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Old Man Gloom + Circle + Bossk 04/04/2014 @ La Maroquinerie, Paris

Portrait de DMDFC
Old Man Gloom + Circle + Bossk 04/04/2014 @ La Maroquinerie, Paris

Étonnamment, je mets un temps record à traverser une partie de l’île de France pour me retrouver au milieu de la capitale, pas trop encombrée de bouchons en ce début de week-end printanier. J’imagine que mon prochain périple similaire sera une vengeance du destin et que je mettrai probablement une plombe à m’extraire d’une circulation bien trop dense. Petit bonus : je ne tourne même pas autour de la rue Boyer, je trouve de quoi parker mon automobile en un temps, lui aussi, record. Je fais une croix dans l’agenda. Lecteur, tu te dis que tu te fous royalement de mon histoire. Tu auras raison. Mais il faut bien introduire un article qui raconte un concert et à part t’expliquer que l’audience est massivement composée de jeunes gens habillés en noir –pas un scoop- je n’aurais pas grand chose d’autre à écrire. Sur place je retrouve rapidement mon co-équipier du pélican, Andrey, votre fournisseur iconographique mesdames et messieurs, et je constate qu’il a encore grandi depuis notre dernière rencontre. Il me soutient que non, je suis persuadé que c’est une ruse.

Bossk

Les types ne doivent pas être que des bourrins mais n’ont visiblement pas de bonnes idées pour transcender un genre qui vieillit mal.

Bref, il n’y a pas encore grand monde quand Bossk monte sur scène à la Maroquinerie. D’ailleurs l’orga a dû avoir un peu de mal à vendre ses tickets puisqu’une partie de la salle ce soir est condamnée. Les types ne vont pas se démonter- de toute façon il n’ont probablemnt pas le choix- et investir comme ils peuvent le terrain de jeux. Le problème c’est qu’ils ne peuvent pas grand chose. Bossk joue ce qu’on a un temps nommé le post hardcore (seconde vague), soit la musique des gens peu inspirés qui ont copié la triplette Neurosis-Isis-Cult Of Luna (surtout les premiers) pour produire les trucs parmi les plus chiants jamais enregistrés. Le courant qui a eu sa petite heure de gloire il y a une dizaine d’années avait commencé à tomber en désuétude, mais au vu de ce que fait Bossk, on peut craindre une troisième vague. Eurk. Bossk est parfait dans le genre. Mélange de gros riffs soutenu par des cymbales en furie et une basse saturée, les morceaux alternent avec de beaux sons de guitares chiadés sur fond mélodique à pleurer au fond des bois. Le groupe est hyper appliqué et la façon de faire est au point. Les arrangements sont soignés, et le batteur, lorsqu’il sort de son pur jeu de soutien rythmique en menant le reste de la troupe sur le troisième morceau, assure une frappe puissante. Les nappes de cordes se mêlent avec délicatesse aux arpèges et on se prendrait presque au jeu… sauf que tout ceci est tellement délavé et vide de sens qu’on soupir vite devant un tel vide. Ça hésite trop entre mur de son et beauté, parce que les types ne doivent pas être que des bourrins mais n’ont visiblement pas de bonnes idées pour transcender un genre qui vieillit mal. Trop bien foutu, trop poli, pas inspiré, avec un charisme de coquelet mouillé, Bossk ne peut même pas jouer la carte mauvais goût de la nostalgie pour justifier une telle orientation artistique.

 

Circle

Une purée rock à la croisé du viking, de la FM, de l’humour graveleux et de l’opéra débile

Circle avait déjà brillé à la maro il y a 4 ans en ouvrant pour les incroyables Melt Banana. Depuis ce show, je n’ai pas eu l’occasion de creuser la discographie du groupe, mais leur show n’a pas tellement changé. Tous en leggin à paillette ou presque-le chanteur ayant opté pour un patte d’eph’ rose- et avec des bottes à franges pour certains, des poignées de forces à clou pour d’autres, Circle monte sur scène en accoutrement totalement ridicule mais envoie une purée rock à la croisé du viking, de la FM, de l’humour graveleux et de l’opéra débile. Et forcément, avec des musiciens loin d’être musicalement des burnes, Circle fascine. Entre morceaux épiques et écarts mongolo, parodie et coup de génie les 6 mecs du groupe proposent un spectacle bas du front et efficace. Le chanteur également préposé aux claviers, quand il ne chante pas de sa voix d’opéra délabré joue au bioman, court sur scène, charme son bassiste, bref, fait le show. Les autres donnent aussi de leur personne en mimant les gimmicks de pop stars, se partageant le micro façon USA for Africa, tout en empilant riffs fous et plans de patrons. Le grand écart stylistique entre chaque morceau produit une bouillie où s’ajoutent aux éléments précédemment cités des touches de jazz cabaret, d’hymnes pour stades et de free rock épileptique. Du coup, la différence avec Bossk saute aux yeux. Après des mecs appliqués mais chiants, voici le groupe totalement pété mais fascinant. Avec autant d’idées dans un morceau que dans toute la prestation des petits gars d’avant, la comparaison fait mal. Circle est grand.

