise cela en fonction des coups de cœur, et dans la limite des moyens financiers… La jauge étant limitée, je ne peux pas prévoir des artistes trop onéreux. J'aimerais beaucoup recevoir Rafael Anton Irisarri, Birds of Passage, Will Bolton, Jan Swerts, Ben Woods ou Dean McPhee … j'aimerais pouvoir proposer des concerts dans le jardin également, sous forme d'un mini- festival à la maison… Ma crainte principale reste la lassitude du public. Je sens qu'il y a besoin de surprendre, que ce soit au niveau de la programmation ou dans la réalisation des repas. Pour l'instant, nous sommes à deux, mon ami et moi, à préparer les chambres, le repas, chercher les artistes, faire la promo, chercher le piano quand il en faut un (Merci Do !), débarrasser le salon, servir le repas, gérer la sonorisation, les réservations et après tout cela ranger !!! … Bref, ça fait vraiment beaucoup de travail… Nous sommes aidés par quelques-uns, mais la grosse majorité nous incombe … J'aimerais pouvoir déléguer un peu …

Ton album ultime? Le concert auquel tu penseras toujours?

Low : the curtain hits the cast. L’apologie de la lenteur, le less is more, le silence, la noirceur. Parfait .

Pour le concert, Low également, à Bruxelles au Botanique salle de l’Orangerie en première partie des Delgados en 99 je crois. Au bout de 20 secondes, j’ai regardé mon pote, et on a décidé de s’asseoir tellement nous étions scotchés ! Un concert d’une intensité incroyable. Le public était extrêmement respectueux, j’ai enregistré le concert, à certains moments, on peut entendre ma respiration. Le morceau Soon en particulier m’a fait penser que j’allais carrément partir en lévitation !

Ton instant musique de prédilection pour la ressentir au maximum ?

Définitivement, le soir (voire la nuit) avec très peu d’éclairage (une bougie, si possible). Sinon, j'écoute beaucoup de musique dans la voiture.

Quel est ton rapport avec un instrument de musique ? Fascination,peur, frustration ?

J'en ai fait mon deuil ! Je me suis résigné à être un auditeur plus qu'un musicien. Il me faudrait plus de temps pour m'y atteler, mais entre l'émission, les concerts et le travail, j'ai peu de temps à consacrer.

Parmi les nombreux styles de musique autour desquels nous gravitons lequel t'es le plus cher et pourquoi ?

J'ai un faible pour le "post-rock". Contrairement à ce qui est véhiculé, ça ne se résume pas aux sempiternelles "montées - descentes" … Pour moi, le post-rock va de Mark Hollis ou Labradford à certains titres d'Envy en passant par Do Make Say Think, Tortoise ou w.w Lowman . Il est avant tout la capacité de synthétiser des univers différents en incluant des éléments de Jazz, de drone, de minimalisme, de krautrock, de post-punk, de métal ou de pop… Le post-rock est une synthèse , une recherche, une expérimentation. Malheureusement, ce terme est tellement galvaudé maintenant avec tous ces groupes qui font du sous Mogwai ou EITS…

Es-tu capable d'écouter des choses totalement différentes ? Si oui des exemples pour tenter de nous faire peur?

Actuellement, j’écoute essentiellement de l’ambient, minimal, néo classique… Globalement, on dira que je reste dans un milieu post-rock , « indé » avec de plus en plus de musiques expérimentales. Mais il peut m’arriver d’écouter des standards de la chanson française (de Brel à Ferré, pour les plus avouables, jusqu’à certaines chansons de Serge Lama ou de Dalida ou Francis Lalane!). Je peux aussi écouter des trucs plus disco comme certains enregistrements du studio 54, ou le revival disco-punk de chez DFA … J’aime également certains titres d’Abba, l'éclectisme des coffrets Nova. Je ne sais pas si ça fait peur, mais à mon âge, je n'ai plus de craintes d'écouter un morceau mainstream! Mais je n'en suis pas encore à écouter Céline Dion ou Jean-Jacques Goldman !

Dans quoi mets-tu le plus d'argent ? Vinyles/CDs/Bandcamp, concerts,merchandising?

J’achète encore beaucoup de cd, environ 200 par an voire beaucoup plus. Je suis assez réfractaire à tout ce revival vinyl, qui n’est qu’un énième coup de marketing ! Au début des années 90, tu payais un cd 130 francs et un vinyl 80 … On te disait que la qualité du cd avait un prix. Maintenant, tu payes un cd 15 euros et un vinyl 25, on te dit que le grain du vinyl est meilleur … on invente ce qu’on veut pour te faire débourser. De toute façon, je paie rarement le prix fort pour un cd, je suis un adepte des magasins d’occasions, je fais très régulièrement les bacs à soldes, sinon, j’achète directement à l’artiste après les concerts ou chez Minor Place à Lille. Mon budget concert s'est restreint depuis que je les organise chez moi ;-)

As tu une "consommation" similaire dans d'autres formes d'art?

J’aime le cinéma mais ma « consommation » n’est pas aussi régulière.

Tes parents écoutaient quoi quand tu étais enfant ?

Mes parents écoutaient peu de musique. Mon père étant polonais, j’avais droit à l’artiste Polonais du coin qui jouait des valses et autre tango… Mes sœurs écoutaient Serge Lama ou Julio Iglesias ! ( mdr !!! ). Nous écoutions la radio RTL (l'horreur absolue !!!).

Le mot de la fin : il est à toi, dis ce que tu veux.

Merci.

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