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Cannibal OX - Blade of the Ronin (2015)

Portrait de Mathieu
Cannibal OX - Blade of the Ronin (2015)

"My mother said : "you sucked my pussy when you came out" / "Well what got now was friction, she tells me intimacy and friendship she ain’t mixing. The F word". Ces quelques lignes, et bien d’autres, ont capturé l’imagination des fans de rap indépendant au début des années 2000 quand le label Def Jux inondait le marché de disques de qualité. The Cold Vein n’a pas tardé à gagner le cœur des fans de rap par le jeu de ses deux rappeurs, Vordul Mega et Vast Aire, accompagné de la production glaciale d’un El-P illustrant avec brio les récits autobiographiques de deux rappeurs démoralisés par leur environnement Nnew yorkais.

A cette angoisse il faut aussi ajouter celle des fans qui, découvrant l’album solo de Vast Aire, Look mom, no hands, se demandèrent si on ne leur avait pas monté un bobard autour de leur nouveau MC favori.

On peut donc comprendre que l’attente des fans ait fait reculer les deux rappeurs avant de sortir leur second disque mais à cette angoisse il faut aussi ajouter celle des fans qui, découvrant l’album solo de Vast Aire, Look mom, no hands, se demandèrent si on ne leur avait pas monté un bobard autour de leur nouveau MC favori. Du lexique extensif du rappeur découvert sur The Cold Vein on ne retrouvait presque rien de son talent prodigieux au point où des accusations de ghost writer furent portées par certains à l’égard du bonhomme pour expliquer cette différence. Vast Aire ne serait qu’une façade ? Pendant ce temps, Vordul Mega produisait des disques de qualité dans l’indifférence totale d’un public toujours dans l’expectative d’un second disque de Cannibal Ox.

Puis, en 2013, le duo annonce l’intention de sortir un nouveau disque financé par leurs fans via Kickstater. On aurait pu croire que le navire allait voguer sans encombre mais en fin de compte très peu de personnes furent intéressées par cette option et le groupe n’arriva pas à son objectif. Tout était-il foutu ? Visiblement non, car un EP intitulé Gotham vit quand même le jour pour rassurer certains jusqu’à la sortie de ce nouveau disque, Blade of the ronin.
Bien qu’il soit trop tôt pour juger du statut que prendront les nouvelles rimes de Vordul Mega et Vast Aire dans l’avenir, il est d’ores et déjà clair que certaines choses ont changé et d’autres pas. D’une, la présence des deux MC semble plus équilibrée ce qui empêche la présence de semi monologue de la part de Vast Aire (voir the F word sur The cold vein, titre accaparé par le MC). D’autre part, bien qu’El-P ne soit pas présent pour la suite des aventures de Cannibal Ox, son empreinte est encore bien présente dans l’atmosphère industrielle du disque. Cannibal Ox n’a pas viré boom bap ou dream rap. Ce dernier courant, ils l’ont précédé d’une décennie mais ne viennent pas récolter les fruits de leur label sur ce nouveau disque.

Le moins que l’on puisse dire c’est que le Cannibal Ox de 2015 sonne toujours comme le rap d’un futur post industriel désolé et occupé par deux MC désabusés (« Visualize travelling as vivid memories comes together like pixels on plasma screens. Tryin’ for a chance to settle in » Vordul Mega dans Psalm 82). Le remplaçant de El-P au poste de producteur se nomme Bill Cosmiq et même si son nom évoque un personnage devenu notoire, il y a de forte chance pour que son association avec Cannibal Ox nous fasse oublier l’autre personnalité que son pseudonyme évoque tant ses instrumentaux font de Blade of the ronin un digne successeur à The Cold Vein. Ainsi, même les touches rock incorporées par El-P comme des notes de guitares électriques, sont aussi présentes et utilisées parcimonieusement au long du disque.

Sur dix-neuf titres (dont deux skit et une intro), l’album brille par sa cohérence artistique. Aucun morceau ne vient abaisser le niveau tandis que d’autres comme Psalm 82 (déjà présent sur le EP Gotham), Thunder in july, Salvation ou Iron rose (feat. MF Doom, toujours au top) ressortent immédiatement comme des pièces maîtresses.

Blade of the ronin vient prouver que The Cold vein n’était pas seulement un disque brillant grâce à El-P.

Malgré l’attente, les déceptions et la réputation du disque le précédant, Blade of the ronin s’impose au bout de quelques écoutes comme un digne successeur à The Cold Vein. Que ce second disque n’atteigne pas le même statut culte que le premier n’a que peu d’importance pour l’auditeur tant qu’on peut de nouveau profiter du talent de ces deux rappeurs, accompagnés une nouvelle fois par un producteur émérite. Au moins, Blade of the ronin vient prouver que The Cold vein n’était pas seulement un disque brillant grâce à El-P. Si le producteur aura sans aucun doute marqué l’évolution du groupe, Cannibal Ox peut bomber le torse sans la présence de Jaime Meline à ses côtés. Le rap indépendant est mort ? Longue vie au rap indépendant.

 

Cannibal OX - Blade of the Ronin (2015)
Cannibal OX
Blade of the Ronin
Cipher Unknown (Intro)
Opposite of Desolate [ft. Double A.B.]
Psalm 82
The Power Cosmiq [ft. Kenyattah Black]
Blade: The Art of Ox [ft. Artifacts & U-God]
Pressure of Survival (Skit)
Carnivorous [ft. Elzhi & Bill Cosmiq]
Thunder In July [ft. Space, Swave Sevah & Elohem Star]
Water
The Horizon (Interlude)
Harlem Knights
Sabertooth [ft. Irealz & Bill Cosmiq]
Iron Rose [ft. MF Doom]
Solar System (Cosmos) (Skit)
The Fire Rises
Gotham (Ox City)
Unison (Skit)
Vision [ft. The Quantum]
Salvation
25/02/82, 1m80, à peine 60 kilos et élevé pour parcourir le macadam parisien de refuge en refuge jusqu'à son déménagement à Londres. Chroniqueur rock de 2004 à 2010 sur Eklektik-rock puis sur la fille du rock depuis 2010, bibliothécaire 2.0 depuis 2008, passionné de musique (metal, jazz, rap, electro …) et de comics. Ecrit aussi en anglais sur Delay and Distorsion (Chronique musicale).

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