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OTB Fest 2015, Jour 2 : Oathbreaker + Year of no light + Monarch! + The Prestige + Valve 30/04/2015 @ La Maroquinerie, Paris

Portrait de Annabelle
OTB Fest 2015, Jour 2 : Oathbreaker + Year of no light + Monarch! + The Prestige + Valve 30/04/2015 @ La Maroquinerie, Paris

Deuxième et dernier jour de l'OTB Fest 2015 : entre les élégants éclairages de Year of no light et la sombre messe capillaire d'Oathbreaker.

« Le temps des sentiments n'est pas celui des horloges. »
– Les Versets sataniques, Salman Rushdie
 

Arrivée — presque — à l’heure pour ce deuxième jour, je constate en rejoignant mes ami-e-s que le nombre de personnes présentes est déjà plus conséquent que celui de la veille. Bienheureux à l’idée de voir Oathbreaker clore la soirée — mais attristés de ne pas assister au set de Will Haven qui n’a finalement pas pu/voulu venir —, nous descendons dans l’antre de la Maroquinerie. L’ouverture se fait avec Valve : chronique d’une violence annoncée. Les Parisiens voguent entre doom et hardcore, bien décidés à nous mettre à terre dès le début. Ils désirent visiblement se mêler à leur public, jouant même face à la scène, pour finalement devenir leur propre spectateur. La voix du chanteur, puissante, ne nous laisse aucun choix si ce n’est de l’écouter, et fait de cette brève introduction le parfait préambule à la nuit qui nous attend.

Le groupe suivant ne compte pas ralentir la cadence. La salle est bouillonnante, prête à se plier aux règles officieuses du live hardcore. Autre groupe parisien, autre ambiance. The Prestige nous joue les nouveaux morceaux de son album Amer avec une bonne humeur communicative, communiant avec la fosse de temps à autre (et la barbe de votre dévoué photographe, Andrey). Ça parle beaucoup sur scène, mais la todo list d’une prestation réussie est complétée à la fin de ce court set. Le chanteur — qui est aussi le guitariste — accomplit le plus gros, forçant son public encore distrait à se concentrer sur lui. Ambiance pantacourt et rigolade, fans comme badauds semblent convaincus.

Osé, le choix de Monarch, formation de drone doom en ce milieu de soirée, ressemble à une transition, qui, manifestement, n’a pas été évidente pour tout le monde.

Il ne fait pas encore nuit et il est déjà temps de redescendre dans la gueule de la bête afin d’assister au live de Monarch : l’objet de débat de ce deuxième jour. Il est intéressant de venir bousculer le line-up d’un festival comme l’OTB et d’incorporer à une affiche résolument hardcore quelque chose de légèrement différent. Osé, le choix de Monarch, formation de drone doom (plus doom que drone d’ailleurs), en ce milieu de soirée ressemble à une transition, qui, manifestement, n’a pas été évidente pour tout le monde. Emilie Bresson (aka Eurogirl) n’est pas là pour attendrir les cœurs et la guerre est rapidement déclarée. Afférée à sa table de mixage, elle alterne entre hurlements, fureur aveugle et douceur fallacieuse, accompagnée par quatre autres musiciens. Malgré une reprise plutôt déroutante de Cherry Bomb des Runaways, la sauce ne prend pas, et le concert semble long, trop long. À la curiosité s’imposent la lassitude et l’envie impérieuse d’aller fumer des clopes et boire des bières pour s’aérer l’esprit. Lorsque Monarch quitte la scène, j’envie quelque peu la transe chamanique qui semblait s’être imposée à certains durant le show des Bayonnais, alors que je suis malheureusement restée hermétique à cette invitation a priori tentante.

La musique des Bordelais est un savant mélange des genres.

Très enthousiaste à l’idée de voir Year Of No Light sur scène — privilège que je n’avais pas encore eu —, tous mes amis s’accordent sur un point : « c’est une valeur sûre ». Mon impatience n’en est que plus grande, et le moins que l’on puisse dire, c’est que je n’ai pas été déçue. Combinaison de post-métal et de post-rock, la musique des Bordelais est un savant mélange des genres, pouvant parfois tant se perdre dans le sludge que le post-hardcore assumé. Proposés comme une énumération d’incantations, les morceaux s’enchaînent sans interruption face à une foule captivée. Les éclairages sont encore une fois sans artifice, illuminant ça et là les musiciens de leur teinte jaune. Cette douce atmosphère donne aux intérieurs de la Maroquinerie des airs mystiques, et je ne suis pas loin de réclamer mon hostie lorsque les notes de Hiérophante se mettent à retentir. Nous sommes à l’église, et l’écho de nos blasphèmes n’en finit pas de se répéter.

Au hardcore imbécile s’oppose celui de groupes comme Oathbreaker (...)

Will Haven ne jouera pas — je m’en suis pour ma part rapidement remise —, mais Oathbreaker est bel et bien là. Membre de la Church of Ra depuis quelques années, fidèle béate et dévouée, j’attends Caro Tanghe et ses compagnons comme une enfant ses cadeaux à la veille de Noël. Au hardcore imbécile s’oppose celui de groupes comme Oathbreaker : un hardcore intelligent, qui donne à réfléchir tout en t’assommant la gueule à grands coups de riffs parfaits. On pourra parler de « fureur » et de « rage » (la liste d’adjectifs pour décrire la musique préférée des habitants du Mordor est vite épuisée, on le sait), mais je vais me contenter d’utiliser le mot transcendance. Cette fois-ci, j’étais prête à me prendre la colère de Mademoiselle Tanghe dans le visage, j’étais prête pour les représailles de sa voix, fascinante, aussi puissante que moelleuse. Nous sommes en train de vivre un véritable moment de grâce, et derrière les cheveux de la jeune femme, je peux sentir son exultation totale. Genoux cloués au sol, elle incarne à elle seule l’énergie incroyable de cette salle, dont les habitants éphémères la vénèrent sans discuter.

Pourtant, encore captifs de cette prestation incroyable qui se termine avec le parfait The Abyss Looks Into Me, nous devons nous y résoudre, l’OTB Fest est bel et bien fini, et nous aussi. En toute confidence, le bilan de ce festival m’a fait chaud au cœur. Dans le milieu musical, on se plaît à coller des étiquettes sur chaque morceau que l’on écoute, on aime le « hyphenated system » consistant à l’énumération de genres que l’on attribue à nos groupes préférés. Réduisant parfois le débat à peu de chose. Et malgré cela, ces deux soirées à la Maroquinerie auront même réussi à convaincre ceux qui étaient là par hasard. La musique peut être alternative, mainstream, indépendante, et bien plus encore. Mais il reste toujours cette constante : elle est ouverte à tous et la diversité du public lors de cette édition 2015 faisait vraiment plaisir à voir. Certains reprochent la récupération de leurs artistes préférés par d’autres, les mélanges des genres parfois un peu trop aventureux. Pourtant, comme en tout, j’y vois personnellement l’enrichissement mutuel de cultures et d’influences qui, un jour où l’autre, étaient quoi qu’il arrive destinées à se rencontrer.

J'ai plus de films d'horreur vus à mon compteur que l'enfant fantasmée de John Carpenter et Dario Argento. J'aime écouter de la musique et en parler, surtout ici.

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