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Thee Silver Mount Zion Memorial Orchestra + Eric Chenaux 18/02/2014 @ L’Epicerie Moderne, Feyzin

Portrait de Sandra
Thee Silver Mount Zion Memorial Orchestra + Eric Chenaux 18/02/2014 @ L’Epicerie Moderne, Feyzin

Fin 2013, on tendait une oreille craintive mais impatiente au premier extrait de l’album Fuck Off Get Free We Pour Light On Everything dévoilé sur le site du label Constellation. Quelques écoutes plus tard, l’opus fait son effet et l’envie d’expérimenter tout ça en live est bien là. La semaine dernière, c’est donc dans la chouette salle de l’Épicerie Moderne qu’on avait rendez-vous pour le concert de Thee Silver Mount Zion Memorial Orchestra et d’Eric Chenaux. Ça fleurait bon la liberté musicale, le printemps érable et la révolte.

C’est le Torontois Eric Chenaux qui ouvre la soirée. Seul avec sa guitare, il enchaîne d’une traite un set déconcertant qui oscille entre improvisations et ballades folk avant-gardistes. La maîtrise technique de ses expérimentations aura en tout cas interpellé le public, entre fascination et ennui total. Me situant quelque part entre les deux, je me laisse bercer, en attendant la suite.

“We live on an island called Montreal, and we make a lot of noise, ‘cause we love each other!” C’est cette phrase prononcée par le fils des membres Jessica Moss et Efrim Menuck qui ouvre leur dernier album. Du bruit et de l’amour, voilà ce qui nous attend, ça et tellement d’autres choses…

Si la formation a connu de multiples formes et patronymes depuis sa création, c’est en quintet que Thee Silver Mount Zion Memorial Orchestra a fait son retour cette année. Installés en arc de cercle, les duos violon/guitare et violon/basse se font face, ouvrant sur le fond de scène occupé par le batteur. Car à l’instar de GodspeedYou!Black Emperor (difficile de ne pas les citer quand 3 des membres de SMZ en sont issus !), c’est en collectif que le groupe se conçoit. En découle alors en concert une énergie commune qui décuple la force des morceaux du dernier album.

A peine entré sur scène, le groupe absorbe le public. On n’a pas d’autre choix -à moins de sentir un rejet immédiat pour leur musique- que d’être enrôlés dans l’ardeur et la puissance de leur art, pris d’assaut par la furie instantanée de Fuck Off Get Free (For the Island of Montreal). L’alliance des violons dissonants, des guitares saturées et des voix fonctionne parfaitement. Les cinq musiciens construisent de vraies barricades sonores d’une densité ahurissante, bien loin des frontières entre sonorités folk, punk, metal, klezmer,… On entend dans ce glorieux vacarme une réelle cohérence, où le chaos des cordes est tenu par la justesse des lignes de basse, la précision du batteur et l’équilibre entre les voix féminines et masculines.

Le chant quasi omniprésent prend tout son sens en live, dans ses nuances, sa détermination et cette charge politique qui transformerait presque certains morceaux en manifestes ! A l’image de l’épique et progressif « Austerity Blues » qui pourrait résumer à lui seul un concert de SMZ, longue incantation à la composition vertigineuse et aux paroles teintées d’amertume.

C’est le dernier album qui occupe l’essentiel de la setlist, exceptions faites de Piphany Rambler (extrait de Kollaps Tradixionales) et d’un excellent titre inédit : All The Kings Are Dead.

Avec sa gueule de prophète, Efrim Menuck ponctue le concert de références à l’actualité (ukrainienne, entre autres...) qui rappellent l’engagement politique du groupe, particulièrement sensible sur le dernier album inspiré notamment par les manifestations étudiantes qui ont secoué le Québec en 2012. Loin de la chanson engagée, le groupe a cette force là de proposer une musique consciente et révoltée sans que tout ça n'entache la qualité de sa musique, s’en servant au contraire pour appuyer ses expérimentations et se créer une esthétique à part entière.

Tout au long du concert, on reste suspendu à cette colère brute, à ce maelstrom de sentiments qui habitent leurs chansons. On sent l’urgence et la colère d’un côté, l’espoir et l’euphorie de l’autre, et toutes les émotions qui hantaient déjà l’album prennent vie.

On se prend l’hymne « What we love was not enough » en pleine face, la voix plaintive de Menuck est poussée jusqu’à sa plus belle intensité, et les violons déchirants accompagnent le lent déploiement du morceau jusqu’à son apogée.

Le groupe concluera la soirée par le rappel « Little Ones Run », fragile ballade en forme de berceuse prophétique qui aidera le public à reprendre doucement ses esprits après 1h30 d’un concert à l’énergie magnétique. Thee Silver Mount Zion Memorial Orchestra s’en va, laissant dans nos cerveaux l’empreinte lumineuse de sa musique à la richesse aussi cathartique que sensible.

Crédits photos : Rémy Ogez

Je voulais travailler dans la culture mais ça marchait pas, alors pour tromper l'ennui j'allais voir des concerts puis j’écrivais des trucs. J'ai fini par trouver du boulot, mais j'ai continué à écrire.

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