 

Old Man Gloom

Lorsque les morceaux de Seminar II se font entendre, c’est un déchainement des enfers devenu son qui secoue toute la salle.

Old Man Gloom est un groupe assez particulier, finalement. Lorsque Meditation In B sortait il y a 14 ans, on parlait d’un projet parallèle d’Aaron Turner, aidé de son pote Santos Montano, pour sortir ces petites séquences de hardcore lourd et nerveux qui se mêlaient à de longs déploiements qui venaient contre-balancer. Avec le duo Seminar II et III, le duo devint groupe et même super groupe. La crème de la scène hardcore arty s’associait pour donner vie à une entité singulière, capable d’enregistrer les titres les plus décisifs du genre. Après un long hiatus, OMG s’est finalement ré-activé il y a 2 ans et tourne pour la première fois de son existence. Quand une telle association de malfaiteurs pointe le bout du museau, après tant d’heures à écouter et disséquer le culte en mode force tranquille – Old Mand Gloom est un groupe discret, mais tous ceux qui suivaient le groupe à sa grande heure savaient la valeur de l’écoute de ses albums- on se déplace. Pourtant, comme dit plus haut, l’orga n’a pas réussi à faire salle comble alors qu’on peut penser que 10 ans plus tôt, cette affiche aurait largement assuré un sold out. Faut tout de même voir le line up : Montano donc, et Turner, le patron de feu Isis et feu Hydrahead, qui ressemble désormais à un crust anorexique à la guitare et au chant. De l’autre côté de la scène, Nate Newton lâche la basse qu’il tient merveilleusement bien dans Converge et occupe ici la seconde guitare et gère aussi quelques vocalises. Au milieu, Caleb Scofield, bassiste et hurleur de Cave In. Intro progressive et au bout de quelques minutes tout est en place : le son est colossal. Je pense que les 110db réglementaires sont explosés. Old Man Gloom joue à un volume redoutable et avec une puissance et une lourdeur qui va probablement laisser quelques séquelles. Newton, moins connu derrière une 6 cordes, remplit parfaitement son rôle, mais reste plus contenu qu’avec Converge. Turner de l’autre côté est comme d’habitude sur-investit dans ses riffs et beugle comme un goret en fond sonore une bouillie vocale presque aussi désagréable que son chant clair. Je me souviens assez rapidement pourquoi Isis me gonflait une fois sur deux sur scène d’ailleurs : son jeu de scène n’a rien de spontané et Aaron donne l‘impression de « jouer » plus que « d’être » guitariste. Etrange. Au bout d’un moment, Jesus Turner demandera même à Andrey de stopper les photos, probablement à court de nouvelles poses-j’en profite pour constater que mon collègue a encore pris quelques centimètres depuis le début du concert.

C’est surtout Scofield qui habite et dirige le groupe qui attire l’attention. On se souvient que sa voix était celle qui pourfendait les envolées mélodiques de Cave In pour aller creuser de ses cordes vocales ravagées le son du groupe vers des excès de haine hardcore. Imposant aussi bien ses lignes de voix que ses lignes de basse, il incarne un leader naturel convainquant. Mais encore une fois, c’est la force du line-up qui fait la puissance du quartet. Lorsque les morceaux de Seminar II se font entendre, c’est un déchainement des enfers devenu son qui secoue toute la salle. La musique d’Old Man Gloom apparaît comme une puissance qui se tient massivement sur le rythme et la façon dont il est martelé par cet orchestre, plus que par ses riffs-qui sont pourtant autant de leçons pour complexer les apprentis guitaristes. Mais si la puissance du groupe est remarquable, il y a tout de même une surprise de taille. La spécificité même d’Old Man Gloom vole partiellement en éclat sur scène. Sur disque, le groupe apparaît comme ce projet OVNI capable de mêler saillies punk et longues plages ambient. Celles-ci sont désormais reléguées au rang d’interlude lancées sur bande, et jamais le groupe ne prend le temps de « jouer » ces morceaux qui forgent pourtant l’identité d’OMG. On aurait aimé voir un groupe partir dans de longues envolées expérimentales alors qu’en lieu et place on voit 4 mecs qui se ré-accordent et qui discutent pendant qu’est diffusé un mp3.

Au moment de quitter la salle, on contemple une Maroquinerie pas franchement pleine, et on se souvient que Turner et Scofield jouaient dans des stades il y a quelques années, respectivement en ouverture de Tool et Muse. Les temps changent.

Crédits photos : CSAOH / Andrey Kalinovsky

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