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Adrien Durand : promoteur, bookeur chez Kongfuzi Booking

Portrait de baktelraalis
Adrien Durand : promoteur, bookeur chez Kongfuzi Booking

J'étais encore dans ma campagne profonde, bien avant d'arriver à Montréal, quand Kongfuzi Booking activait déjà la scène indépendante à Paris, puis par la suite à travers toute la France. Organisation de booking incontournable pour mélomanes curieux et aguerris, ils organisent des concerts au spectre musical large, et oeuvrent dans l'un des corps de métiers touchant au culturel le plus difficile actuellement dans l'Héxagone (combien de groupes décident maintenant de la contourner ?). C'est donc avec un immense plaisir que je dresse aujourd'hui le portrait d'Adrien, promoteur et bookeur chez Kongfuzi Booking et à la Villette Sonique

Présente-toi brièvement à nos lecteurs "internautes" : comment t'appelles-tu, d'où viens-tu et que fais-tu dans la vie ?

Je m'appelle Adrien, j'ai bientôt 29 ans. Je viens d'Angers mais j'habite à Paris depuis 10 ans maintenant. Ça fait bientôt 4 ans que je travaille dans la musique.

 

On a tous un album, un mouvement musical, une personne qui a changé notre vision de la musique, quel est ton parcours personnel ?

J'ai des goûts très éclectiques. Pour ne pas être très original je dirais forcément Nirvana, Pavement ou Dinosaur Jr. comme un bon enfant des 90's. L'école Dischord a été très importante pour son éthique et son esthétique musicale. Un de mes groupes cultes est Q and Not U depuis très longtemps. Sinon un de mes artistes préférés de tous les temps est Neil Young qui pour moi représente un exemple d'intégrité musicale. Boards of Canada est un autre exemple de groupe qui m'a terrassé musicalement (et visuellement). Rien de très metal je suis désolé :)

 

Ton implication dans la musique? Le moment où tu as franchi le pas? Celui où, si c'est le cas, cette activité est devenu ton métier?

J'ai commencé quand j'étais encore étudiant par monter une petite association avec quelques amis. On a organisé pas mal de concerts dans les bars, un festival DIY et quelques tournées puis j'ai fait la transition vers le milieu plus professionnel. Le déclic a été mon passage par Pop Montreal où j'ai bossé pendant 2 mois à la fin de mes études. J'ai décidé de changer de voie (à l'époque je faisais des études d'histoire de l'art et bossais dans des galeries). J'ai commencé par faire des tractages puis de la promo web. J'ai rencontré pas mal de gens comme ça qui ont apprécié ma vision des choses (j'imagine). J'ai bossé en freelance pour pas mal de prod parisiennes puis j'ai rencontré Christophe qui montait Kongfuzi, et depuis un an et demi on travaille ensemble à organiser des concerts à Paris et des tournées françaises. L'idée de Kongfuzi est de faire jouer des artistes exigeants qui ont une éthique et une vision unique des choses, on fait autant dans l'electronica que le hip hop, le metal, le post rock, le drone ou l'indie pop et cet éclectisme est très important et précieux pour nous. Depuis peu, on a intégré Thibaut qui nous aide pour la gestion du blog et du site. En parallèle, je suis l'attaché de presse et le chargé de com' du festival Villette Sonique et je fais aussi du bénévolat pour le festival Sonic Protest (qui est plutôt dans une veine noise, expé). Et de temps à autre j'essaie d'organiser des concerts dans des lieux atypiques ce qui n'est pas toujours simple à Paris (apparts, ateliers, églises et prochainement musée je l'espère).

 

Les principales difficultés que tu as rencontrées? Celles que tu rencontres encore?

La principale difficulté a été de pouvoir en vivre décemment je pense. Maintenant en France le statut d'intermittent permet ce genre de choses, ce qui est une chance par rapport à d'autres pays. Après sur un plan plus général, c'est parfois dur d'intéresser les gens aux nouveaux groupes. C'est un peu un cercle vicieux: on reçoit énormément de propositions de groupes (parfois une dizaine par jours), et dans le tas certains nous interpellent. On essaie de soutenir le groupe et pousser les gens à les découvrir mais ce n'est pas toujours facile surtout quand ils échappent aux chapelles musicales (je te parlais de Liturgy tout à l'heure c'est l'exemple assez parfait). L'autre difficulté (qui découle de celle là) c'est de soutenir un groupe à ses débuts et ensuite de le voir partir dans une autre agence une fois que ça marche pour lui. C'est un peu inévitable mais disons que certaines personnes ont un peu moins de scrupules que d'autres :) mais bon c'est comme ça.

 

Ton avis sur l'éthique du DIY? Ta propre définition?

