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Pelican + Wiegedood 05/05/2016 @ La Maroquinerie, Paris

Portrait de Boris
Pelican + Wiegedood 05/05/2016 @ La Maroquinerie, Paris

Retour attendu des patrons du post-metal instrumental à Paris ce jeudi 5 mai, à la Maroquinerie toujours, cette même salle dont le quartet Illinois avait déjà fait trembler les murs quatre années plus tôt, lors d’un concert mémorable en compagnie de OM.

Wiegedood

Ici pas de lumières tape-à-l’oeil, ni de jeu de scène outrancier, juste un fuligineux pavé de haine et de fièvre larvée

Cette fois-ci, c’est Wiegedood, l’un des plus belliqueux rejetons de la Church of Ra qui nous fait l’honneur d’ouvrir le bal, ou plus rigoureusement nos crânes, car ce n’est rien de dire que le trio Black Metal sévèrement burné emmené par Levy Seynaeve (Chant/Guitare, et accessoirement bassiste d’Amenra), Gilles Demolder (guitariste chez Oathreaker) et Wim Coppers (batteur de Rise And Fall) nous a foutu une énorme taloche derrière le coin de la tête d’entrée de jeu. Chez Wiegedood, pas de fioritures, on se branche, on envoie le bois et on met sa peau sur la table. Ici pas de lumières tape-à-l’oeil, ni de jeu de scène outrancier, juste un fuligineux pavé de haine et de fièvre larvée, envoyé direct dans la crête du tibia, et sans anesthésie s’il vous plaît. La communion avec le public est totale, l’énergie de cette musique irrésistible pour qui sait apprécier le style immédiat, cru et sans détour du trio issu de Gand, en Flandre-Orientale. Un headbanging permanent et jouissif électrise la foule encore disparate de la Maroqu’ au rythme enragé des blast beats, tandis que le groupe enchaîne les quatre titres qui composent leur premier album, « De Doden Hebben Het Goed », bloc massif de mélancolie noire, si froid, si glacial, qu’on risque à chaque instant de s’y brûler les doigts. Une prestation captivante et une totale réussite pour le groupe, jusqu’au final « Onder Gaan » s’achevant dans un fondu au noir, au son d’une sorte d’oraison funèbre scandée en russe par une douce voix féminine, contre-point audacieux au pilonnage sonore dont nous ne nous relèverons pas indemnes.

 

Pelican

Tout au long du set, le groupe restera fidèle à lui-même - massif, élégant, parfois nerdy, toujours captivant de dextérité et de maîtrise instrumentale [...]

A peine le temps de savourer une petite bière au bar pour se remettre de la déflagration sonore des nos amis belges, qu’on entend résonner en bas les premières notes de « Dead Between the Walls ». Ca y est, le Pelican déploie ses ailes, et il a choisi d’entamer les hostilités avec le titre phare de son magnum opus, « City of Echoes ». La foule exulte…

Tout au long du set, le groupe restera fidèle à lui-même - massif, élégant, parfois nerdy, toujours captivant de dextérité et de maîtrise instrumentale, et bénéficiant d’un son musclé et bien charpenté pour une salle telle que la Maroquinerie. La section rythmique, assurée par les frères Herweg (Bryan et Larry) est toujours impeccable, tout en puissance virile - sinon parfois en subtilité - imprimant leur pulsation-mastodonte à la musique des Chicagoans. En avant de scène, Trevor de Brauw se disloque comme un pantin désarticulé en faisant hurler sa Gibson SG, tandis que Dallas Thomas se meut par delà les nuages, le visage serein, derrière un mur de distorsion et parfois de reverb à faire pâlir les plus intransigeants shoegazers.

Le set fait la part belle aux deux derniers LP du groupe, What We All Come to Need (Southern Lord, 2009) et surtout Forever Becoming (Sourthern Lord, 2013) avec pas moins de cinq titres issus de ce dernier, dont on retiendra notamment le catchy « Deny The Absolute » ainsi que les épiques « Threnody » et « Immutable Dusk ». Mais nos palmipèdes n’oublient pas leurs racines plus post en nous gratifiant d’un inattendu mais d’autant plus sublime « Last Day of Winter », en guise de bouquet final, avant de quitter la scène sous une trombe d’applaudissements nourris.

« Sorry, no « Drought » tonight », nous avait lancé un facétieux Trevor, lors de leur dernier rappel sur cette même scène, quatre années plus tôt, en avril 2012… Ce jeudi soir, lorsque le quartet de Chicago remonte sur scène, tout sourire, justice sera - enfin - rendue au premier effort du groupe, avec une interprétation tout en lourdeur de « GW », issu d’Australasia, et rarement jouée en concert. Folie furieuse parmi la foule….

Et avec ça vous reprendrez bien une petite tranche de gras les enfants ? Un « Mammoth » version ultra-doom, avec son coulis de feedback noise, par exemple ? Plutôt deux fois qu’une oui… Le concert s’achève de manière chaotique par un concassage sonore en règle, une pluie de larsens déchirant nos entrailles et nos corps endoloris, tandis que les musiciens quittent la scène un par un, saluant un public parisien encore sonné mais conquis. Bientôt deux décennies que le Pelican survole les mers du post-rock en oiseau souverain, et cette soirée nous aura démontré qu’il n’est pas prêt de déposer les armes.

 

Crédit Photos : CSAOH / Andrey Kalinovsky

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