C'est un sacré débat et je t'avoue que des fois je trouve ça un peu puéril. Parce que c'est très difficile d'être complètement cohérent avec cette éthique. Quand je vois des gens qui parfois critiquent ce qu'on fait et qui derrière bossent pour des grosses boîtes et vont frissonner dans les concerts punks ça m'agace toujours un peu. Pour moi Le DIY c'est surtout faire les choses par toi même, une vision artistique forte qui rime avec indépendance et création. Si DIY c'est faire jouer un groupe dans un endroit pourri pour épater ta galerie de potes, je trouve ça inutile. Pour moi l'organisateur de concerts se met au service du groupe qui lui-même se présente au public. Le but c'est de proposer le meilleur écrin possible pour ça et de faire le lien entre l'artiste et les gens que ça peut intéresser. Kongfuzi pour moi incarne bien ce truc-là puisqu'on organise des concerts qui vont de 20 à 1000 personnes, sans compromis musical, sans financement extérieur et 99,99% du temps ça se passe hyper bien avec les artistes et de plus en plus de gens nous expriment leur soutien, ce dont je suis très fier. Un groupe comme Pneu par exemple vient de ce truc DIY. Christophe qui les booke en France, leur a offert une belle visibilité et beaucoup de concerts. Aujourd'hui ils jouent aussi dans des belles salles, vont pouvoir peut-être enfin en vivre, ils ont fait un disque avec Kurt Ballou, une collab avec Eugene Robinson. Je trouve ça génial de me dire que Kongfuzi a un petit rôle dans ce truc là et comme c'est groupe qui tue en live et qui ne fait aucune concession c'est hyper mérité. Et comme je te le disais aussi je trouve ça normal de gagner ma vie en exerçant cette activité, ça me permet d'y consacrer mon temps et du coup de le faire mieux. Après je trouve ça hyper cool et important que des gens continuent avec des plus petites structures complètement alternatives mais je pense qu'on a besoin des deux. Après c'est plus un avis qu'un jugement, car je ne suis certainement pas la meilleure personne pour juger ça.

 

Tes projets? Comment vois-tu ton activité évoluer? Tes souhaits? Tes craintes?

Mon projet c'est continuer sur cette lancée, soutenir Kongfuzi autant que je peux, intégrer de nouveaux projets. On bosse aussi des projets plus hybrides (comme le vegetable orchestra qui fait de la musique mi-concrète mi-expérimentale avec des légumes). On parle souvent d'organiser un festival, j'espère qu'on le fera bientôt.

 

Ton album ultime? Le concert auquel tu penseras toujours?

C'est dur dis donc ! Je suis plutôt la frange indie de Kongfuzi :) donc je ne sais pas si ça parlera beaucoup à tes lecteurs...disons 3 disques :

Notwist « Neon Golden » (qui vont revenir en début d'année prochaine)
Neil Young « Harvest »
Tortoise « Tnt »

Et les concerts Kongfuzi :

Lightning Bolt à la Maison de la Villette
Oxbow à la maroquinerie
Deerhoof au Trabendo
Throbbing Gristle à la Villette
Converge au Nouveau Casino

Et celui que j'attends avec impatience: Sleep en 2012 et aussi Black face qui rassemble Eugene Robinson et Chuck Dukowski de Black Flag !

Et je viens de voir un projet complètement fou à Pop Montreal: B L A C K I E, hip hop ultra nihiliste et dark, j'espère qu'on pourra l'amener en France!

 

Ton instant musique de prédilection pour la ressentir au maximum ?

Le petit luxe de l'organisateur: sur le côté de la scène :)

 

Quel est ton rapport avec un instrument de musique ? Fascination, peur, frustration ?

Je suis aussi musicien et ça occupe aussi pas mal mon temps donc je sais pas trop. Je ne sacralise pas vraiment les instruments (ni les objets en général).

 

Parmi les nombreux styles de musique autour desquels nous gravitons, lequel t'es le plus cher et pourquoi ?

En fait je ne crois pas trop en cette notion de style. J'aime autant Sunno ))) que Jay Z ou Fugazi. J'aime bien l'idée de déviation au contraire, pour moi les groupes importants sont ceux qui ont une vision personnelle et brisent les barrières.

 

Es-tu capable d'écouter des choses totalement différentes ? Si oui des exemples pour tenter de nous faire peur?

J'ai un peu répondu au-dessus. Mais oui ma discothèque (physique et digitale) est très éclectique et j'écoute beaucoup de vieux trucs, pas mal d'electro et de hip hop et des trucs noise barrés ou plus psychés, drones mais aussi du jazz et de la musique minimaliste ou répétitive. Le plus « honteux » c'est sûrement mon attachement inconsidéré à Phil Collins, mes potes m'offrent toujours des cadeaux qui ont un rapport avec lui, ça devient un peu flippant haha...

 

Dans quoi mets-tu le plus d'argent ? Vinyles/CDs/Bandcamp, concerts, merchandising?

J'ai la chance de recevoir pas mal de disques, mais je suis très attaché au format vinyle comme pas mal de gens, j'ai toujours trouvé le format cd assez nul. Sinon j'essaie d'aller voir le plus de concerts possibles (entre 3 et 5 par semaines je dirais) mais je suis quand même assez souvent invité, je ne vais pas te mentir. Quand ça me plait, j'aime beaucoup repartir avec un petit quelque chose du concert car je sais en plus que ça soutient l'économie du groupe.

 

As tu une "consommation" similaire dans d'autres formes d'art?

Je ne vais pas beaucoup au cinéma mais je vais beaucoup au musée par contre et je dépense pas mal d'argent dans les (très onéreux) catalogues d'expos...

 

Tes parents écoutaient quoi quand tu étais enfant ?

Mon père surtout m'a pas mal emmené aux concerts de Jazz et il écoutait des trucs folks, de la chanson française et les Beatles bien sûr. Ma mère m'a plus éduqué sur les livres que la musique.

 

Le mot de la fin : il est à toi, dis ce que tu veux.

Continuez d'être curieux et ne faites pas de complexe quant à ce que vous aimez. L'éthique c'est bien mais l'important selon moi c'est de vivre des expériences fortes!

Adrien Durand : promoteur, bookeur chez Kongfuzi Booking
Baktelraalis
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